M. Albertone et M. Troper (dir.), La Représentation politique. Anthologie (Paris, Classiques Garnier, 2011)

Recension de M. Albertone et M. Troper (dir.), La Représentation politique. Anthologie, Paris, Classiques Garnier, 2011.

Review of M. Albertone et M. Troper (dir.), La Représentation politique. Anthologie, Paris, Classiques Garnier, 2011.

Peu de concepts du droit politique semblent aussi saturés de significations et d’expériences diverses, voire contradictoires, que le concept de représentation. Que l’on y voie un mécanisme de délégation importé du droit privé ou un procédé propre au droit public tendant à figurer l’unité du corps politique ; qu’on la définisse comme une simple interface entre l’État et la société ou comme une forme de gouvernement à part entière ; qu’on l’identifie à l’élection ou au fait d’être constitutionnellement habilité à « vouloir pour la nation » ; qu’on l’oppose à l’idéal démocratique ou qu’on s’efforce au contraire de l’y associer sous la forme hybride d’une « démocratie représentative »… tout semble avoir déjà été dit et écrit à propos d’un objet d’étude dont plusieurs générations d’auteurs paraissent avoir épuisé la substance.

Dès lors, est‑il encore possible de porter un regard neuf sur un sujet à ce point rebattu et éculé ? Face au diagnostic contemporain – aussi nébuleux que lancinant – d’une « crise » de la représentation politique, où puiser les ressources intellectuelles nécessaires pour renouveler les termes du débat académique et lui permettre d’en identifier les causes aussi bien que les remèdes ? Sans doute est‑ce devenu un lieu commun que de dire qu’il faut rechercher dans les expériences du passé de quoi éclairer les problématiques du présent. Ce recours à l’histoire – et plus particulièrement à l’histoire intellectuelle – n’en demeure pas moins nécessaire, et s’avère même salutaire s’agissant d’un concept dont les significations successives se sont amalgamées et sédimentées au fil du temps, au point qu’il devient impossible, sans un retour au contexte, d’en identifier les différentes strates. Telle est la vocation des textes et commentaires réunis par Manuela Albertone et Michel Troper sous la forme d’une anthologie de la représentation politique.

S’il est motivé par « la crise actuelle de la représentation et des institutions de la démocratie représentative » (p. 7), le projet dont est issu cet ouvrage collectif récuse toute prétention normative ou pratique. Son objet n’est pas de prescrire des remèdes au déficit de légitimité que subissent les gouvernements représentatifs contemporains, pas plus que d’entrer dans le détail des techniques de représentation (modes de scrutin, méthodes de délibération, mécanismes d’association des citoyens à la prise de décision…). L’ambition de ce travail, coordonné par une historienne de la pensée politique et un théoricien du droit, est purement conceptuelle : il s’agit « de rechercher dans les mots et les discours des outils pertinents pour l’analyse », grâce à la redécouverte et à la recontextualisation de certains textes et auteurs historiques ayant pesé dans l’élaboration intellectuelle de la représentation politique et de la pluralité de ses significations.

Partant, le lecteur qui s’attendrait, en ouvrant ce volume, à y trouver le développement d’une théorie de la représentation, ou à tout le moins une synthèse des différentes théories émises à son propos, risque fort d’être déçu. À rebours de tout essentialisme conceptuel, son objet consiste au contraire, dans une perspective à la fois diachronique et comparatiste, à « présenter les différents discours sur la représentation qui, au fil des siècles et de la géographie permettent une contextualisation linguistique du terme ». Autrement dit, il s’agit moins de dire ce qu’est ou en quoi consiste la représentation que de recenser, en les recontextualisant, les différents sens et les différentes fonctions argumentatives, juridiques et politiques qu’elle a pu revêtir au gré des époques et des espaces culturels. D’où ce choix si particulier, non d’une nouvelle monographie sur le sujet, mais bien d’une anthologie.

Pour n’être pas inédit dans l’ordre des travaux académiques, le genre littéraire de l’anthologie n’en est pas pour autant anodin. Ce choix dénote, en l’occurrence, le souci méthodologique des auteurs de privilégier une approche tout à la fois historique et interdisciplinaire de leur objet d’étude. Une approche historique, d’une part, consistant à donner toute leur place aux textes sélectionnés afin de suivre le cheminement intellectuel de l’idée de représentation au gré des controverses politiques et juridiques qui ont suscité son emploi dans un contexte donné. Une approche pluridisciplinaire ensuite (et non simplement interdisciplinaire, l’introduction y insiste), consistant à confier la réalisation des chapitres thématiques et le commentaire des textes qu’ils contiennent à des spécialistes de diverses disciplines (droit, histoire, philosophie, science politique et même théologie) dans le but de dégager une sémantique commune de la représentation par le croisement de regards différents.

Le résultat se présente sous la forme d’un recueil particulièrement dense de 60 textes regroupés en 27 chapitres. Or, s’il obéit aux canons du genre, le travail de M. Albertone et M. Troper ne se limite pas à une simple compilation de morceaux choisis ou, pour le dire autrement, à un florilège ou à un pur « best of » de la représentation politique. Leur anthologie est une anthologie analytique, c’est‑à‑dire à la fois organisée et commentée. Une anthologie organisée d’abord, suivant un plan en quatre parties dont le cheminement est linéaire : les deux premières (« Origines » et « L’ère de l’État ») invitent le lecteur à suivre les métamorphoses de la représentation politique dans l’histoire de la pensée politique et juridique occidentale ; la troisième (« L’ère de la globalisation ») lui permet de décentrer l’analyse de la représentation en examinant sa réception par d’autres traditions culturelles ; la quatrième, enfin, (« Questions autour de la représentation ») revient, toujours dans une perspective historique, sur certaines problématiques contemporaines liées aux limites conceptuelles de la représentation moderne. Une anthologie commentée ensuite, puisque chaque chapitre thématique, réalisé sous la responsabilité de l’un des contributeurs, se compose d’au moins deux textes historiques suivis d’un bref commentaire doctrinal dont le rôle est d’en présenter l’objet, le contexte et les implications conceptuelles.

Bien que ces choix méthodologiques puissent appeler quelques réserves (que l’on développera plus loin), le produit final, outre une lecture particulièrement agréable, n’en est que plus stimulant sur le plan intellectuel. En cheminant à travers les époques et les espaces, le lecteur découvre la représentation politique dans toute sa densité conceptuelle, à la fois historique et culturelle, et, éclairé par cet effort permanent de remise en contexte, explore la richesse des significations et des fonctions qu’elle a pu revêtir (ou qu’elle revêt parfois toujours) et dont la mise en lumière, en exhumant la permanence de certaines dynamiques de fond, permet de donner plus de relief aux problématiques contemporaines. Plus encore, cet ouvrage ne se lit pas comme un pur travail scientifique. Pour ceux des lecteurs qui ont le goût de la langue, du discours et de l’histoire, il s’effeuille et s’apprécie, comme on le ferait d’un recueil de littérature, sans qu’il soit nécessaire, comme ce serait le cas d’une monographie, de s’astreindre à une lecture linéaire de peur de manquer quelques développements substantiels. La lecture n’en est dès lors que plus libre et agréable.

Cela tient au fait que l’anthologie (littéralement en grec, « cueillette de fleurs ») participe ici d’un double genre, à la fois académique et littéraire. Si bien que, par le poids qu’il accorde au langage (en l’occurrence conceptuel), à ses évolutions sémantiques, à ses emplois argumentatifs, heuristiques ou légitimants, l’ouvrage de M. Albertone et M. Troper n’offre pas seulement une histoire intellectuelle (I), mais se lit également comme une véritable poétique de la représentation politique (II).

 

I. Une histoire intellectuelle de la représentation politique

 

L’ambition scientifique de l’ouvrage est clairement assumée dès les premières lignes de l’introduction : cette anthologie de la représentation politique « se place dans le cadre d’une histoire intellectuelle qui fournit des instruments d’interprétation et de conceptualisation par le biais de l’attention prêtée au texte et au contexte ». Si le dessein est louable – et se trouve, d’ailleurs, largement satisfait – sa mise en œuvre repose sur un double positionnement méthodologique appelant deux séries de remarques. Un parti‑pris épistémologique d’une part, portant sur la possibilité (ou non) d’une histoire des concepts (A). Et un choix heuristique d’autre part, consistant à superposer, pour chaque thématique traitée, trois niveaux de discours qui forment autant de focales imbriquées les unes aux autres (B).

 

A. L’histoire des concepts est‑elle possible ?

Proposer une histoire intellectuelle de la représentation politique suppose, en premier lieu, d’en déterminer les conditions épistémologiques. Ce n’est donc pas une surprise si, en introduction de leur ouvrage, M. Albertone et M. Troper adoptent une épistémologie d’inspiration résolument positiviste. Ramenée à la matière juridique, celle‑ci postule une séparation étanche entre deux niveaux de discours – le discours du droit, de portée prescriptive, et le discours sur le droit, de portée descriptive – d’où M. Troper déduit habituellement une distinction, elle aussi hermétique, entre deux catégories de concepts[1] : les « concepts‑objets » dont le rôle est de justifier une règle ou une institution, et les « métaconcepts », produits par la science, dont le but est de rendre compte de la signification des premiers (p. 12). Or cet impératif se double, s’agissant d’une étude historique, de la nécessité de rendre intelligible le langage du passé à des yeux contemporains, sans pour autant en trahir la substance en y calquant une grille de lecture inspirée de représentations anachroniques. C’est pourquoi concepts et métaconcepts n’entretiennent pas le même rapport au temps.

Les premiers, quoique produits par l’histoire car tributaires du contexte intellectuel, politique, juridique et culturel qui les a vus naître, sont réputés intemporels en ce sens qu’ils « sont irréductibles et qu’ils n’évoluent pas ». Il n’y a donc pas un concept de représentation dont il s’agirait de décrire l’évolution, mais plusieurs concepts de représentation successifs, irréductibles les uns aux autres :

Suivant cette approche, une histoire intellectuelle de la représentation doit se limiter à décrire les contextes d’apparition de chaque concept pris isolément :

Or, s’il n’y a pas un concept de représentation, mais « seulement une pluralité de concepts présentant une ressemblance de famille » (p. 11), selon quel critère des conceptions aussi distinctes que le mandat de droit romain, la théorie de la persona ficta de Hobbes ou encore la notion d’organe défendue par Carré de Malberg peuvent‑elles être considérées comme appartenant à une même « famille » conceptuelle ? C’est là qu’intervient la deuxième catégorie : celle des métaconcepts. Ceux-ci « ne sont pas des produits de l’histoire comme les concepts‑objets » (p. 11), mais résultent d’une rationalisation et d’une reconstruction intellectuelle a posteriori. Leur fonction – rendre intelligibles à l’observateur contemporain des phénomènes observables de tout temps et en tous lieux – autant que leur mode de production – tributaire des cadres intellectuels de son époque – leur confèrent donc une portée atemporelle. C’est pourquoi la définition d’un métaconcept, pour être opératoire sans verser dans l’anachronisme, doit se réduire au plus petit dénominateur commun observable chez l’ensemble des concepts qu’il a pour objet de transcrire. Pour M. Albertone et M. Troper, ce dénominateur est double : il tient à la fois à l’objet de tout concept de représentation – « la capacité d’une autorité de vouloir et d’agir au nom d’une autre entité à laquelle cette volonté et ces actes seront imputés » – et à sa fonction – justifier « la suprématie de cette autorité et de la fonction qu’elle exerce » (p. 15).

Ce concept général de représentation pourrait susciter quelques commentaires – notamment sur le choix de ces critères plutôt que d’autres et sur la logique, déductive ou inductive, qui a présidé à son élaboration – mais cette définition minimale paraît suffisamment englobante et consensuelle pour être acceptable. La démarche, en revanche, appelle certaines réserves, en particulier si le lecteur n’adhère pas au parti‑pris épistémologique des auteurs. On peut ainsi douter qu’il soit possible de séparer aussi hermétiquement deux ordres de discours – conceptuel et métaconceptuel – qui, particulièrement lorsqu’ils ne s’appliquent pas à des phénomènes empiriquement observables mais à des objets dont la réalité est essentiellement intellectuelle, partagent nécessairement un même langage, un même cadre de pensée, et peuvent, dans certaines circonstances (comme la rédaction d’un texte constitutionnel par exemple), se trouver largement tributaires l’un de l’autre.

Plus discutable est le glissement, accusé en introduction de l’ouvrage, d’un rejet de tout essentialisme – louable en soi – vers l’adoption d’une perspective résolument nominaliste s’opposant à toute entreprise de généalogie conceptuelle. De l’idée qu’il « n’y a pas d’essence de la représentation », mais seulement plusieurs concepts désignés sous un même terme et dont le sens dépend des circonstances de leur apparition, doit‑on nécessairement en déduire que ces derniers, prisonniers de leur contexte, n’évoluent pas et n’ont, par conséquent, pas d’histoire, sauf à être remplacés par d’autres concepts ? Il paraît au contraire possible, à l’instar de Reinhart Koselleck[2], de rechercher la filiation d’un concept en déterminant ce qui le rapproche ou le sépare de ceux qui l’ont précédé ou lui ont succédé. Cet exercice généalogique semble non seulement possible mais également nécessaire, pour rendre à l’histoire intellectuelle, qui ne saurait se réduire à une succession syncopée d’instantanés, son caractère dynamique.

À titre d’exemple, il y a indéniablement une forme de continuité, à la fin de l’Ancien Régime, entre la conception parlementaire (F. Di Donato) et la conception physiocratique (M. Albertone) de la représentation politique, bien que leurs fondements philosophiques et leurs motifs politiques diffèrent : dans les deux cas, la représentation y est conçue comme un procédé d’intermédiation entre la tête et les membres du corps politique, et cette conception ne sera pas sans incidences sur le plan d’organisation administrative présenté par Thouret à la Constituante durant l’automne 1789. Quoique ces trois discours dénotent chacun une évolution du concept, la continuité d’inspiration qui les lie reste riche d’enseignements sur les causes de ces mutations comme sur les intentions de ses promoteurs. Sans doute, ce constat ne nous dit-il rien du sens de la représentation en droit positif.

Cette information n’en est pas moins utile, non seulement pour comprendre les contraintes argumentatives et politiques auxquelles les Constituants ont été confrontés dans leurs travaux, mais également pour questionner nos propres préconceptions intellectuelles et ambiguïtés conceptuelles, en particulier face aux enjeux auxquels font actuellement face les régimes démocratiques.

Par‑delà ces réserves d’ordre épistémologique, l’anthologie de M. Albertone et M. Troper n’en demeure pas moins un travail d’une grande richesse historiographique. En postulant la « relativité historique » des concepts[3], et en dépit des contraintes inhérentes à l’épistémologie positiviste, cet ouvrage a le grand mérite de restituer à la représentation politique son historicité. L’analyse contextuelle des différents discours qui, au fil du temps et de l’espace, ont émaillé l’histoire intellectuelle de la représentation, permet ainsi de saisir la complexité de ses significations, de ses fonctions et de ses usages argumentatifs successifs, à travers les moments clés de son évolution : du droit romain à la démocratie représentative contemporaine, en passant par l’affirmation de l’Église en tant qu’institution, la sécularisation du politique sous la forme de l’État moderne, la contestation de l’absolutisme, l’apparition de la société civile et les grandes révolutions libérales du xviiie siècle, ou encore la contestation démocratique et sociale du gouvernement représentatif moderne à compter du xixe siècle… Loin de l’image d’un objet monolithique et univoque, ce travail témoigne de ce que la représentation (à l’instar d’autres concepts politico‑juridiques comme la souveraineté) n’est pas un absolu, qu’elle est au contraire le produit d’une histoire politique, culturelle et intellectuelle dont l’exploration demeure d’une inépuisable richesse.

 

B. L’imbrication des focales

Une autre originalité de ce livre réside, en second lieu, dans le choix heuristique fait par les auteurs de superposer, pour chaque thématique traitée, trois niveaux d’analyse. Chaque chapitre se compose ainsi de la manière suivante : un premier texte historique servant de matériau brut à l’analyse ; un deuxième texte, contemporain ou ultérieur, destiné à le critiquer, le nuancer ou simplement le mettre en perspective ; enfin, un commentaire doctrinal, réalisé par le contributeur responsable de la thématique, qui procède à une analyse conjointe et contextuelle des deux premiers documents. Outre une meilleure compréhension de textes parfois denses et peu accessibles si le lecteur n’est pas familier de la pensée de l’auteur ni des enjeux politiques et intellectuels de l’époque, l’intérêt de ce rythme ternaire est double. Il contribue d’abord à illustrer la relativité historique du concept de représentation en le saisissant à travers les controverses politiques, philosophiques ou doctrinales qui l’ont vu naître et évoluer. Il permet ensuite, par un élargissement progressif de la focale, d’effeuiller successivement les différents niveaux de discours qui se sont superposés au fil du temps et dont la sédimentation a contribué à obscurcir le sens qu’a pu revêtir le concept à une époque et en un lieu donnés. Ajoutons à cela que la grande qualité des commentaires, dont l’objet n’est pas de s’appuyer sur les textes analysés pour en déduire une théorie mais bien d’en éclairer la signification historiquement contingente, contribue à rendre la lecture de l’ouvrage non seulement aisée, mais également captivante.

En dépit des qualités de cette approche, deux regrets peuvent être formulés. Le premier tient au caractère avant tout analytique et doctrinal de l’anthologie proposée, qui constitue à la fois une richesse et une limite de cet exercice lorsqu’il est appliqué à un objet académique. On peut s’interroger – l’introduction ne le précise pas clairement – sur les motifs qui ont présidé au choix des textes ainsi réunis. L’objet de l’ouvrage n’est, en effet, pas le même selon qu’ils aient été sélectionnés en amont au regard de leur intérêt propre avant d’être confiés à un commentateur, ou bien choisis en aval, par chaque responsable de thématique, pour illustrer son propos. Dans le premier cas, le commentaire se contente de servir d’écrin au texte, dont la découverte ou la redécouverte par le lecteur constitue l’intérêt même d’une anthologie. Dans le second, en revanche, les documents sélectionnés servent plutôt de support à la réalisation, par chaque contributeur, d’un article de doctrine. L’articulation, inégale en fonction des chapitres, entre la matière brute et le propos doctrinal, tendrait plutôt à pencher pour la deuxième option : le choix des documents (dont quelques-uns ne portent pas explicitement, ou alors à la marge, sur le sujet de la représentation) semble parfois clairement orienté par les options épistémologiques et théoriques du contributeur. La table des matières, qui ne recense pas les textes eux‑mêmes mais se structure autour des 27 thématiques et de leurs auteurs respectifs, corrobore d’ailleurs ce sentiment et tend à induire en erreur le lecteur qui, n’ayant pas encore feuilleté l’ouvrage, pense avoir à faire à un recueil d’articles doctrinaux.

Le second regret est en partie une conséquence du premier et tient au fait que cette imbrication des focales aboutit parfois, en raison des choix doctrinaux de l’auteur, à comparer deux textes dont les enjeux propres, pour être liés mais distincts sur le plan théorique, mériteraient un commentaire à part entière, mais dont la densité se trouve en quelque sorte comprimée au sein d’une seule et même thématique. Ainsi du onzième chapitre, réalisé par M. Troper (« Le représentant et l’organe »), dans lequel la comparaison entre le débat du 10 août 1791 opposant Roederer à Barnave et la lecture qu’en livrera plus tard Carré de Malberg, met aux prises deux questions qui, quoiqu’imbriquées, auraient mérité d’être distinguées l’une de l’autre car appelant chacune des développements propres : d’un côté, la question tout à fait pratique et riche d’implications contemporaines, de savoir ce qui fait le représentant (l’élection ou la fonction ?) ; de l’autre, celle, plus théorique, de la distinction du représentant et de l’organe qui aurait sans doute justifié qu’un chapitre lui soit entièrement consacré afin de comparer les conceptions allemande et française.

Ces considérations de méthode ne doivent, cependant, pas occulter le fond de l’ouvrage qui, derrière le projet d’en retracer l’histoire intellectuelle, s’apparente en réalité à une véritable poétique de la représentation.

 

II. Une poétique de la représentation politique

 

L’application du genre poétique à l’anthologie de M. Albertone et M. Troper n’est pas une simple vue de l’esprit liée au choix de ce registre littéraire. Si la lecture en est plaisante, c’est avant tout sa portée théorique qui lui vaut cette qualification. Car cet ouvrage n’est pas un simple florilège de textes choisis. Parce que son objet y est avant tout décrit comme un phénomène intellectuel et linguistique, l’attention portée au langage, à ses variations de sens, à ses fonctions argumentatives et performatives place ce travail à la jonction de l’esthétique, du théorique et du politique. Celui-ci offre dès lors au lecteur à la fois une linguistique (A) et une rhétorique de la représentation (B).

 

A. Une linguistique de la représentation

Cet ouvrage propose, en premier lieu, une véritable linguistique de la représentation politique, laquelle se trouve saisie à travers sa dimension aussi bien lexicale que sémantique.

Sur le plan lexical d’abord, la variété des textes réunis et l’approche pluridisciplinaire souhaitée par les auteurs, présentent le mérite d’identifier, à travers les siècles, un véritable glossaire de la représentation. La richesse du champ lexical renvoyant au concept lui‑même – incarnation, personnification, autorisation, médiation, procuration, délégation, élection – ou servant à qualifier le représentant – mandataire, vicaire, acteur, organe, interprète, tribun, avant-garde, symbole, guide… – témoigne, malgré des significations divergentes et des contextes différents, de son omniprésence et de sa centralité au sein de la pensée occidentale, de ses origines à nos jours. La mobilisation de sources non seulement françaises ou latines, mais également anglo‑saxonnes et allemandes, permet de prendre la mesure d’un phénomène conceptuel commun à l’expérience politique européenne et nord‑américaine. C’est pourquoi il est dommage que les lexiques anglophones et germanophones n’aient pas été valorisés dans leur version originale (à l’exception notable du chapitre consacré par O. Jouanjan, à la conception nazie de la représentation), tant ils peuvent parfois s’avérer riches en nuances inconnues du vocabulaire français. On songe par exemple aux mots anglais de trust et de trustee (employés par Burke dans son discours de 1774 aux électeurs de Bristol, reproduit chap. 13), ou encore à la distinction allemande (opérée notamment par Schmitt) entre Räpresentation (incarnation de l’unité transcendante du corps politique) et Stellvertretung (représentation contingente de la pluralité des intérêts de la société).

Sur le plan sémantique ensuite, ce cheminement à travers l’histoire politique et intellectuelle de la représentation permet au lecteur de saisir, en quelque sorte in vivo, les multiples métamorphoses du signifié malgré la constance des signifiants. Celles-ci peuvent, a minima, être comptées au nombre de quatre. La première survient aux alentours du xie siècle lorsque, d’une technique contractuelle issue du droit privé romain (J.‑L. Halpérin), la représentation en vient à désigner la capacité – disputée par le pape et l’empereur – à incarner au nom de Dieu l’unité spirituelle et temporelle de l’Église universelle (B. Bourdin ; A. Mulieri). La deuxième correspond au moment hobbesien, c’est‑à‑dire à la sécularisation de l’idée représentative, qui revêt alors la double dimension d’un acte d’autorisation du souverain et d’un procédé de personnalisation de la communauté politique, préfigurant l’État moderne (M. Brito Vieira). La troisième survient à compter de la fin du xviie siècle avec l’avènement du libéralisme politique, qui concevra la représentation comme un mécanisme de médiation entre l’autorité publique et la société civile (F. Di Donato ; M. Albertone ; J. Hummel). La quatrième et dernière métamorphose enfin, est le fruit des révolutions américaine et française : à travers elles, la représentation devient à la fois une forme de gouvernement à part entière (P. Pasquino ; M. Troper) et une méthode d’ingénierie constitutionnelle visant à produire une volonté politique rationnelle (J. N. Rakove ; M. Albertone). L’évolution semble alors se stabiliser, la grande question des xixe et xxe siècles étant de savoir à quel point le gouvernement représentatif doit ou ne doit pas se fondre dans le moule de l’idéal démocratique.

Parmi ces évolutions sémantiques, on regrettera peut‑être l’absence notable de certaines conceptions prémodernes de la représentation observables notamment sous l’ancienne France. Si les discours parlementaires du xviiie siècle constituent un aspect important du sujet, il aurait également été intéressant de consacrer un chapitre au système des assemblées d’états, dont la pratique procédait d’une dialectique entre la représentation des intérêts corporatistes propres à une société hiérarchisée et la figuration de l’unité politique du royaume à travers la personne du monarque. Il y a là, semble‑t‑il, une expression historique et culturelle originale de la représentation, qui ne se réduit ni à la théorie du mandat ni à la doctrine britannique des deux corps, et mériterait d’autant plus d’être redécouverte qu’elle a servi, du moins en France, de matrice historique au gouvernement représentatif moderne.

Malgré ces nombreuses ruptures, l’un des mérites de cette anthologie est qu’elle permet également d’identifier certaines constantes, dont l’observation conduit à relativiser le poids des problématiques actuelles. C’est par exemple le cas du thème de la représentativité. Issue d’une contestation de la conception formelle et universaliste de la représentation au nom d’une vision réelle et différentialiste de cette dernière, cette préoccupation trouve son origine dès le xixe siècle dans les revendications du mouvement ouvrier français (S. Hayat), puis se retrouve en Inde à travers le problème de la représentation des caste (S. Khilnani), avant de s’illustrer à l’époque contemporaine par la question de la parité des sexes (I. Boucobza et C. Girard). Il en va de même du thème de la démocratie représentative. Loin de l’idée reçue d’une incompatibilité originelle et radicale entre gouvernements représentatif et démocratique, on en trouve les prémices dès le xviiie siècle dans la pensée des Pères fondateurs américains comme de certains révolutionnaires français (on signalera à cet égard le très intéressant chapitre que P. Serna consacre à l’ambiguïté de cette notion dans les débats constitutionnels précédant le Consulat). Une telle continuité des problématiques conduit alors à se demander si, en réalité, l’état de « crise » déploré par les observateurs contemporains ne serait pas congénital à l’avènement même du gouvernement représentatif moderne.

Il faut enfin dire un mot des textes réunis au sein de cette anthologie et dont la lecture sert de support à cette enquête linguistique. Sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité – le format ne s’y prêtant pas – les documents compilés sont d’une grande variété et d’une grande densité intellectuelle. On y retrouve ainsi certains auteurs attendus comme Hobbes, Rousseau, Sieyès, Condorcet, Constant, Burke, Mill, Jellinek, Schmitt ou encore Carré de Malberg. On y découvre également avec plaisir certains textes peu connus ou délaissés : en particulier, le débat opposant Roederer à Antonelle aux derniers jours du Directoire, le Manifeste des Soixante durant le Second Empire et les écrits de Proudhon relatifs à la représentation ouvrière, ou encore les vues divergentes de Lénine et de Trotsky quant au rôle historique du parti dans la conduite de la révolution prolétarienne.

Mais ce qui constitue le clou, et l’un des principaux apports de cet ouvrage, est sans doute sa troisième partie, consacrée à l’expansion et aux avatars de la représentation politique au-delà de la tradition politique occidentale. La découverte, à partir de textes originaux, des expériences japonaise, indienne, argentine ou encore chinoise, non seulement fascine le lecteur accoutumé aux cadres de pensée occidentaux, mais lui permet en outre de mesurer la dimension à la fois politico‑juridique, et plus largement culturelle de la représentation. On notera en particulier tout l’intérêt du chapitre consacré à la représentation politique en islam. Dans un contexte de réforme de l’islam sunnite datant de la deuxième moitié du xixe siècle, les documents commentés par S. Ben Achour témoignent de ce que la représentation, dans l’islam politique, suit un mouvement en quelque sorte inverse de celui qui fut le sien en Europe : celui, non d’une sécularisation, mais bien d’une reconfessionnalisation du politique (en réaction notamment à l’influence des conceptions importées par les anciennes puissances coloniales) allant dans le sens d’une théocratie non pas personnelle mais représentative, voire d’investiture démocratique. Il y a là un champ de recherche intéressant sur le plan de la théologie politique, en particulier si l’on compare ces doctrines avec celles, d’origine chrétienne, du vicariat pontifical professée par Innocent iii (B. Bourdin) ou du conciliarisme de Marsile de Padoue (A. Mulieri).

Une réserve peut néanmoins être signalée à propos de cette troisième partie dont l’intitulé – « L’ère de la globalisation » – dénote, malgré sa grande richesse, une perspective très occidentalo‑centrée. Son objet vise, en effet, la réception et l’adaptation des conceptions occidentales de la représentation au sein d’autres aires géographiques, bien plus que l’étude des traditions propres à chacune des cultures envisagées. On peut se demander s’il n’y a pas là un biais universaliste, exprimé par les auteurs dès l’introduction :

Sans doute est‑il nécessaire, lorsque l’on compare différentes cultures politiques, de se doter d’un appareil théorique susceptible d’en restituer, dans un langage commun, les ressemblances et les nuances. Cette démarche, délicate, comporte cependant un risque : celui de basculer d’un universalisme méthodologique vers un universalisme ontologique, au détriment du caractère incommensurable de chaque tradition culturelle.

 

B. Une rhétorique de la représentation

Outre sa dimension linguistique, cette anthologie de la représentation s’attache, en second lieu, à en étudier la portée rhétorique, c’est‑à‑dire à la diversité de ses usages argumentatifs et en particulier sa fonction de justification. De manière générale, et comme le signalent les auteurs en introduction, l’argument représentatif est ordinairement mobilisé en vue de justifier l’exercice d’une autorité politique suprême. Cette fonction s’observe dès l’origine, dans l’Europe médiévale, lorsque puissances spirituelle et temporelle se disputent le monopole de l’investiture divine. On la retrouve bien entendu au xviie siècle chez Hobbes, qui fonde l’autorité absolue du Léviathan sur sa capacité à produire l’unité du corps politique en tant que personne. Elle est également présente chez Carré de Malberg, à qui sa théorie de l’organe permet de justifier une certaine hiérarchie des fonctions au sein de l’État. Il y a donc une certaine constance dans l’emploi argumentatif du concept de représentation. Mais au‑delà de cette constance, et c’est l’un des intérêts de l’ouvrage, ses déclinaisons rhétoriques peuvent varier au gré des contextes dans lesquels il se trouve mobilisé. En voici quelques exemples.

L’idée de représentation peut, d’abord, être conçue comme un acte d’autorisation ou de délégation pour remplir une fonction de légitimation, soit d’une pluralité d’organes (en particulier lorsque l’acte de délégation est identifié au texte constitutionnel, comme chez Barnave ou Royer‑Collard), soit d’un seul (notamment lorsque l’autorisation est censée s’exprimer par l’élection, comme chez Roederer).

Elle peut, ensuite, être mobilisée, en tant que procédé de médiation, à la fois comme un moyen de justifier une certaine organisation du pouvoir à partir d’une certaine vision de la société, et inversement comme une façon de produire un nouvel ordre social grâce à un bouleversement de l’ordre politique : cette dimension performative de la représentation se trouve en germe dans la pensée des physiocrates, elle sera au cœur de la transformation des États généraux en Assemblée nationale (absente de l’ouvrage), et l’on en trouve un écho significatif dans la controverse opposant Ambedkar et Gandhi à propos des Intouchables.

La représentation peut, aussi, selon la conception que l’on s’en fait, être employée pour défendre une certaine idée de la souveraineté et du souverain : outre la distinction classique, systématisée par Carré de Malberg, entre souveraineté nationale et souveraineté populaire, on peut citer la divergence de vues d’un Sieyès, partisan d’une conception statique et moniste du gouvernement représentatif, qui le conduit à restreindre le champ des bénéficiaires de droits politiques au nom d’une approche fonctionnelle de ces derniers, et un Condorcet, qui en retient au contraire une vision dynamique et dualiste, conçue comme un dialogue rationnel entre représentants et représentés, ce qui le conduit à militer, au nom du droit naturel, en faveur du suffrage universel et du droit de vote des femmes.

Enfin, comme l’illustre la comparaison des textes de Burke et Mill, deux conceptions divergentes de la représentation (virtuelle ou réelle) peuvent aboutir à deux visions de ce en quoi consiste la fonction de représentant et des rapports qu’il peut ou doit entretenir avec les représentés : pour le premier, légiférer non d’après le vœu des électeurs mais en fonction du bien commun ; pour le second, se faire l’organe des intérêts de la société civile afin de lui permettre d’exercer un contrôle sur l’action des gouvernants.

On le voit, les usages rhétoriques du concept de représentation sont nombreux, et l’un des apports de cet ouvrage est de les avoir mis en exergue à la lumière des préoccupations politiques propres à chaque auteur mobilisé. D’autres fonctions du concept auraient également pu être explorées : en particulier la question de savoir ce qui fait le représentant (uniquement envisagée à travers le débat du 10 août 1791) ; ou encore les usages péjoratifs et dépréciatifs du concept, dont l’étude aurait permis d’analyser les discours de relativisation du paradigme représentatif, qui ne datent pas d’aujourd’hui et auraient eu le mérite d’éclairer les virtualités contemporaines de l’idéal démocratique.

En outre, l’analyse de ces usages argumentatifs est parfois brouillée par la différence de valeur des textes sélectionnés pour chaque chapitre. La triple focale appliquée à l’ensemble de l’ouvrage peut en effet, selon les documents commentés, conduire à la superposition de plusieurs niveaux de discours. Ainsi par exemple, le choix, comme premier support d’analyse, d’un écrit à visée essentiellement politique (par exemple, la lettre no 10 du Fédéraliste attribuée à Madison ou un article de Sieyès paru au Journal d’instruction sociale) n’a pas la même valeur qu’un extrait d’ouvrage doctrinal (comme le Traité de droit romain de Savigny ou la Contribution de Carré de Malberg). La vocation politiquement opérationnelle et la fonction légitimante du discours sont, en effet, bien plus marquées dans le premier cas que dans le second où – parfois non sans arrière‑pensées politiques, il est vrai – le propos de l’auteur relève déjà d’une forme de « métalangage ». On peut alors se demander si le fait de prendre pour base d’étude, d’un chapitre à l’autre, tantôt une œuvre politique ayant pour objet d’influencer la production du droit, tantôt une œuvre doctrinale dont la fonction est d’en décrire le sens, ne revient pas, finalement, à mélanger les discours conceptuel et métaconceptuel distingués par les auteurs, et par conséquent à relativiser l’intérêt de leur séparation.

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On l’aura compris, les questionnements suscités par l’anthologie dirigée par M. Albertone et M. Troper sont à la mesure de l’enthousiasme et du grand intérêt que l’auteur de ces lignes a ressentis à la lecture. Ils ne retirent d’ailleurs rien, bien au contraire, à l’originalité du projet dont est issu ce volume, à la richesse des textes qu’il regroupe, et à la grande qualité des commentaires doctrinaux, qui en font une précieuse ressource tant pour l’enseignement que pour la recherche.

Quelles leçons peut‑on tirer, au terme de ce cheminement littéraire et historique ? Une phrase, sur laquelle s’achève l’introduction de l’ouvrage, permet sans doute d’exprimer le sentiment du lecteur : « On n’échappe pas à la représentation ». En effet, non seulement cette dernière semble émailler l’histoire intellectuelle occidentale, mais elle paraît aussi, pour des raisons diverses, avoir progressivement imprégné des cultures politiques très différentes de son berceau d’origine. Cette dimension omniprésente, transhistorique et quasi‑universelle de la représentation politique lui confèrerait presque une portée civilisationnelle que n’aurait pas démentie un Guizot. Ses expressions contemporaines ne sont pourtant pas toutes conformes à la philosophie du progrès qui animait, aux xviiie et xixe siècles, la plupart des promoteurs du gouvernement représentatif. Les exemples, parmi de nombreux autres présents entre ces pages, du péronisme en Ar-gentine (C. M. Herrera), ou de la théorie des « trois représentativités » revendiquées par le Parti communiste chinois (E. Jourda et P. Pasquino), témoignent de ce que la portée légitimante du concept, pris sur le mode de l’incarnation ou de l’incorporation, peut également servir de prétexte à la mise en place et au maintien d’un pouvoir centralisé, personnel et autoritaire, bien loin de la conception abstraite, rationnelle et désincarnée que s’en faisaient ses théoriciens modernes.

Plus encore, si l’épanouissement du gouvernement représentatif a longtemps été perçu comme l’aboutissement d’un processus de civilisation, les crises qui l’affectent à l’époque contemporaine posent la question d’un au‑delà de la représentation politique, dont on peine à discerner les contours. La quatrième et dernière partie de l’anthologie témoigne de ce malaise. Les trois chapitres dont elle se compose ont en commun, quoique sous des angles très divers, de présenter les limites de la représentation moderne face à certains enjeux soit théoriques (le fédéralisme), soit politiques (l’égalité des sexes et l’écologie). L’ouvrage s’achève ainsi sur l’image d’une conception libérale de la représentation qui, pour imprégner la pensée, la pratique et les débats politiques contemporains, n’en apparaît pas moins sclérosée face à des défis qui en bouleversent jusqu’aux fondements : la revendication d’un renouveau démocratique, signe d’un déclin de sa portée légitimante ; la fragmentation de l’unité politique qu’elle était censée produire, par la multiplication de nouvelles identités ; la remise en question des présupposés philosophiques (anthropocentrisme et individualisme) et du cadre politique (national) sur lesquels elle repose…

Le constat final fait donc figure de paradoxe : si le paradigme représentatif n’a jamais été aussi vivace (au point même d’apparaître comme un instrument de protection des ressources naturelles) il semble pourtant bien en peine de trouver en lui‑même les moyens de son dépassement, ou à tout le moins de son aggiornamento, afin de faire face aux enjeux du temps.

 

Benjamin Lecoq

Professeur de droit public à l’Université de Strasbourg.

Pour citer cet article :
Benjamin Lecoq «M. Albertone et M. Troper (dir.), La Représentation politique. Anthologie (Paris, Classiques Garnier, 2011) », Jus Politicum, n° 30 [https://juspoliticum.com/article/M-Albertone-et-M-Troper-dir-La-Representation-politique-Anthologie-Paris-Classiques-Garnier-2011-1533.html]