Les procédures de fast-track anglo-américaines : Un exemple d’efficacité législative ?

Thèmes : Droit comparé - États-Unis - Royaume-Uni - Procédure législative - Fast-track

Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique propose d’écourter la procédure législative accélérée prévue à l’article 45 et dont la réforme constitutionnelle de 2008 avait déjà amorcé la banalisation. Toutefois, cette voie procédurale reste un mélange entre une procédure d’urgence et les ordonnances de l’article 38 de la Constitution, ce qui restreint fortement son intérêt. Cet article s’applique à comparer cette procédure avec celles de fast-track des pays anglo-américains. Ces dernières constituent des exemples de procédures législatives accélérées et elles ont l’avantage d’être relativement anciennes permettant ainsi d’avoir un certain recul quant à leur intérêt. Le but est d’identifier les points faibles de chacune de ces procédures afin de déterminer comment encadrer le plus efficacement possible la procédure législative accélérée en France pour lui donner une place à part entière.

The current French constitutional reform plans to shorten the fast-track legislative proceedings provided for in Article 45 of the Constitution. The constitutional reform of 2008 had already started to generalize its use. However, this procedure remains a mix of an emergency proceeding and of the ordinances of Article 38 of the Constitution, which narrows its interest. This article tends to compare this procedure with the well-established fast-track proceedings in the UK and the USA. Their relatively long experience enables us to gain knowledge on their interest. The aim is to highlight the weaknesses of every proceeding. This will allow us to determine the most efficient frame for the French proceeding, and to give it its full place.

1. Le Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, plus responsable et plus efficace souhaite répondre à une « volonté profonde de changement de notre vie politique[1] ». Pourtant, son article 5 propose une modification — trop infime, et donc inutile — d’une procédure accélérée qui n’est ni représentative, ni responsable, ni efficace.

2. La procédure législative accélérée est prévue par l’article 45 alinéa 2 de la Constitution qui permet, soit au terme d’un désaccord entre les deux Assemblées à la suite de deux lectures dans chacune d’elles, soit à l’initiative du Gouvernement après une seule lecture, de réunir directement la Commission Mixte Paritaire afin d’obtenir un texte que le Gouvernement pourra soumettre aux Assemblées. Lors de ce vote, aucun amendement n’est recevable. Cette procédure consiste ainsi en une réduction considérable de la navette parlementaire ainsi que des droits du Parlement. Elle tend aussi à diminuer la transparence politique : la Commission Mixte Paritaire est la seule étape législative se déroulant à huis clos total, de telle sorte aussi que sa représentativité et sa responsabilité peuvent se présenter comme douteuses.

3. Déjà, lors de la réforme constitution en 2008, la banalisation accrue de cette procédure avait alerté la doctrine[2]. En effet, le changement de son nom de procédure « d’urgence » à procédure « accélérée[3] » avait tenté d’en effacer le caractère dérogatoire afin d’en faciliter un usage généralisé. La procédure de droit commun avait alors été mise de côté dans de nombreux, cas ce qui pouvait s’apparenter à un détournement de procédure.

4. Enfin, bien que le Projet de loi constitutionnelle propose d’écourter cette procédure par la suppression du délai minimum entre le dépôt d’un texte et sa discussion ainsi que par la possibilité de réunir la Commission Mixte Paritaire directement après la première lecture, cette procédure ne permettra toujours pas de répondre à une réelle urgence en rendant possible l’adoption d’un texte en quelques jours, voire quelques semaines. En effet, notre système institutionnel ne comporte aucun moyen permettant d’adopter une loi dans un tel délai.

5. Il est vrai que, face à l’urgence, notre procédure parlementaire présente des lacunes. Il n’existe aucun outil permettant au Parlement d’adopter une loi dans un délai très restreint. Or, si toutes les lois ont la même valeur normative, toutes n’ont pas le même objet et encore moins le même effet. Dès lors, il est légitime d’interroger la nécessité de soumettre toutes les lois à une procédure législative complète qui, si elle garantit la représentation et le débat démocratique, peut présenter une lenteur problématique lorsqu’une décision rapide est nécessaire.

6. Il existe, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis, des procédures législatives dites de fast-track qui proposent une solution à ce problème. L’expression même de fast-track n’est pas aisée à traduire littéralement. Elle renvoie à l’idée de « rails à grande vitesse », de « voie rapide ». Cela évoque le passage d’un train qui, s’il va plus rapidement, passe toutefois par les mêmes gares. Dès lors, en toute rigueur, une procédure de fast-track législative ne devrait déroger au droit commun que par sa temporalité. Le processus législatif devrait respecter toutes les étapes établies – les différentes lectures, les navettes entre les chambres, les votes –, mais en les franchissant de manière accélérée.

Le but de la procédure de fast-track est de pouvoir “produire de la législation” plus vite, et ce au moyen d’une réduction ou d’une suppression du débat parlementaire tel qu’il est prévu par la procédure législative classique.

7. On peut relever quatre enjeux particuliers auxquels cette procédure fait face. Tout d’abord, il s’agit d’une procédure dérogatoire et qui doit le rester. Elle doit donc faire l’objet d’un encadrement adéquat dont la subtilité réside dans une appréciation juste et objective des circonstances de fait par les organes étatiques.

De plus, cette procédure réduit le temps d’intervention du Parlement, qui est l’institution votant la loi « expression de la volonté générale[4] ». Elle porte donc atteinte au principe de représentativité, fondement de notre démocratie.

Ce constat est d’autant plus problématique que cette mise à l’écart du Parlement se fait au profit du pouvoir exécutif déplaçant l’équilibre établi entre les pouvoirs. Considérant l’importance de la séparation des pouvoirs, « principe de technique constitutionnelle destiné à éviter le despotisme et à garantir la liberté[5] », cette procédure peut porter en germe les moyens d’un musellement – au moins partiel – du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif[6]. Ce mécanisme doit donc aussi être envisagé en tant que perturbateur de l’ordre établi par la Constitution.

Enfin, cette réduction du temps de fabrication de la loi peut soulever des interrogations à propos de sa qualité. Une loi répondant rapidement mais médiocrement à des circonstances particulières manquerait son but et serait finalement une perte de temps supplémentaire si sa piètre qualité conduisait à adopter un autre texte.

8. Ces quatre enjeux sont liés : c’est parce que la procédure est plus courte que le Parlement intervient moins, et que l’Exécutif est plus fort ; mais c’est aussi pour cette raison que la loi peut être de moindre qualité, pour autant qu’il ne s’agisse de la seule solution pour réguler une situation urgente. De même, c’est parce que l’usage de cette procédure n’est pas assez encadré que l’Exécutif peut utiliser un tel procédé pour prendre un avantage sur le pouvoir législatif ; mais si un tel risque n’est pas pris, le blocage demeure. Par conséquent, le recours à la procédure de fast-track et ses modalités de fonctionnement doivent être minutieusement pensées afin d’opérer un arbitrage équilibré entre tous ces paramètres.

9. Il est intéressant d’étudier les systèmes de fast-track proposés au Royaume-Uni et aux États-Unis, car chacun présente des mécanismes diversifiés permettant de répondre à différents types de situation. Par conséquent, une étude comparative de leurs solutions apporte des exemples concrets et divers de procédures de fast-track dont la compréhension permet de nourrir la réflexion sur l’importation d’une telle procédure.

10. Toutefois, il ne faut pas oublier les différences de compétence et de fonctionnement entre les différents Parlements. En effet, en France, la procédure parlementaire relève en grande partie de la Constitution. L’introduction d’une procédure de fast-track nécessiterait donc une réforme constitutionnelle adoptée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le Congrès (si un référendum n’était pas organisé)[7]. Pour cela, les changements envisagés doivent être très consensuels d’un point de vue politique, ce qui pose des limites beaucoup plus strictes que dans les pays anglo-américains où, on le verra, des procédures de fast-track ont pu émerger par la pratique.

Ainsi s’agit-il, par l’analyse de ces exemples étrangers, d’être en mesure d’identifier les procédés les plus intéressants du point de vue français. Différents mécanismes de fast-track en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis seront exposés (I) puis analysés, afin de proposer une solution envisageable pour la France (II).

 

I. Les diverses procédures de fast-track existant au Royaume-Uni et aux États-Unis

 

11. Si la notion de fast-track renvoie toujours à une certaine rapidité, elle se réfère en réalité à différentes procédures. Dans la perspective d’une importation de ce mécanisme en France, il est essentiel d’établir une distinction entre, d’une part, des procédures de fast-track « générales » – c’est-à-dire dont l’objet n’est pas précisément défini et qui confèrent par conséquent un large espace pour leur intervention (A) – et, d’autre part, des procédures de fast-track « thématiques » qui sont créées pour un besoin très spécifique auquel le débat parlementaire ne peut pas apporter de réel complément (B). Selon qu’elles soient « générales » ou « thématiques », les procédures de fast-track ne répondent pas aux mêmes besoins.

 

A. Les procédures de fast-track « générales » : des mécanismes complexes venus de la pratique

 

12. Si le Royaume-Uni et les États-Unis connaissent tous les deux une procédure de fast-track qu’on peut qualifier de « générale », il s’agit en réalité de deux procédés bien distincts, que ce soit dans leurs origines ou leur fonctionnement. Seul le Royaume-Uni connaît une véritable procédure de fast-track stricto sensu (1), pourtant, à travers leur évolution les congressional-executive agreements aux États-Unis ont accédé à un statut similaire de fait (2).

 

1. La procédure authentique de fast-track : l’exemple du Royaume-Uni

 

13. La procédure existant au Royaume-Uni illustre parfaitement l’idée du « train à grande vitesse ». Cet État ne connaît qu’une seule procédure de fast-track « générale», mais on la trouve désignée de multiples façons selon les ressources consultées : « fast-track legislation » ou « emergency legislation » dans un rapport de la Chambre des Lords[8], ou encore « bills passed with unusual expedition » dans le traité d’Erskine May sur la procédure parlementaire anglaise[9]. Il s’agit pourtant bien d’une seule et même procédure. Cette désignation variée reflète un certain flou laissé par des règlements des Assemblées parfois sibyllins, car si, en France, seule une partie de la procédure législative relève de la compétence des assemblées, au Royaume-Uni, cette dernière est pour l’essentiel prévue dans les Standing Orders des chambres parlementaires, équivalents des règlements de nos Assemblées. Or, les Standing Orders ne donnent pas de nom spécifique à la procédure accélérée, voire ne l’établissent qu’en demi-teinte par renvoi à la suspension d’un autre Standing Order. Il en résulte une hésitation quant aux termes à employer et, pourtant, le fast-track est bel et bien présent.

14. Cette grande autonomie des chambres illustre la spécificité du Parlement britannique qui est souverain[10]. Cette liberté institutionnelle leur permet de déterminer entièrement leur fonctionnement et leurs procédures ; ces dernières proviennent le plus souvent de pratiques inscrites dans la durée sans que ne soient énoncés de textes à cet effet[11]. Dès lors, c’est au travers des Standing Orders édictés par ces chambres que l’on peut connaître la procédure législative.

Il convient de souligner que, dans le cas français, la création d’une telle procédure par les chambres seules serait constitutionnellement impossible.

15. Si la Chambre des Communes n’a pas établi de limite temporelle pour l’adoption d’une loi donnée, la Chambre des Lords en dispose autrement dans son Standing Order No 46 interdisant de procéder à plus d’une étape législative (« stage ») par jour[12]. Ces étapes se réfèrent à la première et deuxième lectures du texte, au passage en commission, au rapport et enfin à la troisième lecture auxquels doit être soumis tout projet de loi[13]. Par conséquent, il est en principe impossible que, par exemple, plusieurs lectures aient lieu le même jour. Cette règle, qui date de 1715[14], se combine avec des recommandations d’intervalles de temps minimaux entre les différentes étapes d’en moyenne deux semaines, excepté entre le rapport et la troisième lecture où la bonne pratique est d’attendre trois jours[15]. Le seul passage devant la Chambre des Lords requiert ainsi un minimum d’un mois et demi. En allant consulter la liste des lois en cours d’examen devant le Parlement, il n’est pas rare de trouver des textes déposés plus de quatre mois auparavant[16].

16. La procédure de fast-track est apparue en raison de la nécessité d’une action parlementaire rapide lors de circonstances spécifiques. Ce phénomène a par la suite été retranscrit dans les Standing Orders de la Chambre des Lords et en particulier dans le Standing Order No 84, datant de 1699[17] et prévoyant un mécanisme de suspension des autres Standing Orders. Le Standing Order No 84 pose un cadre spécifique à la suspension du Standing Order No 46 précité, en exigeant une notification préalable de la motion voulant mettre en œuvre ce procédé. Cependant, en cas d’urgence nationale grave (« grave national emergency ») et si la sécurité nationale (« national security ») l’exige, l’étape de la notification peut être évitée, ce qui permet un gain de temps supplémentaire. Dans un tel cas, le greffier (« Clerk ») doit lire au Bureau (« Table ») de la Chambre les Standing Orders No 46 et 84, puis un vote sur la motion doit suivre. Dès lors, la loi peut passer à travers toutes les étapes du processus législatif en une seule journée.

Quant à la Chambre des Communes, si aucune règle spécifique ne figure dans ses Standing Orders, il semble toutefois que l’urgence d’une situation puisse justifier le passage d’une loi en une journée[18].

17. Par conséquent, on peut trouver des exemples de lois qui sont passées devant les deux Chambres et qui ont obtenu la sanction royale le même jour[19]. En cas d’urgence, la procédure législative s’adapte ainsi aux circonstances. La définition de cette « urgence » n’est pas donnée, et n’a pas vocation à l’être, du moins de manière précise. Cela renvoie au besoin de l’instant et l’« urgence » doit rester un concept indéterminé afin de toujours permettre le recours au fast-track quand les faits le rendent indispensable. C’est au Gouvernement, qui demande le déclenchement de la procédure de fast-track, de justifier de l’urgence.

18. Il est notable que cette procédure s’opère au profit de l’Exécutif. C’est ce dernier qui soumet ses projets de loi (« bills ») devant le Parlement. La réduction de l’intervention des Chambres a pour corollaire l’accroissement du pouvoir de l’Exécutif dans le processus législatif. Le texte déposé connaît moins d’amendements en raison de l’accélération du temps parlementaire. Le travail de l’Exécutif occupe donc plus de place dans la législation adoptée. C’est pourquoi la charge de la justification du recours à la procédure de fast-track pèse sur le Gouvernement.

19. À l’étude des trente dernières années, on peut constater que le nombre de lois adoptées par cette procédure dans les deux Chambres reste faible : pas plus de sept lois par an, avec un certain nombre de législatures sans qu’il y soit recouru[20]. L’urgence reste donc appréciée assez strictement et ne semble pas être utilisée en tant que prétexte à la réduction des pouvoirs du Parlement pour n’importe quelle loi.

20. Cette procédure semble offrir une solution d’équilibre entre la réponse à l’urgence justifiant une intervention plus forte de l’Exécutif et la mise à l’écart du Parlement. En effet, ce dernier reste tout de même présent et possède un droit de regard sur le déclenchement du fast-track. L’obligation de justification par le Gouvernement du recours à cette procédure encadre les conditions d’accroissement de ses propres pouvoirs. Sans le vote d’une motion par le Parlement, la procédure de fast-track ne peut pas être utilisée. Dès lors, même si le Parlement s’efface au profit de l’Exécutif, il reste maître du déclenchement de cette procédure. C’est en raison de ces nuances qu’on peut qualifier cette procédure de satisfaisante en termes de séparation des pouvoirs au regard de son utilité.

S’il sera vu infra que cette procédure n’est toutefois pas exempte de critiques, notamment quant à ses conditions d’ouverture, elle apparaît pour le moins plus claire et directe que son équivalent américain qui se cache sous le nom d’un accord entre des pouvoirs constitutionnels.

 

2. Les Congressional-Executive Agreements : de la négociation des droits de douane à la mise en place d’une procédure de fast-track « générale »

 

21. La pratique institutionnelle américaine a vu apparaître une procédure de fast-track au cours du xxe°siècle sous la forme des congressional-executive agreements, qui consistent en une délégation du pouvoir de négociation des engagements internationaux par le Congrès au Président en vertu d’une loi, parfois suivie d’un vote de l’organe législatif sur le résultat obtenu. À cet effet, sont distinguées les « autorisations ex ante[21] » et les « approbations ex post »[22] du Congrès. Les « autorisations ex ante » sont des lois passées selon la procédure classique, tandis que les « approbations ex post » sont des lois adoptées de manière accélérée. Dès lors, seuls les actes donnant lieu à une telle approbation rentrent dans notre définition du fast-track. Là encore, en l’absence de texte prévoyant explicitement ce type de procédé, ce sont les institutions qui ont établi cette technique face aux nécessités auxquelles les États-Unis faisaient face.

Ce type d’accord est apparu dans le domaine du commerce international et plus précisément de la négociation relative à l’abaissement des droits de douane. En la matière, le droit américain est unique en son genre, car il prévoit deux procédures de conclusion des engagements internationaux : la procédure de la Treaty Clause et les congressional-executive agreements[23]. Cette possibilité provient de la Constitution et de la séparation des pouvoirs qu’elle opère. En premier lieu, la Constitution attribue au Congrès une compétence de régulation du commerce international dans son article I, section 8, et ce, à travers l’adoption de lois[24]. Or, les relations entre États, dont fait partie la régulation du commerce international, se tissent au moyen de conventions internationales. Dès lors, l’organe législatif dispose d’un rôle primordial dans la conclusion de tels accords. Il s’agit d’un exemple du mécanisme des checks and balances : il appartient au Congrès d’établir les règles relatives au commerce avec les États étrangers[25], mais la conclusion des accords internationaux relève des pouvoirs de l’Exécutif.

22. En second lieu, dans son article II, section 2, par. 2, la Constitution donne au Président la compétence exclusive de négociation des traités et accords internationaux sous réserve de l’approbation du Sénat – représentant des États – à une majorité des deux tiers[26]. Cette dernière disposition est communément appelée Treaty Clause et concernerait une compétence exclusive quant à la conclusion des traités, mais pas des autres engagements internationaux[27]. Il apparaît ainsi que les États-Unis restent un État dualiste, du point de vue du droit international, c’est-à-dire qu’il y est toujours nécessaire qu’une norme de droit international soit transposée dans l’ordre interne par une mesure d’incorporation[28]. Cependant, un tel système présente ses propres difficultés en termes d’efficacité, car si le pouvoir législatif a le dernier mot dans l’ordre interne pour le commerce international, c’est le pouvoir exécutif qui crée la norme au niveau interétatique à travers la conclusion d’accords. Il existerait ainsi un chevauchement des pouvoirs du Congrès et du Président dans le domaine du commerce international : c’est ce qui a ouvert la possibilité d’une alternative à la procédure de la Treaty Clause[29].

23. C’est à la faveur de cette dualité constitutionnelle que sont apparus les congressional-executive agreements ayant donné naissance à la procédure de fast-track. L’obscurité du texte et le délaissement de la question par les Pères fondateurs[30] additionnés à une majorité difficile à obtenir auprès d’un Sénat vu comme responsable de multiples désastres dans les relations internationales[31] ont été autant de motivations à la création des executive agreements. Leur constitutionnalité fut confirmée par un arrêt de la Cour Suprême de 1912[32], qui a encouragé leur multiplication.

24. Plus tard, la politique du New Deal a répondu à la crise économique de 1929 qui nécessitait des actions fortes et rapides en termes de régulation économique. À la compétence grandissante du Président dans le règlement des difficultés créées par la crise d’un point de vue interne a répondu un accroissement parallèle de ses pouvoirs dans son versant externe[33]. À cet effet, sous les encouragements du Secrétaire d’État et ancien sénateur Cordell Hull, le Congrès adopta en 1934 le Reciprocal Trade Agreements Act[34] qui autorisa le Président à conclure des engagements réciproques d’abaissement des tarifs douaniers à condition de respecter des seuils fixés au préalable par le Congrès[35]. Cette autorisation législative fut renouvelée à de multiples reprises avec de légères modifications procédurales jusqu’à aboutir en 1974 au régime du fast-track.

25. En effet, le Trade Act de 1974[36] opéra un changement majeur en soumettant le résultat de la négociation menée par le Président à un vote du Congrès, c’est-à-dire en exigeant un acte d’incorporation législatif de l’engagement contracté. Cependant, si la procédure originelle avait été mise en place, c’était pour faciliter les pourparlers internationaux en garantissant aux États partenaires que le texte signé ne serait pas modifié par l’organe législatif ou par le contrôle du Sénat à travers le vote à la majorité des deux tiers prévu dans la Treaty Clause. Par conséquent, un compromis fut trouvé dans une procédure accélérée, ne laissant que 90 jours au Congrès afin d’apprécier le texte avec un temps limité de débats et interdisant le vote d’amendements[37]. Ce fut la naissance d’une procédure de fast-track aux États-Unis.

26. Ce procédé étant réservé au domaine très spécifique des tarifs douaniers, il s’agissait donc plutôt d’une procédure « thématique ». Cependant, avec la conclusion des accords du GATT[38] (puis du WTO[39]), cette spécialisation s’étendit peu à peu, notamment avec l’inclusion de la négociation des barrières non tarifaires dès 1962[40]. De même, la mondialisation de l’économie, qui s’est accompagnée d’une mondialisation des règles du travail ou encore des préoccupations environnementales, entraîna l’incorporation de matières de plus en plus vastes[41] dans ces congressional-executive agreements renommés depuis 2002 « Trade Promotion Authority »[42]. Par exemple, le Trans-Pacific Partnership adopté selon cette procédure de fast-track contient tout autant des stipulations commerciales que des standards de droit du travail, de la propriété intellectuelle, du droit de l’environnement ou encore de la régulation d’Internet[43].

27. On assiste ainsi au passage d’une procédure de fast-track « thématique » à une procédure « générale », en ce que le Trade Promotion Authority est aujourd’hui un moyen de prendre des mesures législatives touchant la globalité du droit interne, sans que le Congrès ne puisse utiliser tous ses contre-pouvoirs. Certains auteurs soulèvent qu’on est passé de « la gouvernance du commerce à la gouvernance par le commerce[44] ».

28. Malgré un processus et une origine différents, on peut trouver un résultat commun entre la technique américaine et celle du Royaume-Uni. Reste que, aux États-Unis, aucune condition d’urgence n’est exigée, mais la procédure de fast-track est justifiée sur le fondement des exigences du commerce et des négociations internationales : il faut laisser une marge de manœuvre à l’Exécutif et donner des garanties aux États partenaires afin de faciliter la conclusion des accords internationaux en la matière. Il s’agit donc d’une logique fort différente qui relève davantage de l’arbitrage entre les pouvoirs politiques pour mener à bien une certaine stratégie économique que de la réponse à une situation concrète d’urgence à laquelle il faut donner une solution prompte.

29. Il semble très difficile d’importer tel quel le système des congressional-executive agreements, car ils correspondent à un système étatique ayant évolué face à des événements précis. Le Parlement français n’a pas de compétence internationale qu’il pourrait déléguer au Président. Dès lors, seule l’idée d’une délégation ex ante aboutissant à un contrôle accéléré du texte peut être retirée de cet exemple. Cela est fortement comparable à la procédure française d’ordonnance telle que la prévoit l’article 38 de la Constitution. De plus, cette procédure américaine mérite la même critique que celle qui a été adressée supra à la procédure accélérée française : il s’agit d’un détournement de procédure permettant de contourner la procédure législative ordinaire. Enfin, l’objectif visé par l’importation d’une procédure de fast-track en France serait de permettre la réponse à une urgence ou d’améliorer l’efficacité de la procédure législative, ce que les congressional-executive agreements ne permettent pas.

Par conséquent, bien qu’elles soient intéressantes, les procédures de fast-track « générales » semblent difficilement importables en France, car elles sont le résultat d’une flexibilité constitutionnelle inexistante dans cet État. Il est très peu probable qu’elles puissent être reproduites comme telles dans une réforme constitutionnelle en raison du dissensus politique qu’elles créeraient. De plus, la procédure américaine ne correspond clairement pas aux objectifs visés par la France. Ces procédures « générales » restent toutefois porteuses d’idées qui resteront dans l’objet de nos considérations après l’étude des fast-tracks « thématiques » (B).

 

B. Les fast-tracks « thématiques » : des outils spécifiques et pragmatiques

 

30. Des exemples de fast-tracks dits « thématiques » se trouvent à la fois au Royaume-Uni et aux États-Unis. L’intérêt de leur étude est de montrer que l’accélération de la procédure parlementaire est bien moins problématique dans certains domaines spécialisés. Leur recours est justifié pour écarter un débat parlementaire complet jugé peu utile ou non souhaitable. Ces fast-tracks « thématiques » permettent aux Parlements d’éviter d’avoir à traiter des textes sur lesquels ils n’ont finalement presque aucun pouvoir. Ce gain de temps leur permet de se consacrer à d’autres questions. Cela participe donc à l’amélioration de l’efficacité législative. Deux exemples seront étudiés : les déclarations d’incompatibilité au Human Rights Act de 1998 du côté britannique (1) et les opérations de démantèlement des bases militaires désaffectées du côté américain (2).

 

1. Les mesures de correction des incompatibilités législatives au regard de la Convention européenne des droits de l’homme[45] (CEDH)

 

31. Le Royaume-Uni connaît un système d’intégration dualiste du droit international. Il exige ainsi la transposition des normes internationales par des mesures internes afin d’en permettre l’incorporation dans l’ordre juridique national[46]. Cela a été fait pour la CEDH par l’adoption du Human Rights Act (HRA) de 1998[47]. La question de l’incompatibilité des lois nationales avec les dispositions de la Convention a été en partie réglée par la mise en place d’une procédure de fast-track, bien qu’il faille fortement souligner que le recours à la procédure législative ordinaire reste la procédure de droit commun.

32. La combinaison des sections 4 et 10 du HRA met en place un procédé particulier. La section 4 permet tout d’abord au juge national de déclarer une loi incompatible avec le droit de la Convention[48]. Cette déclaration judiciaire d’incompatibilité n’a pas d’effet sur la validité ou l’existence de la norme en cause ; elle implique seulement que la norme en question doit faire l’objet d’une notification aux pouvoirs publics. Cependant, dans le cas où elle devient définitive, une telle décision juridictionnelle permet au Gouvernement de procéder lui-même à la modification de la législation[49]. Il obtient également un tel pouvoir lorsqu’est en cause une décision de la Cour européenne des droits de l’homme concluant à une incompatibilité d’une loi britannique avec la Convention[50].

33. Ces déclarations peuvent alors servir de fondement au déclenchement d’une procédure de fast-track en cas d’exigences impérieuses (« compelling reasons »). Dans un tel cas, le Gouvernement peut faire une proposition d’ordonnance correctrice (« remedial order ») et la déposer au Parlement qui dispose alors d’un délai de 60 jours pour l’adopter dans chacune de ses chambres. Si le dépôt d’une proposition est impossible en raison d’une urgence particulière, le Gouvernement peut directement prendre l’ordonnance puis la soumettre au Parlement en justifiant de la nécessité d’une action rapide. Après 60 jours, il doit résumer les changements proposés et les présenter au Parlement. Si aucune des Chambres n’a approuvé l’acte dans un délai de 120 jours, ce dernier cesse alors d’avoir un effet[51].

34. Ce mécanisme est le résultat d’un compromis entre la nécessité d’assurer l’incorporation et le respect de la CEDH avec la souveraineté du Parlement britannique. Bien que certains arguaient que seul un acte du Parlement pouvait en modifier un autre (et non pas un acte de législation subordonnée), un équilibre fut trouvé entre la prise en compte effective des jugements d’incompatibilité et l’intervention du Parlement qui reste déterminante quant à la validité de l’acte proposé ou adopté par le Gouvernement[52].

35. Certains qualifièrent toutefois ce dispositif de clause « Henry VIII », en référence au monarque despotique du xvie siècle[53]. Cette expression désigne des dispositions, principalement ajoutées par le Gouvernement et figurant dans les lois, qui permettent la modification ou l’abrogation de la législation primaire[54] par de la législation subordonnée, comme celle qui est déléguée au Gouvernement[55].

D’autres soulignèrent une redistribution sans précédent des pouvoirs en faveur de l’Exécutif mais surtout du pouvoir judiciaire[56], considérant qu’une déclaration d’incompatibilité forçait la modification de la loi. Dès lors, la décision du juge s’imposerait face au texte incompatible et le juge se ferait législateur.

36. Cependant la combinaison de l’existence d’exigences impérieuses (« compelling reasons ») et de l’intervention du Parlement, ainsi que de la limitation de l’intervention du Gouvernement à ce qui est nécessaire pour corriger l’incompatibilité a été pensée comme circonscrivant adéquatement la marge de manœuvre de l’Exécutif faisant de cette procédure un fast-track et non un pouvoir discrétionnaire placé dans ses mains[57]. Malgré tout, la doctrine reste très divisée sur cette question, soulignant d’une part que les exigences impérieuses restent appréciées par le Gouvernement et ne peuvent dès lors pas constituer une réelle limite à son pouvoir[58], et, d’autre part, que l’intervention du Parlement est trop courte pour assurer un réel contrôle.

37. Cette procédure illustre des difficultés propres au régime britannique en raison de la tension entre la nature « d’instrument vivant[59] » de la Convention, qui implique de nombreuses évolutions, et le système dualiste qui exige que chacune de ces modifications fasse l’objet d’une transposition en droit interne. Le résultat de cela est que les procédures internes d’adoption de ces actes sont très lourdes et longues alors qu’au final ces changements s’imposent au Royaume-Uni. On peut constater une fois encore que des considérations de pragmatisme ont permis l’avènement d’une procédure législative accélérée, qui est en grande partie dérogatoire au droit commun. L’appréciation des exigences impérieuses a été analysée par un rapport parlementaire de 2001[60]. Ce dernier a permis d’illustrer et de mieux délimiter ces exigences afin qu’elles constituent une réelle condition au déclenchement de la procédure par le Gouvernement. Il est par ailleurs rappelé que la modification ou l’abrogation des textes législatifs ressortissent en principe de la compétence du Parlement et que la procédure de la section 10 du HRA ne doit être utilisée qu’exceptionnellement. Tous ces éléments ont pour but de limiter le recours à cette procédure dérogatoire et de faire en sorte qu’elle demeure un instrument exceptionnel.

38. Malgré toutes ces spécificités propres à la conjoncture britannique, l’étude de cette procédure est intéressante en ce qu’elle présente une solution pragmatique dans le cas où la loi doit changer dans un sens précis, à savoir quand son contenu est imposé par une norme supérieure ou un engagement international.

En prenant l’exemple de la transposition des directives européennes par des lois – dont la mauvaise transposition peut engager la responsabilité de l’État français[61] –, on peut défendre qu’une telle technique trouverait son utilité dans le système français. Il en irait de même pour toutes les organisations internationales pouvant sanctionner la France en raison de lois ne respectant pas les engagements contractés pour le Conseil de l’Europe, les Nations Unies ou encore l’Organisation Mondiale du Commerce.

De leur côté, les États-Unis proposent une autre procédure de fast-track permettant elle aussi de répondre à un besoin spécifique, mais dans un contexte différent. Cet exemple concerne le mécanisme particulier qui a été mis en place afin de permettre le démantèlement et la reconversion des bases militaires désaffectées.

 

2. Le Base Realignment and Closure (BRAC) : un fast-track abrogeant le débat politique

 

39. Le Base Realignment and Closure est une politique menée par le Gouvernement pour la fermeture et le démantèlement des bases militaires selon des opportunités stratégiques. Le but est d’obtenir une efficience maximale des moyens militaires en opérant une restructuration des infrastructures militaires. Cela répond notamment à une réduction importante du budget de l’armée[62] imposant des économies conséquentes.

40. Ces opérations de fermeture et de démantèlement s’effectuent par cycles (BRAC Rounds) dont le premier date de 1988[63]. Conscients du blocage politique auquel pouvait mener la question, le Congrès et le Président ont choisi de créer une procédure spéciale afin de mettre en œuvre ce processus[64]. En effet, en raison de l’enjeu financier en cause[65], les représentants des circonscriptions concernées bloquaient la procédure parlementaire afin d’empêcher le démantèlement de leur base. Pourtant, le vote – par le Congrès – de budgets militaires de plus en plus restreints imposait au Président de fermer un certain nombre de bases. Dès lors, une procédure spécifique a été érigée pour sortir de cette impasse, notamment par le Defense Base Closure and Realignment Act de 1990[66], afin d’éviter les discussions politiques dilatoires et infertiles[67].

41. Cette loi donne compétence à une Commission bipartisane pour proposer un plan de suppression et de remaniement des bases militaires[68]. Elle l’élabore en collaboration avec le Secrétaire d’État (« Secretary of State ») qu’elle consulte. Une fois l’acte finalisé, il est soumis au Président qui est libre de l’approuver ou non. Il transmet alors le rapport avec sa décision au Congrès. En cas d’approbation présidentielle et d’inaction de la part du Congrès, le projet est mis en œuvre par le Ministère de la Défense américain. Ce n’est que si le Congrès souhaite s’opposer à la concrétisation du projet approuvé qu’il doit agir, et ce au moyen d’une procédure de fast-track législative.

42. En effet, le Congrès ne dispose que de 45 jours, à compter de la transmission du projet par le Président pour adopter une résolution conjointe des deux Chambres faisant obstacle à la mise en œuvre du rapport[69]. Dans un tel cas, les règles classiques relatives au véto présidentiel sont applicables lors de la suite de la procédure. Ainsi, seul le temps passé devant l’organe législatif est compressé selon des modalités particulières.

43. Cette procédure exige une réaction rapide du Congrès. En effet, en plus du délai total de 45 jours, il doit introduire la résolution conjointe de désapprobation dans un délai de 10 jours suite à la transmission par le Président[70]. Différents mécanismes sont prévus afin d’assurer la rapidité de la procédure. Dans chaque Chambre, les débats sont limités à deux heures réparties équitablement entre les partisans et les opposants à la résolution. La plupart des motions et des amendements sont interdits. Enfin, il y a un vote immédiat à majorité simple sur l’adoption de la mesure. Un système de priorité est prévu pour éviter les doubles procédures entre les deux Chambres : si chacune vote une proposition de résolution conjointe, c’est la première déposée qui sera étudiée dans les deux Chambres.

44. Cette procédure de fast-track est très spécifique. C’est aussi la plus réduite en termes d’envergure. En effet, elle peut s’analyser comme un moyen de contrôle du Congrès sur un pouvoir législatif qu’il a délégué au Président. Ce dernier s’est vu confier la compétence de gestion des bases militaires dans un but d’efficacité parce que la procédure législative classique était inefficace. Cependant, en cas de désaccord des parlementaires avec les décisions prises, ils peuvent contrôler l’exercice de ce pouvoir en s’opposant à ces mesures. La limitation temporelle de la procédure permet alors d’éviter les manœuvres politiques dilatoires de la part de certains membres du Congrès. Il s’agit avant tout d’un but d’efficacité et non pas d’une réponse à une urgence caractérisée.

45. L’intérêt de cette procédure est d’éviter les lourdeurs de la répétition d’un débat parlementaire sur un même sujet. Dans ce cas précis, la décision est prise par le Congrès de réduire le budget militaire, notamment par la réorganisation des infrastructures militaires. Par conséquent, il donne le pouvoir au Président de réaliser cet objectif en lui permettant d’éviter les pouvoirs d’obstruction du Congrès. Bien que le Parlement français ne connaisse pas de pratique équivalente au filibustering, cette procédure peut être une source d’inspiration afin de circonscrire des débats politiques excessifs au profit de l’efficacité législative.

Quelle que soit la raison présidant à la mise en place de ces différentes procédures de fast-track, des enjeux communs émergent quant à leur mise en œuvre. En effet, ces procédures promeuvent intrinsèquement la réduction du temps parlementaire au profit du pouvoir exécutif. Dès lors, leur usage doit être judicieusement encadré afin d’en permettre le recours exclusivement dans les cas d’espèce le justifiant. L’analyse des expériences exposées supra peut donner des indications quant à l’arbitrage à opérer entre les différents intérêts en cause.

 

II. Les enjeux du fast-track :
un arbitrage entre besoins concrets et standards démocratiques

 

Si les procédures de fast-track existent de longue date, elles n’en ont pas moins suscité des critiques qui ont persisté à travers le temps. De par leur dérogation à la procédure législative ordinaire, elles présentent un danger particulier pour le fonctionnement de nos régimes en bousculant notre séparation des pouvoirs (A). C’est pourquoi le recours à de tels procédés ne peut se faire que sous certaines conditions et au travers d’un choix démocratique affirmé en faveur de leur utilisation (B).

 

A. Fast-track et démocratie : des concepts difficiles à concilier

 

Les procédures de fast-track posent différents problèmes quant à notre conception de la démocratie qui exige une séparation des pouvoirs équilibrée et réserve une place particulière à l’activité du Parlement, organe de la représentation par excellence.

Deux principales catégories de difficultés sont causées par l’affaiblissement, même partiel, de l’action parlementaire : la mauvaise confection de la loi (1) et l’accroissement corrélatif du pouvoir de l’Exécutif (2).

 

1. Fast-track et qualité de la loi

 

46. La qualité des normes législatives est une préoccupation majeure de nos systèmes démocratiques en raison de l’importance de la loi. En témoigne, en France, outre les diverses publications journalistiques et déclarations politiques, l’existence de rapports produits par les institutions portant sur le sujet, tels que le dossier du Sénat de 2007 sur la qualité de la loi[71]. La critique de la législation porte souvent, voire toujours, sur le caractère trop intensif de la production législative[72]. Dès lors, la réflexion à la création d’un système de fast-track peut sembler illogique, puisqu’il s’agit par là de produire de la loi plus vite et que la rapidité peut être associée à un travail superficiel, et donc à une qualité moindre du résultat.

47. Cette préoccupation est réelle et partagée par les États étrangers ayant instauré ces procédures. Le rapport de la Chambre des Lords britannique concernant leur fast-track « général » est édifiant à ce propos[73]. La qualité de la loi fait partie de la dizaine de problèmes relatifs aux fast-tracks qui y sont identifiés. Le rapport dénonce en effet le manque de temps de réflexion, la pression exercée sur les collaborateurs parlementaires, ainsi que l’impossibilité de consulter toutes les parties prenantes comme autant d’éléments nuisant à la qualité de la loi[74].

48. De plus, comme le soulève ce rapport[75], le fast-track est susceptible d’encourager le « something must be done syndrome[76] » en procurant un outil facile à mettre en œuvre. Dès lors, l’action hâtive ne permet pas d’avoir le recul nécessaire sur une question donnée et le résultat est potentiellement plus néfaste que la situation initiale. L’appréciation d’une conjoncture particulière doit porter sur l’actualité d’une situation, mais également envisager le devenir du problème et de la solution envisagée. Cette réflexion demande du temps et du travail, ce que ne permettent pas toujours les pressions politiques. En effet, les institutions semblent aujourd’hui particulièrement sensibles à la contrainte émanant de l’opinion publique. Dans un but parfois électoraliste, les dirigeants politiques sont pris de ce « something must be done syndrome » requérant qu’à chaque problème posé, une décision concrète et immédiate soit prise. Dans une telle situation, l’usage de la loi est commun, il suffit de considérer, par exemple, les derniers scandales médicaux en France : quasiment tous ont été suivis d’une loi. Cette norme est alors utilisée comme la preuve d’une action afin d’apaiser les esprits.

49. En réalité, la question sous-jacente à la critique de la rapidité des fast-tracks est de savoir si la loi est le bon instrument pour répondre à l’urgence. D’un côté, la perte de débat et de réflexion sera inévitable[77]. D’un autre, la mise à l’écart du Parlement peut être le seul moyen d’agir quand l’Exécutif n’a pas la compétence pour prendre une décision qui se présente comme nécessaire et que le débat politique n’aboutira qu’à une situation de blocage, comme dans le cas du BRAC américain. En réalité, les procédures de fast-track opposent deux intérêts contraires – la nécessité d’une action rapide et l’exigence de garanties de représentation, de légitimité et d’effectivité du travail parlementaire assurées par la procédure législative ordinaire – qu’il s’agit de concilier.

Comme pour toute conciliation, il faut opérer une balance entre les intérêts en cause et les pondérer. Nous explorerons plus loin la manière dont des outils juridiques peuvent aider à trouver l’équilibre optimal, mais il faut admettre que le choix du recours à une procédure de fast-track dépendra d’une appréciation in concreto traduite dans un choix politique mettant en place une telle procédure et son régime.

Outre ce problème d’efficacité s’opposant à la qualité de la loi, les fast-tracks connaissent une autre difficulté relative à la diminution de l’intervention du Parlement au profit de celle du pouvoir exécutif. En effet, cet accroissement du rôle de l’Exécutif ne va pas sans problème : il s’agit d’une remise en cause de l’équilibre institutionnel démocratique qui peut être lourde de conséquences.

 

2. Le fast-track : un Parlement mis entre parenthèses

 

50. L’objet même du fast-track est de réduire le temps d’intervention du Parlement, en amoindrissant aussi parfois sa capacité d’intervention (par exemple, pour le BRAC, il n’intervient que pour s’opposer à la décision prise). Du point de vue de l’équilibre entre les pouvoirs, ce changement n’est pas insignifiant, puisqu’il se fait souvent au profit de l’Exécutif. Dès lors, différents points de vue peuvent s’opposer sur le sujet, mais il est assez commun de voir apparaître des critiques dénonçant un contournement procédural de la démocratie. En effet, le Parlement reste l’organe démocratique par excellence, puisqu’il représente les citoyens, de telle sorte que sa mise à l’écart est un signe fort qui soulève une certaine opposition. Par exemple, il a été relevé contre les ordonnances prévues dans le HRA que la modification de la loi primaire[78] ne devait se faire que par celle-ci et, par conséquent, au terme d’une procédure complète devant le Parlement[79].Cette mise à l’écart du Parlement était même le premier problème soulevé par le rapport précité de la Chambre des Lords sur leur fast-track « général[80] ».

51. Quant à la procédure éponyme aux États-Unis, le contexte est particulier, car il résulte de l’interprétation de la Constitution. Si, d’un côté, certains allèguent que la « nouvelle » procédure permet un contrôle plus démocratique parce qu’elle implique le Congrès en son entier au lieu d’un simple Sénat peu représentatif des intérêts de tous[81] ; de l’autre, il a été démontré que la procédure de fast-track se déroulait au profit total de l’Exécutif, puisque le Congrès ne jouissait que d’une petite marge de manœuvre[82].

52. Là encore, la question de la temporalité est soulevée. En effet, même si dans chaque procédure exposée le Parlement intervient avec le pouvoir d’empêcher la décision prise d’entrer en vigueur, il ne peut le faire que dans un temps restreint. Dès lors, il devient parfois impossible pour les parlementaires d’opérer un réel contrôle sur l’acte en cause. L’exemple des engagements commerciaux aux États-Unis est en cela représentatif : le Congrès américain ne dispose que de 90 jours pour comprendre et apprécier l’aboutissement de plusieurs mois, voire d’années, de négociations ayant des répercussions sur tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens[83]. Il est dès lors peu probable que le délai soit suffisant pour un vote totalement éclairé des membres du Congrès.

53. Par conséquent, le contrôle parlementaire peut potentiellement être seulement résiduel. Il ne sert qu’au renforcement de la légitimité de la norme en cause en donnant l’apparence de l’existence d’un contrôle démocratique effectif, donnant, par cette (apparence de) légitimité, un pouvoir encore plus grand à l’Exécutif. Il existe donc un véritable risque d’instrumentalisation du fast-track surtout lorsque celui-ci est général. La formule de David Singh Grewal à propos du Trade Promotion Authority[84] est forte, qui affirme que ce procédé est désormais utilisé pour réguler des domaines autres que le commerce sans le déclarer officiellement[85].

54. David Singh Grewal démontre bien que la pratique du Trade Promotion Authority n’était pas contenue dans l’ADN du régime américain. En effet, à la fin du xxe siècle, était seulement reconnu au Président le pouvoir de restreindre le commerce[86]. Tout cela, explique-t-il, était en lien avec la doctrine dualiste soutenant une souveraineté forte de l’État américain doublée d’une peur de l’influence étrangère. Le maître-mot était l’indépendance, et la valeur normative des traités semblait être une contrainte trop forte sur les gouvernements futurs. Cependant, tout cela a laissé place aux théories du libre-échange et du « doux commerce » apparues au xviiie siècle. Cette dernière expression est héritée de l’œuvre de Montesquieu[87] selon lequel « c’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce, et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces[88] ». Le libre-échange aurait alors une mission pacificatrice et utile : il serait porteur de croissance économique, voire « d’un monde sûr pour la démocratie[89] ».

55. Porté par les théories du libre-échange, le Trade Promotion Authority est progressivement apparu comme le nouvel outil de la paix sociale en approfondissant toujours plus l’abaissement des barrières au commerce. Cependant, ces théories ne sont pas sans opposants : Montesquieu lui-même pointait du doigt les effets immoraux potentiels de ces pratiques[90] et la compétition économique démesurée de notre époque en illustre les excès[91]. Dès lors, David Singh Grewal argumente contre l’instrumentalisation des pouvoirs constitutionnels au nom d’une certaine théorie économique permettant de régir presque tous les aspects de la société américaine. Cela démontre parfaitement le risque autoritaire du mécanisme américain. Le fast-track n’est en aucun cas une procédure anodine, son recours peut permettre toutes sortes d’arbitrages entre les pouvoirs institutionnels dont beaucoup mettent en danger la démocratie.

56. Cette procédure de fast-track américaine affecte les institutions en opérant une fusion de la fonction diplomatique, par laquelle les règles de droit international public sont élaborées, et de la fonction législative[92]. La première est habituellement exercée par l’Exécutif et comprend notamment les normes conventionnelles de droit international qui ont une place supérieure à la loi dans la hiérarchie des normes, tout en nécessitant le plus souvent un acte législatif pour avoir un effet concret dans l’ordre interne[93]. Or, dans la procédure de fast-track américaine, l’Exécutif passe à la fois un traité et une loi au sens matérielle du terme, sous réserve du vote du Congrès. Outre la critique du déficit démocratique, cette confusion porte en germe la question de la place et de la nature de ces actes adoptés en Trade Promotion Authority. Les pouvoirs semblent être inversés et l’apparition de « lois-exécutives » globales n’est pas forcément souhaitable.

Dès lors, si le recours à la procédure de fast-track peut être fondé dans certaines circonstances comme il l’a été vu en première partie, les difficultés et dangers qu’elle soulève doivent justifier un encadrement particulier. Elle doit rester une procédure spéciale ayant vocation à n’intervenir que de manière ponctuelle et d’une façon bien définie.

 

B. La mise en œuvre des fast-tracks : la nécessité d’un encadrement particulier

 

Il a été vu que les fast-tracks posaient des problèmes tant en termes de qualité de la loi que pour l’équilibre démocratique entre les pouvoirs. Cependant, une différence doit être faite entre les fast-tracks dits « thématiques » et ceux dits « généraux ». En effet, de par leur spectre d’application différents, ils ne posent pas les mêmes problèmes et n’appellent pas au même encadrement. En raison de leur instauration spécifique et restreinte, les fast-tracks « thématiques » semblent devoir être favorisés (1) par rapport à leurs homologues « généraux », qui nécessitent la mise en place de restrictions fortes et difficilement effectives (2).

 

1. Les fast-tracks « thématiques » : des procédures utiles si judicieusement utilisées

 

57. Les fast-tracks « thématiques » correspondent, comme il l’a été exposé supra, à des procédures adaptées à des circonstances bien spécifiques. Dans les deux exemples mentionnés, ils sont mis en œuvre dans des domaines bien définis et restreints, où il a été jugé que le débat parlementaire n’avait plus réellement sa place. D’abord au Royaume-Uni, car il fallait rendre effective la CEDH, et ensuite aux États-Unis, pour empêcher l’obstruction parlementaire mettant à mal la réalisation des plans de désaffectation et de reconversion de bases militaires. Il y a donc un choix politique préalable clairement établi de mettre de côté le Parlement parce que son intervention est jugée non souhaitable. Ce choix est d’ailleurs fait par le Parlement lui-même, qui vote une loi mettant en place une procédure de fast-track. Pour le reste, il s’agit de doser savamment les résidus (malgré tout importants) des pouvoirs du Parlement afin de ne pas priver le mécanisme de tout contrôle démocratique.

58. Si, du point de vue théorique, des arguments contre de telles procédures sont facilement défendables, du côté pratique, il faut admettre qu’elles proposent plus d’avantages que d’inconvénients. En effet, le débat parlementaire est écarté, mais sur des mesures tellement précises que le risque d’une dérive autoritaire de l’Exécutif reste improbable. De plus, la possibilité d’opposition finale du Parlement permet d’assurer qu’aucune mesure complètement rédhibitoire ne soit adoptée par le Gouvernement. Enfin, le pouvoir législatif a choisi au préalable de déléguer cette compétence à l’Exécutif et a donc pu mesurer les effets d’un tel choix. Par conséquent, la réduction du contrôle parlementaire est excusable d’autant plus qu’il s’agit de textes dont la compréhension des enjeux est rapide et que le court délai laissé au Parlement pour intervenir est dès lors souvent suffisant.

59. Concernant la qualité de la loi, il est difficile d’envisager dans les espèces concernées en quoi la procédure peut y nuire. Dans le cas britannique, il s’agit de modifier une législation existante pour la rendre conforme à la CEDH et, du côté américain, c’est un choix purement politique de fermeture de bases militaires. La marge de manœuvre étant restreinte, la place laissée à la médiocrité l’est aussi. Le seul problème qui pourrait se poser est que la norme édictée ne soit pas rédigée de manière claire et compréhensible. Mais toute objection sur les conséquences néfastes non anticipées du texte est à écarter. En effet, puisque la thématique est bien spécifique et qu’une habilitation parlementaire a précédé la mise en place du mécanisme, même dans un délai restreint, le contrôle du Parlement assure la qualité, au moins convenable, du texte adopté.

Le recours très spécifique aux fast-tracks « thématiques » rend ces outils efficaces et peu dangereux. Ces procédures semblent donc devoir être favorisées à condition d’identifier un besoin les justifiant. L’avis est différent concernant leurs homologues « générales ».

 

2. Les fast-tracks « générales » : des procédures difficiles à encadrer

 

60. Si, en raison de leur spécialisation intrinsèque, les procédures de fast-track « thématiques » évitent la plupart des problèmes exposés précédemment, leurs homologues « générales » y sont frontalement confrontés. En effet, leurs cas de recours et leur objet large ouvrent la porte à tous les défauts relevés supra. Cela pose de réels problèmes, comme en témoignent les nombreuses réflexions menées par les États connaissant de telles procédures. Le cas le plus difficile semble être celui des États-Unis qui peut s’analyser comme un détournement de procédure. Les pouvoirs du Congrès sont extrêmement réduits et le court délai dont il dispose pour l’examen du texte ne lui permet pas d’en appréhender tous les enjeux, d’autant plus que ces dispositifs abordent de plus en plus de domaines[94]. De même, si le recours au fast-track « général » est moins large et plus conditionné du côté britannique, cela n’a pas empêché la Chambre des Lords de produire un rapport édictant des recommandations quant à la mise en œuvre de ces mécanismes[95].

61. La conséquence de ce constat est que des correctifs sont nécessaires afin de réprimer le potentiel autoritaire de ces procédures. Cela passe par une compensation de la réduction du rôle du Parlement dans la procédure législative. Il faudrait ainsi favoriser une meilleure intervention ex ante de cet organe afin de lui donner le maximum de temps possible et les moyens de comprendre les enjeux des textes en cause. Il conviendrait de mettre en œuvre la transmission la plus rapide des ébauches du projet ou encore des négociations en cours. Parallèlement, un contrôle parlementaire ex post serait appréciable pour examiner les effets concrets du texte adopté et son adaptation à la conjoncture. Cela est notamment préconisé dans le rapport britannique qui voudrait rendre obligatoire l’utilisation d’une sunset clause dans chaque procédure de fast-track[96]. Une telle clause provoque l’abrogation au bout d’un certain délai de la loi adoptée si le Parlement n’a pas renouvelé son approbation ou n’a pas remplacé le texte en vigueur. Ce mécanisme est particulièrement pertinent dans ce cadre, car il permet de recourir au fast-track si cela est nécessaire tout en permettant de rétablir le contrôle parlementaire une fois l’urgence passée. Il en résulte une conciliation habile de tous les intérêts en cause et cette formule devrait être favorisée.

62. Outre le déplacement du contrôle parlementaire, les procédures de fast-track « générales » doivent voir leur utilisation limitée. Du côté américain, on appelle à une définition beaucoup plus précise et restreinte des pouvoirs délégués dans la loi d’habilitation[97] afin d’encadrer le recours au fast-track et d’empêcher son instrumentalisation par l’Exécutif. Du côté britannique, la condition d’urgence reste appréciée restrictivement et il a été préconisé au Gouvernement de justifier l’utilisation de cette procédure à travers des réponses à un questionnaire[98]. Suite au rapport parlementaire ayant fait ces recommandations, l’Exécutif britannique a immédiatement recouru à ce questionnaire comme en atteste sa présence dans les notes explicatives de la loi sur l’enregistrement vidéo[99]. Toutes ces mesures sont autant d’exemples permettant d’assurer une utilisation adaptée de la procédure de fast-track.

 

Conclusion

 

63. Les fast-tracks ont des caractéristiques diverses permettant de répondre à différents besoins. Dans tous les cas, ils rendent possible la production rapide d’une loi écartant ainsi toutes les lenteurs et difficultés de la procédure législative ordinaire. Leur importation en France présenterait une nouveauté utile, mais présente beaucoup de difficultés.

64. Tout d’abord, l’apparition d’une procédure de fast-track par la pratique institutionnelle serait illégale en France, car elle n’est pas prévue par la Constitution. Il faudrait dès lors procéder à une réforme constitutionnelle pour implanter ce mécanisme. Comme relevé supra, en raison de leur ampleur, il est hautement improbable que les fast-tracks de portée générale recueillent un consensus politique suffisant pour être votés.

65. En réalité, seuls les fast-tracks « thématiques » semblent raisonnablement transposables et intéressants pour notre système. Cependant, les mécanismes d’encadrement des fast-tracks de portée générale ne doivent pas pour autant être écartés. Tout d’abord, il faudrait identifier des cas d’urgences particuliers et délimités politiquement où l’on choisit de se passer du débat parlementaire. Il s’agit d’un choix politique initial voulant la mise à l’écart du Parlement. Par souci de transparence, un tel mécanisme doit être présenté comme tel et comporter des garanties particulières afin qu’il ne soit pas transformé en fast-track « général ». Dès lors, il serait important qu’un quorum minimum de 3/5e de députés présents soit requis lors du vote initial déclenchant la procédure de fast-track. De même, le recours à des questionnaires préalables justifiant de leur usage et le contrôle des mesures adoptées grâce aux sunset clauses semblent impératifs.

66. Dans une autre mesure, ces fast-tracks pourraient aussi être utilisés pour rectifier les incompatibilités du droit national avec les droits internationaux et européens. À l’instar de la procédure du HRA au Royaume-Uni, il serait souhaitable d’y recourir puisque le droit national inconventionnel doit être écarté par le juge et que la France encourt des sanctions – souvent financières – en raison de ces incompatibilités. Cependant, le climat politique actuel permet de douter de l’adoption de ce système au cours de la prochaine réforme constitutionnelle. Aucun débat sur ce sujet n’a eu lieu et le fonctionnement actuel du contrôle de conventionnalité par le juge ne semble pas attirer l’attention politique.

67. Le monde est devenu particulièrement mobile et « [l]’erreur serait ici de demeurer immobile[100] ». L’implantation d’une procédure de fast-track présenterait de nombreux avantages en termes d’économie de temps ainsi que de ressources. Un travail de fond sérieux et transparent sur l’utilisation de nos procédures législatives est nécessaire. Nous espérons que la mise en évidence des ombres et lumières des procédures de fast-track constitue un début de réflexion substantiel sur l’opportunité de son importation en France. Le choix reviendra ultimement à notre pouvoir constituant.

 

Estelle Chambas

Doctorante contractuelle à l’Université Paris II Panthéon-Assas (CERSA), Estelle Chambas prépare actuellement une thèse intitulée « L’acte administratif transnational » sous la direction du professeur Thomas Perroud.

 

Pour citer cet article :
Estelle Chambas «Les procédures de fast-track anglo-américaines : Un exemple d’efficacité législative ? », Jus Politicum, n° 23 [https://juspoliticum.com/article/Les-procedures-de-fast-track-anglo-americaines-Un-exemple-d-efficacite-legislative-1308.html]