Le Centre de Recherche en Droit Administratif (CRDA) de l’Université Panthéon-Assas, avec l’assistance de l’Institut Cujas a présenté, le lundi 31 mars 2014, une conférence d’actualité sur le thème : L'affaire Dieudonné et les libertés.

Pour en débattre :

  • Bertrand Seiller, Professeur et Directeur du CRDA, Président de séance
  • Camille Broyelle, Professeur à  l'Université Panthéon-Assas Paris II
  • Denis Baranger, Professeur à  l'Université Panthéon-Assas Paris II, Membre de l'Institut universitaire de France

 

Intervention du Professeur Camille Broyelle

 

 

Intervention du Professeur Denis Baranger

 

 

 

Résumé des faits

 

par Stéphanie Dubiton

Dans la très médiatisée « affaire Dieudonné »[1], il apparaît nécessaire ici de rappeler les éléments contextuels et procéduraux qui entourent les trois ordonnances de janvier 2014 rendues par le juge des référés du Conseil d’État se prononçant sur la légalité de mesures d’interdiction d’un spectacle, adoptées au titre de la police administrative générale.

 

M. Dieudonné M’bala M’bala (ci-après Dieudonné), qui avait présenté au Théâtre de la Main d’Or à  Paris en fin d’année 2013 son nouveau spectacle « Le Mur », devait débuter une tournée nationale le 9 janvier 2014 au Zénith de Nantes, et se produire dans la même semaine à  Tours le 10 janvier, puis à  Orléans le samedi 11 janvier. Condamné pénalement à  de multiples reprises pour propos racistes ou antisémites[2], Dieudonné avait déjà  fait l’objet de mesures d’interdiction de la part de plusieurs municipalités, qui s’étaient heurtées jusqu’ici à  la jurisprudence de la juridiction administrative[3].

C’est dans ce contexte que le lundi 6 janvier 2014, le ministre de l’Intérieur d’alors, M. M. Valls, adresse aux préfets une circulaire (NOR : INTK1400238C), rappelant le cadre juridique dans lequel les réunions publiques de Dieudonné – et plus particulièrement les représentations de son nouveau spectacle - pourraient justifier en droit des mesures d’interdiction à  l’initiative des différentes autorités de police administrative (préfet ou maire).

A la suite de la diffusion de la circulaire ministérielle, le préfet de la Loire-Atlantique signe mardi 7 janvier 2014 un arrêté d’interdiction du spectacle « Le Mur » programmé le surlendemain au Zénith de Nantes. Dieudonné saisit le juge des référés du tribunal administratif de Nantes par la voie d’un référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative). Par ordonnance en date du 9 janvier, le juge des référés fait droit à  la demande du requérant et suspend l’exécution de l’arrêté préfectoral. Saisi, le même jour, par voie d’appel d’une requête du ministre de l’Intérieur dirigée contre l’ordonnance du juge du tribunal administratif de Nantes, le président de la section du contentieux du Conseil d’État juge, quelques minutes avant la représentation, que « le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ». Le one man show qui devait se tenir dans la soirée est interdit.

Le lendemain, 10 janvier 2014, c’est l’arrêté du maire de Tours du 7 janvier 2014 portant interdiction de la représentation du spectacle prévu pour le jour même dans la ville, qui est soumis au juge des référés du tribunal administratif d’Orléans. Dans la lignée de la première ordonnance de la haute juridiction rendue au sujet d’une représentation du même spectacle, le juge des référés refuse la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté de l’autorité de police. Dieudonné saisit le Conseil d’État en appel d’une requête en annulation de la décision du tribunal administratif d’Orléans. Par ordonnance du même jour, le juge des référés du Conseil d’État confirme la décision du tribunal administratif, rejetant ainsi la demande de l’auteur.

Le samedi 11 janvier 2014, après avoir annoncé qu’il remanierait son spectacle de sorte que plus aucun propos répréhensibles relevés lors des représentations parisiennes ne seraient repris à  Orléans le soir même, Dieudonné saisit le tribunal administratif d’Orléans d’une requête en annulation dirigée contre l’arrêté du député-maire de la commune en date du 9 janvier 2014. Le tribunal administratif d’Orléans maintient l’exécution de l’arrêté interdisant la représentation du 11 janvier du spectacle « Le Mur ». Le Président adjoint de la section du contentieux confirme le jour même l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif, jugeant que l’arrêté du député-maire d’Orléans « n’avait pas porté, dans l’exercice de ses pouvoirs de police, une atteinte grave et manifestement illégale à  une liberté fondamentale ».

Stéphanie Dubiton est docteur en droit de l’Université Montpellier I

Pour citer cet article :
Denis Baranger, Camille Broyelle, Bertrand Seiller «L'affaire Dieudonné et les libertés », Jus Politicum, n° 12 [https://juspoliticum.com/article/L-affaire-Dieudonne-et-les-libertes-857.html]