La transformation de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords en Cour suprême par le Constitutional Reform Act de 2005 (CRA) bouleverse-t-elle radicalement le constitutionnalisme britannique ou n’est-elle qu’une réforme symbolique ? L’analyse de l’impact du CRA sur l’Appellate Committee de la Chambre des Lords et la comparaison des principales caractéristiques de la Cour suprême avec celles d’autres Cours suprêmes et constitutionnelles révèlent qu’elle ne constitue pas un véritable bouleversement.Novateur par certains aspects, le CRA est, par d’autres caractéristiques, seulement révélateur de ce qui existait déjà  à  l’époque de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords. Cette loi s’inscrit dans un mouvement plus général de mutation du constitutionnalisme britannique résultant de réformes et évolutions antérieures. La rénovation de l’organisation et du fonctionnement de l’Appellate Committee tend à  rapprocher ses caractéristiques formelles de celles d’autres juridictions, aussi bien suprêmes que constitutionnelles. Par ailleurs, la concentration des compétences de la Chambre des Lords et du Privy Council en matière de dévolution au profit de la Cour suprême réduit sa singularité en confortant des convergences déjà  existantes avec les fonctions d’autres Cours suprêmes. Le CRA n’a cependant pas effacé la nature atypique de cette juridiction qui emprunte à  la notion de juridiction suprême et constitutionnelle sans y correspondre exactement. L’analyse de cette juridiction renouvèle les notions de juridiction et de justice constitutionnelle. Elle conduit à  dépasser la modélisation des systèmes de justice constitutionnelle et révèle la nécessité d’appréhender plus largement cette notion. La Cour suprême dote ainsi les systèmes de justice constitutionnelle d’une nouvelle forme de juridiction à  la croisée des chemins et atteste de leur diversité. La révision constitutionnelle introduite par le CRA témoigne d’une évolution remarquable de la Constitution du Royaume-Uni qui enrichit le débat sur la notion de justice constitutionnelle et, plus largement, sur le constitutionnalisme.
The United Kindgom’s Supreme Court after the Constitutional Reform Act 2005: an unconventional jurisdictionIs the replacement of the Appellate Committee of The House of Lords with a new Supreme Court for the United Kingdom a radical transformation of British constitutionalism or a symbolic reform? The impact of the Constitutional Reform Act 2005 (CRA) on the Appellate Committee of the House of Lords and the comparison of the main features of the UK’s Supreme Court with other supreme and constitutional courts show no real disruption.Some contributions of the CRA are innovative, but this Act also reveals what already existed at the time of the Appellate Committee of the House of Lords. Indeed, the CRA is participating in the mutation of British constitutionalism following previous reforms.The transformation of the organisation and functionning of the Appellate Committee by the CRA contributes to convergences with the characteristics of other supreme and constitutional courts. Furthermore, the Supreme Court inherits the jurisdiction of the Appellate Committee of the House of Lords and of the Judicial Committee of the Privy Council in respect of devolution issues. It confirms the already existing common trends with supreme courts’ jurisdiction. However, the CRA has not erased the peculiar nature of this jurisdiction. The UK’s Supreme Court assumes the characteristics of supreme and constitutional courts without matching them exactly. The UK’s Supreme Court contributes to the renewal of constitutional justice. It goes beyond the traditional models of constitutional justice and reveals the necessity to think more widely about constitutional justice. Indeed, the specificity of the UK’s Supreme Court reveals a new type of jurisdiction which confirms the diversity of constitutional justice. After all, the CRA has given rise to an outstanding evolution of the United Kingdom’s Constitution which enhances the debate on constitutional justice and constitutionalism.
Der Oberste Gerichtshof (Supreme Court) des Vereinigten Königreichs nach dem Constitutional Reform Act 2005 : ein ungewöhnliches Gericht.Leitet die Umbildung des Appellate Committee vom House of Lords zum obersten Gerichtshof (Supreme Court) durch das Constitutional Reform Act 2005 (CRA) zu einer radikalen Erschütterung des britischen Konstitutionalismus, oder ist sie nur eine symbolische Reform? Die Analyse des CRA und der Vergleich mit anderen obersten Gerichten und Verfassungsgerichte zeigen, dass diese Reform keine wirkliche Wende bedeutet.Zwar sind bestimmte Aspekte des CRA innovativ, aber alles in allem bringt es alles zutage, was schon zur Zeit des Appellate Committee existierte. Dieses Gesetz steht in Verbindung mit einer allgemeineren, von früheren Reformen und Entwicklungen eingeleiteten Umbildung des britischen Konstitutionalismus. Die Reform des Appellate Committees führt zu einer Annäherung seiner formalen Merkmale mit denen anderer obersten Gerichten und Verfassungsgerichten. Andererseits wird die Einzigartigkeit des neuen Supreme Courts aufgrund seiner Rolle in Devolutionsfragen vermindert. Sie verstärkt schon existierende Übereinstimmungen mit den Funktionen der anderen obersten Gerichthöfe. Das britische Oberste Gericht kennzeichnet sich jedoch weiter als relativ atypisch. Das CRA 2005 bringt also nicht nur eine erhebliche Entwicklung des britischen Rechtssystems mit sich. Es zwingt die Staatsrechtslehre dazu, ihre theoretischen Modelle der Verfassungsgerichtsbarkeit neu zu durchdenken.

Le 1er octobre 2009, les onze Justices de la Cour suprême britannique prêtaient serment concrétisant, plus de six ans après son annonce, la mise en place de cette juridiction qui a succédé à  l’Appellate Committee de la Chambre des Lords[1]. Cette formation juridictionnelle de la Chambre des Lords siégeait, pour des raisons historiques[2] et malgré l’adoption de l’Appellate Jurisdiction Act 1876 qui en a professionnalisé la composition[3], au sein de la Chambre haute du Parlement de Westminster. Ce mélange des genres a conduit le Gouvernement du Premier ministre Blair à  vouloir en clarifier le fonctionnement au nom de la séparation des pouvoirs[4].

La remise en cause de la Chambre des Lords[5] et sa substitution par une Cour suprême n’est pas une idée nouvelle au Royaume-Uni. En 1790 déjà , Jeremy Bentham écrivait qu’il serait plus sage de « donner la parole à  un cheval dans cette Chambre plutôt qu’à  un juge » car « le fait de hennir dans la Chambre ne rend pas un cheval plus difficile à  monter ; mais y siéger et y voter rend un juge moins apte à  juger ». Selon lui, cette situation conduit les membres de l’Appellate Committee à  « juger en un nom ce qu’ils ont fait en un autre nom »[6]. De même, à  la fin du XIXe siècle, Walter Bagehot considérait que la plus haute juridiction britannique devrait être une juridiction visible qui ne « devrait pas être cachée derrière la robe d’une assemblée législative »[7].

Dans le prolongement de ces critiques, une loi de 1873, le Supreme Court of Judicature Act, proposée par le Gouvernement libéral de Gladstone a envisagé de supprimer les compétences d’appel de la Chambre des Lords lui substituant une nouvelle Cour suprême pour l’Angleterre et le pays de Galles, composée de la Haute Cour et de la Cour d’appel. Cependant, le Gouvernement conservateur de Disraeli arrivé au pouvoir en 1874 revint sur ce projet en faisant voter l’Appellate Jurisdiction Act 1876 qui a rétabli la Chambre des Lords sous sa forme moderne avant que la loi de 1873 ne produise ses effets[8].

Des critiques plus récemment formulées par des organisations non gouvernementales ou par certains membres de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords eux-mêmes[9] font écho à  la position de ces deux grands juristes. En 1999, l’organisation Justice a, à  la demande de la Commission Royale sur la réforme de la Chambre des Lords, formulé plusieurs propositions au nombre desquelles on trouve l’institution d’une Cour suprême indépendante. Certains éléments contenus dans cette proposition ont été repris par le Gouvernement dans son propre projet[10]. Par ailleurs, dès 2001, Lord Bingham, Président de la Chambre des Lords et Lord Steyn[11], sont intervenus à  plusieurs reprises en faveur de l’instauration d’une Cour suprême, mais se sont heurtés au Lord Chancelier de l’époque, Lord Irvine of Lairg[12]. Certaines Commissions parlementaires se sont également rangées aux vues avancées par Lord Bingham en proposant le départ des Law Lords de la formation parlementaire de la Chambre des Lords[13]. Malgré l’opposition du Lord Chancelier et à  la plus grande surprise de tous[14], ces réflexions et propositions se sont concrétisées quelques années plus tard à  l’occasion de l’annonce d’un remaniement ministériel par le Premier ministre Tony Blair dans un simple communiqué de presse le 12 juin 2003[15]. La décision du Gouvernement a fait grand bruit en raison notamment de la méthode employée.

Sur la forme, la mise en place d’une Cour suprême au Royaume-Uni a été présentée avec d’autres réformes constitutionnelles d’envergure au nombre desquelles on trouve l’abolition de la fonction de Lord Chancelier qui était à  la fois membre du Gouvernement et Président de la Chambre des Lords dans ses formations parlementaire et juridictionnelle[16], la modification de la fonction de Speaker à  la Chambre des Lords et de nouvelles modalités de désignation des juges. Compte tenu de leur ampleur, la présentation de ces réformes évoquées au détour de l’annonce d’un remaniement ministériel comportant le remplacement du Lord Chancelier, Lord Irvine, par le Premier ministre – qui n’avait même pas consulté son cabinet – a été particulièrement critiquée[17]. S’est ajouté à  ce remplacement une refonte de l’organisation du Ministère du Lord Chancelier (Lord Chancellor’s Department) et sa transformation en Ministère des affaires constitutionnelles chargé de piloter une réforme à  laquelle l’ancien Lord Chancelier s’était opposé[18]. Prenant le prétexte qu’il n’avait pas été informé par le Premier ministre[19], Lord Irvine a démissionné de ses fonctions. On peut regretter ce processus de prise de décision sans consultation préalable des membres du pouvoir judiciaire, que le Premier ministre lui-même a qualifié a posteriori de « chaotique » et « désordonnée »[20].

L’annonce de ces réformes a divisé le monde judiciaire[21]. Alors que Lord Bingham of Cornhill défendait ardemment la mise en place d’une Cour suprême, cette idée a suscité les craintes du Lord Chief Justice, Lord Woolf, du Vice-Lord Chief Justice, Lord Judge, et du Conseil des juges (Judges Council) en raison de l’atteinte qu’elle serait susceptible de porter à  l’indépendance du pouvoir judiciaire[22]. Pour calmer ces critiques une consultation a été réalisée a posteriori. Elle a permis la conclusion d’un Concordat[23] entre le Lord Chancelier et le Lord Chief Justice qui fût un facteur d’apaisement. Le projet de loi a finalement été déposé devant la Chambre des Lords le 24 février 2004, après avoir été présenté par une déclaration ministérielle du nouveau Lord Chancelier, Lord Falconer of Thorothon[24]. Il a, chose rare, été examiné par une Commission spéciale : le Select Committee on the Constitutional Reform Bill[25]. Le Constitutional Reform Act 2005 (CRA) a finalement été promulgué le 24 mars 2005, mais son entrée en vigueur s’est échelonnée dans le temps. Les dispositions concernant le Lord Chancelier, les modalités de nomination des juges sont entrées en vigueur le 3 avril 2006[26]. En revanche, l’entrée en fonction de la Cour suprême, conditionnée au terme d’une clause suspensive par les locaux dans lesquels elle pourrait s’établir, a eu lieu le 1er octobre 2009[27].

Sur le fond, le projet du Gouvernement a été motivé par une volonté de « moderniser et de redéfinir les relations entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire », de « protéger et ainsi de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, de clarifier le rôle du Gouvernement et du pouvoir judiciaire et d’instaurer des relations sur une base explicite et transparente »[28]. En dépit de ces arguments, la création d’une Cour suprême ne faisait à  l’origine pas partie des priorités initiales du Gouvernement et a davantage résulté de l’effet d’entraînement de l’abolition du Lord Chancelier plutôt que d’une volonté politique forte de réformer cette institution[29]. C’est au mois de janvier 2004 que Lord Falconer of Thoroton a annoncé « qu’il était temps que la plus haute juridiction britannique se dégage de l’ombre du pouvoir législatif »[30]. Il s’agissait, en réalité, d’améliorer la perception que l’opinion publique pouvait avoir d’une formation juridictionnelle de la Chambre des Lords faisant partie intégrante de la Chambre législative. C’est surtout la perspective d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme (CourEDH) qui a accéléré la remise en cause de la Haute juridiction britannique. L’affaire McGonnel c. Royaume-Uni[31] pouvait laisser présager un risque de condamnation du fait de la position particulière des Law Lords ayant des fonctions à  la fois législatives et judiciaires[32]. D’ailleurs, la Commission des droits de l’Homme et des affaires juridiques de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait adopté un rapport au mois d’avril 2003 concernant la fonction de Lord Chancelier dans le système constitutionnel du Royaume-Uni. Il comportait des recommandations suggérant aux autorités britanniques la création d’une Cour suprême dont les membres ne seraient pas à  la fois juges de la plus haute juridiction et membres de l’Assemblée parlementaire[33]. La réforme aurait donc pu se limiter à  une simple interdiction pour les Law Lords de participer aux débats parlementaires et à  leur maintien au sein d’une Commission de la Chambre des Lords. L’importance des apparences[34] exigeant d’aller au bout de la logique, le CRA a choisi l’option radicale en établissant une Cour suprême séparant les formations juridictionnelle et parlementaire de la Chambre des Lords.

A ces avancées concrètes s’ajoute un apport, plus théorique, mais tout aussi remarquable du CRA qui permet de situer l’instauration de la Cour suprême britannique au sein d’un contexte constitutionnel en pleine mutation. Il est fait référence, pour la première fois dans un texte de loi, au principe de Rule of Law, qui constitue avec la souveraineté du Parlement l’un des deux fondements de la Constitution britannique. Le principe de Rule of Law, traduit par l’expression « la suprématie ou le règne de la loi »[35] ou « prééminence du droit »[36] recouvre, tel qu’il a été défini par Albert V. Dicey, trois aspects distincts : un principe de légalité, un principe d’égalité de tous devant le droit[37] et un principe de « protection judiciaire des droits »[38]. Cette consécration textuelle de la Rule of Law, sur laquelle nous reviendrons, s’inscrit dans un mouvement de rééquilibrage des fondements constitutionnels britanniques en faveur de ce principe. Les deux piliers du cadre constitutionnel britannique font, depuis un certain temps déjà , l’objet d’importantes évolutions. La réalité du principe de souveraineté parlementaire ne correspond plus aujourd’hui au tableau dépeint par Albert A. V. Dicey qui en faisait le premier principe du droit public anglais. L’impossibilité pour le Parlement de lier ses successeurs, l’interdiction faite à  toute personne ou à  tout corps d’annuler ou d’écarter une loi et l’absence de distinction entre lois ordinaires et constitutionnelles qui sont les trois composantes de la souveraineté parlementaire[39] sont aujourd’hui remises en cause, à  des degrés différents, par l’adhésion du Royaume-Uni au cadre européen communautaire – aujourd’hui de l’Union européenne – avec le European Communities Act 1972 (EC Act 1972) et conventionnel avec le Human Rights Act 1998 (HRA 1998). L’institution de la nouvelle Cour suprême s’inscrit donc dans un mouvement général de transformation de la Constitution britannique[40] qui résulte de la mutation de ses deux fondements et de son écriture progressive par un nombre croissant de lois matériellement constitutionnelles[41]. Le CRA a révisé, à  l’instar de ces lois, la Constitution souple du Royaume-Uni.

Quelle est, en conséquence, la portée de cette loi sur la plus Haute juridiction du Royaume-Uni désormais dénommée Cour suprême ? Dans quelle mesure cette juridiction peut-elle être qualifiée de Cour suprême alors même que cette appellation peut recouvrir des réalités différentes ? Cette réforme a été présentée comme « un changement sur le plan de la forme, et non du fond »[42]. Fidèles au pragmatisme britannique, les dispositions de la troisième partie du CRA dédiée à  la Cour suprême concernent essentiellement la désignation et le statut des membres de la Cour, la composition des formations de jugement, les modalités d’adoption des règles de procédure, le statut du personnel et les frais de justice. Les aspects concernant la compétence de la Cour et ses rapports avec les autres juridictions ne constituent qu’une part résiduelle du texte de loi[43]. Les principales préoccupations au cours des débats ont ainsi davantage concerné des aspects pratiques tels que l’emplacement[44] et le coût[45] occasionné par l’établissement de la nouvelle Cour suprême plutôt que la question de ses compétences et de sa véritable nature[46]. Les préoccupations qui ont sous-tendu l’élaboration du CRA laissent entendre qu’il n’était pas question pour le Gouvernement de créer une nouvelle institution[47].

Pourtant, la dénomination de la Cour suprême du Royaume-Uni ne peut empêcher les observateurs, étrangers notamment, de penser à  la Cour suprême américaine[48]. Les débats parlementaires sont pourtant assez clairs à  ce sujet. Lord Falconer, le Ministre des affaires constitutionnelles a nié avoir été influencé par le modèle de la Cour suprême américaine[49] et a bien précisé dans le Consultation paper précédant le dépôt du projet de loi qu’il « n’y a pas de proposition de création d’une Cour suprême sur le modèle américain dotée du pouvoir de renverser une loi. Il n’y a pas non plus de proposition de création d’une Cour constitutionnelle spécialisée ou d’une Cour dont le premier rôle serait de se prononcer a priori sur une question de droit soulevant des difficultés »[50]. L’idée d’une Cour suprême à  l’américaine ou d’une Cour constitutionnelle spécialisée a été clairement rejetée par le Département des affaires constitutionnelles car cela constituerait une « rupture avec les traditions constitutionnelles britanniques »[51].

La Cour suprême ne se serait donc inspirée d’aucun modèle préexistant. Cette réforme aurait-elle alors fait « beaucoup de bruit pour rien » ? N’aurait-elle qu’une portée symbolique pour ne pas dire cosmétique qui ne serait, pour l’Appellate Committee de Chambre des Lords, qu’une opération de chirurgie esthétique, masquant sous de nouvelles apparences ce qui existait déjà  ou réalise-t-elle un changement plus profond ? En définitive, quelle réalité se cache-t-il sous cette nouvelle dénomination ?

Aux États-Unis la Cour suprême est « la plus haute juridiction du pouvoir judiciaire fédéral ». Le Professeur Elisabeth Zoller rappelle qu’elle est « juge en dernier ressort du droit fédéral [qui] … comprend la Constitution, les traités passés par les États-Unis et les lois du Congrès »[52]. De façon plus générale, les Cours suprêmes ont été présentées par le Professeur Louis Favoreu, par opposition aux Cours constitutionnelles selon une conception, qualifiée par certains auteurs de « restrictive »[53]. Elles sont présentées comme « des juridictions placées au sommet de l’édifice juridictionnel d’un État et dont relève par la voie de l’appel ou de la cassation l’ensemble des tribunaux et cours composant cet édifice » qui disposent d’une « vocation générale »[54] lui permettant de connaître d’une diversité de contentieux (civil, administratif, pénal…) parmi lesquels on trouve notamment le contentieux constitutionnel. Une Cour suprême se distingue d’une Cour constitutionnelle en ce que cette dernière est une juridiction « créée pour connaître spécialement et exclusivement du contentieux constitutionnel, située hors de l’appareil juridictionnel ordinaire et indépendante de celui-ci comme des pouvoirs publics »[55]. Le Cour suprême a encore été définie par le Professeur Roland Drago comme « une juridiction supérieure unique impliquant l’existence d’un seul ordre juridique et juridictionnel ; […] une juridiction supérieure statuant en droit et en fait ; […] une juridiction supérieure pouvant, même indirectement, se prononcer sur des questions constitutionnelles »[56]. Une étude comparative conduite en 1978 met en évidence que « La mission essentielle unanimement reconnue à  une cour suprême est de veiller à  la bonne application des règles juridiques par les juridictions inférieures et, par là -même, d’assurer au droit unité, clarté, certitude »[57].

Les Cours suprêmes seraient ainsi caractérisées par leur compétence générale et non spécialisée dans le contentieux constitutionnel, par leur place au sommet d’une hiérarchie de juridictions et par leur mission consistant à  assurer une certaine « cohérence dans l’application du droit »[58] par les juridictions inférieures. Par contre, si l’on s’en tient aux compétences de ces juridictions, la frontière entre Cours suprêmes et Cours constitutionnelles, n’est pas si étanche puisqu’elles peuvent toutes deux disposer de compétences constitutionnelles[59]. Les auteurs britanniques parlent d’ailleurs de « Cour suprême constitutionnelle »[60]. Ainsi, les Cours disposant, comme aux États-Unis, au Canada ou encore en Inde pour ne se limiter qu’à  quelques exemples, d’une plénitude de juridiction et compétentes à  ce titre pour le contentieux constitutionnel, sont non seulement des Cours suprêmes mais aussi des cours[61] ou du moins des juges constitutionnels[62]. Lorsqu’elles se prononcent sur des questions constitutionnelles, les Cours suprêmes comme les tribunaux ordinaires dans certains systèmes, et les Cours constitutionnelles sont toutes des juridictions constitutionnelles « chargées de la justice constitutionnelle »[63], notion que nous appréhenderons dans un sens matériel. Suivant une définition suggérée, parmi d’autres, par le Professeur Luc Heuschling nous entendrons la justice constitutionnelle comme désignant « toutes les procédures juridictionnelles portant sur la matière constitutionnelle » et, plus largement, « une justice portant sur la Constitution » [64] quelle que soit sa nature. Il serait d’ailleurs possible de comprendre la première définition d’Eisenmann selon laquelle « La justice constitutionnelle est cette sorte de justice ou mieux de juridiction qui porte sur les lois constitutionnelles »[65] comme intégrant également des lois matériellement constitutionnelles qui font partie du cadre constitutionnel britannique[66]. Une telle approche permet une analyse plus universelle et explicative qui n’exclue pas ab initio certains systèmes, comme ceux dotés de constitutions souples, du champ de la justice constitutionnelle.

L’analyse de la nature de la Cour suprême du Royaume-Uni interroge donc les notions de Cour suprême, de Cour constitutionnelle et, plus largement, de juridiction et de justice constitutionnelle compte tenu notamment des évolutions du constitutionnalisme britannique. C’est pourquoi l’approche adoptée dépassera la modélisation des systèmes de justice constitutionnelle à  laquelle l’opposition entre Cour constitutionnelle et Cour suprême renvoie. L’analyse de la Cour suprême britannique confirme, nous le verrons, le caractère pédagogique, mais scientifiquement insatisfaisant[67] de la classification fondée sur les modèles américain et européen de justice constitutionnelle[68]. Selon cette présentation, le modèle américain est un système de justice constitutionnelle au sein duquel le contrôle de constitutionnalité est diffus, concret, par voie d’exception, s’exerçant a posteriori et à  l’origine de décisions ayant un effet inter partes. Le modèle européen se définit par des critères opposés en ce qu’il repose sur un contrôle de constitutionnalité concentré, abstrait, exercé par voie d’action et a priori conduisant à  des décisions ayant un effet erga omnes[69]. Sans s’inscrire dans une telle classification, l’étude de la Cour suprême du Royaume-Uni ne se privera pas de l’utilisation d’un certain nombre de critères sur lesquels elle est basée. Ils permettront de situer cette juridiction par rapport à  celles d’autres systèmes, sans pour autant en tirer de conclusion quant à  l’appartenance de cette juridiction à  un modèle.

L’objet de cette étude est, en effet, d’apprécier l’impact du CRA sur l’Appellate Committee de la Chambre des Lords devenu Cour suprême et de comparer ses caractéristiques institutionnelles et fonctionnelles avec celles des cours suprêmes et constitutionnelles afin d’en identifier la nature. Ces analyses seront l’occasion de déterminer, au regard des réformes introduites par le CRA, si la nature de cette juridiction a évolué « dans le temps » et de situer cette juridiction « dans l’espace » par rapport aux juridictions relevant d’autres systèmes constitutionnels. L’examen de l’expérience britannique contribue ainsi à  renouveler modestement le débat sur la notion de juge et de justice constitutionnelle.

L’apport du CRA est ambigu. Novateur par certains aspects, il est, par d’autres caractéristiques, seulement révélateur de ce qui existait déjà  à  l’époque de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords. Cette loi n’est donc pas, à  elle seule, à  l’origine des transformations que connaissait la Haute juridiction britannique depuis longtemps. Elle présente un double apport qui ne fait que s’inscrire dans un mouvement plus général de mutation du constitutionnalisme britannique résultant de réformes et évolutions antérieures.

Le premier apport de la loi sur la réforme constitutionnelle de 2005 est purement formel. La rénovation de l’organisation et du fonctionnement de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords « normalise » l’apparence de la Haute juridiction britannique. Elle se rapproche à  cet égard d’autres juridictions, aussi bien suprêmes que constitutionnelles, qui présentent, du point de vue formel, des caractéristiques communes. Ces convergences sont toutefois insuffisantes pour éclairer la nature précise de la Cour suprême (I). Une telle identification dépend davantage d’aspects fonctionnels, dont la modification constitue le second apport du CRA. Cette loi a transféré les attributions de la Chambre des Lords et du Privy Council en matière de dévolution au profit d’une seule et même institution. Par cette concentration de compétences, le CRA réduit la singularité de la Cour suprême en confortant des convergences déjà  existantes avec les fonctions d’autres Cours suprêmes (II).

I. La rénovation de l’organisation et du fonctionnement de l’ Appellate Committee de la Chambre des Lords : une « normalisation » formelle insuffisante

En cherchant à  rénover l’organisation et le fonctionnement de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords le CRA révèle un double discours. Tout en voulant moderniser l’institution, il témoigne d’une volonté de ne pas bousculer l’ordre établi[70]. Le CRA fait en quelque sorte « du neuf avec du vieux » en « dépoussiérant » l’Appellate Committee de la Chambre des Lords sans pour autant transformer radicalement ses principes d’organisation et de fonctionnement. Les modifications formelles apportées à  la Haute juridiction mettent, tout d’abord, en évidence l’ambiguïté de l’indépendance affichée de la Cour suprême (A). Elles modifient, par ailleurs, partiellement les garanties liées au statut des membres de la Cour suprême (B) et transforment, enfin, de façon limitée les modalités de prise de décision (C).

A) Un affichage ambigu de l’indépendance de la Cour suprême

S’expliquant par un objectif de transparence et de clarté institutionnelle[71], la création de la Cour suprême a notamment été justifiée par une volonté d’afficher l’indépendance structurelle de la Cour suprême. Le CRA consacre ainsi des règles assurant son indépendance administrative et réglementaire par rapport à  la formation parlementaire de la Chambre des Lords (1), faisant ainsi écho aux garanties d’indépendance dont bénéficient les juridictions suprêmes et constitutionnelles[72]. Cette convergence générale doit toutefois être relativisée en raison du caractère problématique de l’indépendance budgétaire de la Cour par rapport au Gouvernement (2).

1) La consécration de l’indépendance administrative et réglementaire

L’installation de la Cour suprême hors de l’enceinte du Parlement dans le bâtiment du Middlesex Guildhall sur Parliament Square, consacre au niveau géographique l’indépendance administrative de la Cour suprême. La clarification des rapports entre les formations juridictionnelles et parlementaires de la Chambre des Lords ne fait que consacrer au niveau institutionnel la réalité de la pratique existante. Il n’y a pas de changement fondamental quant à  la participation des Law Lords aux travaux législatifs et des Lords non judiciaires aux travaux juridictionnels.

Les dernières interventions des membres non judiciaires de la Chambre des Lords dans la prise de décision juridictionnelle remontent, en pratique, à  la moitié du XXe siècle[73]. L’Appellate Jurisdiction Act 1876 impose une présence exclusive de juristes au sein de la formation juridictionnelle de la Chambre des Lords, outre la présence du Lord Chancelier. Ces membres sont désignés par la Reine à  condition d’avoir détenu de « hautes fonctions judiciaires » ou d’être des membres de la formation parlementaire de la Chambre des Lords détenant ayant détenu de telles fonctions[74]. Ce n’est qu’en 2001, que le Lord Chancelier, Lord Irvine of Lairg, a siégé pour la dernière fois au sein de l’Appellate Committee en 2001 alors même qu’il était membre du Gouvernement[75]. Le CRA, qui met un terme à  cette participation, formalise donc ce qui existait déjà  dans les faits.

La participation des Law Lords aux travaux législatifs s’est également raréfiée en pratique. Jusqu’au début des années 1990, ils ont participé « librement et en grand nombre »[76] aux débats parlementaires ou ont siégé sans voter au sein de commissions[77]. Leurs interventions sont néanmoins devenues sporadiques. Après l’entrée en vigueur du Human Rights Act le 2 octobre 2000, ils se sont engagés sous la présidence de Lord Bingham of Cornhill, à  ne pas participer aux débats, à  ne pas voter lorsqu’une question soulève une controverse politique importante et à  ne pas exprimer publiquement une opinion sur une affaire susceptible d’être portée plus tard devant eux[78]. En supprimant le droit de siéger et de voter à  la Chambre des Lords, la section 137 du CRA entérine donc une convention constitutionnelle[79] puisque le divorce était déjà  existant dans les faits[80]. Il fallait cependant que le divorce soit non seulement réel mais aussi visible[81], à  défaut une simple modification du règlement de procédure, le standing order, aurait suffi[82]. La scission géographique des deux institutions a ainsi affiché cette indépendance aux yeux de tous.

Dotée d’un siège distinct du Parlement, la Cour suprême dispose également d’un personnel propre alors qu’elle était autrefois dépendante, au niveau administratif, du personnel de la Chambre des Lords. Celui-ci est désormais recruté au sein du Civil service et géré par le Président de la Cour, seul ou en collaboration avec le Lord Chancelier[83]. Le Secrétaire général, auquel le Président peut déléguer des fonctions non-judiciaires ou de désignation du personnel, est nommé par le Lord Chancelier après consultation du Président de la Cour suprême. Les agents administratifs sont, en revanche, désignés par le seul Président de la Cour. Leur nombre et les conditions de leur recrutement sont décidés par le Secrétaire général avec l’accord du Lord Chancelier. L’implication du Lord Chancelier semble en quelque sorte déplacer le pôle de dépendance administrative de la Haute juridiction du Parlement vers le Gouvernement. Néanmoins, le fait que le personnel de la Cour doive accomplir sa tâche en accord avec les directives du Président de la Cour et soit responsable uniquement devant lui garantit l’autonomie administrative de la juridiction.

La section 45(1) du CRA consacre également une autonomie dans l’établissement des règles de procédure qui relèvent de la compétence du Président de la Cour suprême après consultation du Lord Chancelier, des barreaux et Sociétés du droit anglais et gallois, écossais et nord-irlandais. Le Supreme Court rule 2009, adopté par le Parlement le 1er juillet 2009[84] et complété par des Directives établies par le Président de la Cour suprême, s’est substitué aux règles internes de la Chambre des Lords, les Civil, Criminal and Taxation Practice Directions and Standing Orders, qui organisaient jusque-là  les procédures devant l’Appellate Committee de la Chambre des Lords. La validation ministérielle des règles de procédure envisagée, à  l’origine, par le projet de loi, qui n’aurait fait que déplacer au profit du Gouvernement la dépendance réglementaire de la haute juridiction a heureusement été abandonnée[85]. L’apport du nouveau règlement est néanmoins limité sur le fond puisqu’il reprend, pour l’essentiel[86], les règles procédurales qui s’appliquaient devant la Chambre des Lords à  l’exclusion de certaines conventions et pratiques qui s’appliquaient en raison de l’appartenance de l’Appellate Committee à  la Chambre haute du Parlement. Sur la forme, les procédures ont perdu en solennité mais elles ont gagné en accessibilité et en transparence. La section 45(3) du CRA impose, en effet, que la Cour soit « accessible, juste et efficace » et que les règles de procédure soient « simples et exprimées simplement ». Ces éléments révèlent une volonté d’assurer une proximité entre la Cour et les justiciables et de démocratiser cette nouvelle institution afin d’en asseoir la légitimité.

2) Les limites de l’indépendance budgétaire

Le financement de la Haute juridiction a fait l’objet d’une modification assez importante en passant d’un système de financement assuré par le Parlement à  un système contrôlé par le Gouvernement. L’Appellate Committee était jusque là  financé par le budget de l’Assemblée parlementaire de la Chambre des Lords qui pouvait garantir un montant de budget illimité à  condition que les Lords parviennent à  convaincre les Communes. L’indépendance financière de l’Appellate Committee, placée sous la responsabilité de la Chambre des Lords, est désormais confiée au Lord Chancelier par la Section 50(1)(b) du CRA. Ce dernier est tenu de s’assurer que la Cour suprême dispose de ressources qu’il estime « appropriées » pour accomplir ses fonctions. La mouture finale du texte de loi illustre un recul des garanties d’indépendance financière de la Cour suprême. Contrairement à  ce que préconisait le Select Committe, la Cour suprême n’est pas libre de traiter directement avec le Trésor puisque son budget est sous la responsabilité du Ministère de la justice[87]. Compte tenu de cette situation, le Président de la Cour suprême a estimé que ce dispositif ne garantissait pas de façon satisfaisante son indépendance puisqu’elle dépend de sa faculté de persuasion du Lord Chancelier[88] qui lui a demandé, en des termes apparemment « péremptoires », de faire un certain nombre d’économies[89]. Le CRA révèle, sur cet aspect, un paradoxe. Sa section 3(1) impose au Lord Chancelier, aux autres ministres de la Couronne et à  tous ceux qui ont des responsabilités en matière de justice ou d’administration de la justice de défendre l’indépendance durable du pouvoir judiciaire, mais est dans le même temps susceptible d’affecter les garanties financières jusque là  accordées à  la Haute juridiction pour des raisons de politique budgétaire. La dissociation entre l’Appellate Committee et la Chambre législative a rendu son indépendance plus visible, par rapport au Parlement, mais sans doute moins réelle par rapport au Gouvernement. Quoiqu’il en soit, le lien budgétaire entre certaines juridictions constitutionnelles et le Gouvernement existe dans d’autres systèmes. Il faut donc relativiser la portée de cette caractéristique, qui variera selon la nature des systèmes constitutionnels et des procédures budgétaires. Si aux États-Unis, le budget de la branche judiciaire dont la Cour suprême est la plus haute émanation dépend essentiellement du Congrès qui détient « le pouvoir financier, souvent appelé pouvoir de la bourse (power of the purse) »[90], la Cour constitutionnelle autrichienne dépend par exemple, dans son administration de la Chancellerie. Comme l’indique le Professeur Wanda Mastor « le personnel est nommé par le chancelier et le budget est établi dans le cadre du budget annuel de la Fédération par le Conseil national ». A l’inverse la Cour constitutionnelle allemande « bénéficie d’une autonomie complète sur le plan administratif et financier »[91]. L’effectivité de l’autonomie budgétaire de la Cour suprême du Royaume-Uni sera, en définitive, conditionnée par la pratique.

B) Une modification partielle du statut des membres

Le CRA a partiellement modifié le statut des membres de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords. Comparables sous plusieurs aspect à  celles reconnues aux membres d’autres Cours suprêmes et constitutionnelles, les garanties d’indépendance entourant le mandat des membres de la juridiction sont maintenues (1). Le CRA a, en revanche, modifié les modalités de désignation des membres sans en bouleverser les principes (2).

1) Le maintien des garanties d’indépendance

Il est, tout d’abord, intéressant de noter, du point de vue des seules apparences, que les douze membres de la Cour suprême du Royaume-Uni sont désormais appelés collectivement Justices[92] à  l’instar des membres de la Cour suprême américaine. Ils persistent cependant à  s’appeler Lords dans leurs jugements, témoignant ainsi de l’ambivalence de l’apport du CRA. Ce point de convergence formel s’ajoute à  un mandat dont les caractéristiques sont proches de celles des Justices américains. La section 33 du CRA reprend les règles régissant le mandat des Law Lords posées par la section 6 de l’Appellate Jurisdiction Act 1876 et la section 3 de l’Acte d’établissement de 1701 consacrant des principes similaires à  ceux de l’article III, section 1 de la Constitution américaine ou de la section 125(2) de la Constitution indienne. A l’instar de leurs homologues américains et indiens les Justices de la Cour suprême du Royaume-Uni disposent d’un traitement – identique à  celui des Lords of Appeal in Ordinary – dont le montant ne peut être réduit. Ils ont, par ailleurs, l’assurance de rester en fonction tant qu’ils auront une bonne conduite. Ils bénéficient ainsi d’une inamovibilité de fait et ne peuvent être démis de leur fonction que par une adresse des deux Chambres. Cette procédure, qui existe également pour les membres de la Cour suprême indienne et canadienne[93], n’a, en pratique, jamais été mise en oeuvre.

2) La réforme des modalités de désignation

Le processus de désignation des juges prévu par le CRA formalise et complète les principes existants. Il vise à  mettre un terme à  la suspicion entourant la nomination des Law Lords et à  rendre ce processus plus transparent afin d’asseoir la légitimité des membres de la Cour.

Jusqu’au CRA, les Lords of Appeal in Ordinary étaient désignés par la Reine sur recommandation du Premier ministre qui agissait sur les conseils du Lord Chancelier. Ce dernier réalisait la sélection des candidats en coopération avec les membres de la profession judiciaire. Ce processus de consultation, assez opaque malgré certaines évolutions[94], pérennisait une corporation judiciaire basée sur le même moule. La désignation des juges de la Cour suprême est dorénavant précédée d’un processus de sélection conduit par une Commission composée de cinq membres[95]. Contrairement au silence de la Constitution américaine ou française, le CRA exige que les candidats aient certaines qualifications juridiques[96], à  l’instar des règles régissant la composition de certaines Cours constitutionnelles européennes[97] ou des Cours suprêmes canadienne et indienne[98]. La Commission de sélection réalise un rapport à  l’intention du Lord Chancelier, après diverses consultations[99]. Le Lord Chancelier est ensuite chargé de recommander ce candidat au Premier ministre en vue de sa désignation par la Reine et dispose d’un droit de veto limité. Une fois le candidat choisi par la Commission de sélection, le Lord Chancelier pourra accepter la proposition de la Commission, la rejeter ou demander à  la Commission de considérer de nouveau son choix s’il ne l’estime pas approprié. A l’instar des membres de la Cour suprême indienne la procédure associe les juges à  une désignation par l’organe exécutif[100], mais en exclut le Parlement. En effet, si l’idée d’auditions de confirmation devant les commissions parlementaires[101], telles qu’elles existent aux États-Unis a été émise, elle a rapidement été écartée. Le Gouvernement, les commissions parlementaires[102], le Président de la Cour suprême et le Master of the Rolls s’y sont opposés de crainte que la désignation des juges ne soit trop politisée[103].

Composée, lors de son installation des anciens Law Lords[104] et excluant la présence du Lord Chancelier[105], la Cour doit, à  l’instar de certaines Cours suprêmes et constitutionnelles, avoir une composition marquée par une certaine diversité, qui est cependant limitée dans les textes à  une dimension géographique. La commission de sélection intervenant dans le processus de désignation doit veiller à  ce que les candidats aient des connaissances et une expérience pratique du droit de l’ensemble des territoires britanniques[106]. Est ainsi consacrée une convention qui imposait la présence de juges écossais et nord-irlandais au sein de la juridiction suprême. Une représentativité géographique des juges existe donc, comme au Canada, en Belgique[107] ou aux États-Unis jusqu’en 1891[108]. La représentativité sociale, notamment en terme de présence féminine, reste encore lacunaire, par rapport à  celle du Canada ou des États-Unis[109]. A l’exception de la première et seule femme, la Baroness Hale of Richmond, à  avoir été désignée à  cette fonction les membres de la Cour suprême sont des hommes blancs, issus de classes sociales élevées, ce que semble regretter le Président de la Cour suprême lui-même[110] et qui en fragilise la légitimité.

C) Une transformation limitée de la prise de décision

La pratique qui a accompagné l’instauration de la Cour suprême révèle une transformation relative de la prise de décision. Sur la forme, on constate une nouvelle rédaction des arrêts inspirée de ceux de la Cour suprême américaine (1). Le CRA a, par ailleurs, réduit, sans l’effacer, l’incertitude entourant les critères de composition des formations de jugement maintenant ainsi une pratique originale par rapport à  celles d’autres juridictions (2).

1) Une nouvelle rédaction des arrêts

L’Appellate Committee de la Chambre des Lords rendait des jugements seriatim qui ne contenaient pas de motivation unique et collégiale[111]. Marqués par la pratique parlementaire dont il était l’une des commissions, les arrêts de l’Appellate Committe étaient composés des différentes « opinions » de ses membres. Il ne s’agissait pas de jugements, car les Lords of Appeal étaient historiquement considérés comme membres d’une commission conseillant la Chambre au nom de laquelle le jugement était rendu. La motivation des jugements se trouvait donc dans les différentes opinions des Law Lords rendues les unes après les autres par ordre d’ancienneté[112].

La forme des décisions de la Cour suprême[113] est désormais similaire à  celles de la Cour suprême américaine[114]. Les Lords ont rejeté l’idée d’un jugement unique, mais ont opté pour la technique américaine du « jugement de la Cour ». Les décisions peuvent désormais être rendues au nom de la Cour unanime par un[115] ou plusieurs Justices[116]. La longueur des décisions est ainsi réduite ce qui en favorise l’accessibilité. Il est ainsi plus aisé de trouver le ratio decidendi d’un jugement rendu « au nom de la Cour » que de plusieurs opinions rendues les unes à  la suite des autres. Lorsque la Cour n’est pas unanime, s’ajoutent à  l’opinion majoritaire des opinions qualifiées d’« individuelles »[117] ou « concordantes »[118], approuvant la décision majoritaire pour d’autres motifs et des opinions dissidentes, qui s’écartent aussi bien des motifs que du dispositif de la décision. En pratique, parmi les cinquante sept premières décisions rendues au cours de la première année d’exercice de la Cour[119], vingt étaient des jugements de la Cour[120] et onze contenaient des opinions solidaires dans lesquelles les juges ne font qu’« apposer leur signature à  une opinion rédigée par un ou plusieurs autres juges »[121]. L’importance de ce type de décision témoigne du développement de la collégialité au sein de cette nouvelle juridiction[122]. Ce nouveau formalisme dans la présentation des décisions n’a pas eu d’impact sur le fond des décisions ni sur la pratique des opinions dissidentes formulées par les juges puisqu’elles sont proportionnellement aussi nombreuses que devant la Chambre des Lords, mais semble-t-il moins nombreuses que celles que l’on trouve dans d’autres Cours suprêmes, telle qu’aux États-Unis, au Canada et en Australie[123].

2) L’incertitude entourant les critères de composition des formations de jugement

Contrairement à  ce qui prévaut devant les Cours suprêmes américaine et canadienne ou devant les Cours constitutionnelles autrichienne, italienne ainsi qu’espagnole et portugaise (pour certaines affaires seulement), la Cour suprême britannique ne siège ni en formation plénière ni en chambre, comme c’est le cas en Allemagne, en Belgique, en Espagne et au Portugal pour certaines affaires[124]. Les affaires sont, comme devant la Cour suprême indienne[125], entendues par des formations de jugement dont la composition est variable. Les sections 42 et 43 du CRA ont repris les conventions préexistantes devant la Chambre des Lords et permettent, en multipliant les formations, l’examen d’un plus grand nombre d’appels. Les formations peuvent être composées d’un nombre variable de juges : trois au minimum, cinq, sept ou neuf Justices lorsque l’affaire soulève des questions importantes[126]. Ni le CRA, ni les Rules of the Supreme Court 2009[127], ni les Practice Directions adoptées par le Président de la Cour suprême n’ont établi de critères précis de sélection des formations de jugement. Ces derniers, qui ne sont mentionnés qu’à  titre indicatif sur le site internet de la Cour suprême, précisent que les cas dans lesquels une formation de plus de cinq juges devra siéger sont : un revirement de jurisprudence, des affaires soulevant des questions de haute importance constitutionnelle ou ayant une importance publique, les affaires concernant un conflit entre des décisions de la Chambre des Lords, de la Cour suprême et du Privy Council et les affaires soulevant une question importante relative à  la Convention européenne des droits de l’homme. Le choix de la composition des formations de jugement reprend certains aspects de la pratique de l’Appellate Committee. Elles étaient choisies par les Clerks du Judicial Office de la Chambre des Lords et du Privy Council sous le contrôle de deux Senior Law Lords[128], le Lord Chancelier pouvait également intervenir afin de sélectionner les formations. Désormais placée sous le contrôle du Président et du Vice-président, la composition persiste à  tenir compte des domaines de compétences de chaque Law Lord et de leur origine géographique[129].

Compte tenu du manque de clarté des critères conditionnant la constitution des formations de jugement, des auteurs et des juges[130] ont plaidé en faveur de formations plénières, plus larges afin de garantir davantage de transparence et de « légitimité démocratique »[131] dans le traitement des décisions. D’autres observateurs ont proposé que les formations de jugement soient composées sur la base du hasard ou d’un roulement[132]. Bien que certains Lords ont admis qu’un changement de composition de la formation de jugement aurait pu modifier le contenu de la décision[133], le choix des panels persiste à  être dominé par l’exercice d’un certain pouvoir discrétionnaire, ce qui peut affecter l’autorité et la légitimité des décisions.

En définitive, les rénovations formelles de la Cour suprême témoignent de l’ambivalence de l’apport du CRA. Vecteur de changement sous couvert d’une certaine continuité, cette loi a formalisé, en les précisant et en les clarifiant, des règles déjà  latentes à  l’époque de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords. Cette officialisation change la perception de la Cour suprême, sans pour autant en asseoir incontestablement la légitimité. Marquée par la persistance de spécificités, la Cour suprême révèle un rapprochement, d’une intensité variable, avec les caractéristiques institutionnelles de certaines Cours, aussi bien suprêmes que constitutionnelles. Les nouvelles règles d’organisation et de fonctionnement ne sont donc pas décisives pour identifier la nature de la Cour suprême car elles existent sous des formes comparables devant ces deux types de juridiction. C’est donc vers les compétences de la Cour suprême qu’il convient de se tourner.

II. La concentration de compétences au profit de la Cour suprême : une singularité fonctionnelle déclinante

Selon Lord Hope, la Cour suprême « n’a pas été configurée sur le modèle de la Cour suprême des États-Unis – [..] il s’est simplement agi d’un changement de nom, et non pas d’un changement de fonctions ou de compétences »[134]. A l’en croire, l’apport du CRA sur les fonctions de la Haute juridiction serait minime. Lord Phillips indique dans le même sens que « Les Law Lords qui deviendront les premiers juges de la Cour suprême seront dotés strictement de la même compétence que celle qui est la leur aujourd’hui »[135]. Pourtant, le CRA ne s’est pas limité au transfert de compétences, déjà  originales, de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords vers la Cour suprême. Il a opéré un changement important en lui attribuant les compétences auparavant exercées par le Privy Council en matière de dévolution. Dans quelle mesure de telles fonctions correspondent-t-elles à  celles exercées par une Cour suprême – qui est un juge suprême et constitutionnel – lorsqu’elle est entendue comme une juridiction placée au sommet d’une hiérarchie de juridictions qui peut trancher en dernier ressort une diversité de contentieux, dont le contentieux constitutionnel et qui assure « la cohérence dans l’application du droit »[136] ? La concentration de compétences au profit de la Cour suprême perpétue les anciennes attributions de la Chambre des Lords et développe, à  travers le contentieux de la dévolution, ses fonctions de juridiction suprême et constitutionnelle[137]. Dès lors, le CRA réduit, sans les effacer, les spécificités fonctionnelles de la Haute juridiction. Il fait de la Cour suprême tant une juridiction suprême atypique (A) qu’une juridiction constitutionnelle singulière (B), qui reflète les transformations préexistantes du constitutionnalisme britannique. Le parachèvement de la nature de la Cour suprême et sa complète métamorphose dépendront de l’approfondissement de ces mutations constitutionnelles (C).

A) Une juridiction suprême atypique

Le CRA n’a pas véritablement « créé » de Cour suprême au Royaume-Uni puisqu’il a perpétué les compétences de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords en les attribuant à  une juridiction nouvellement dénommée ayant une même place dans l’ordre juridictionnel. Lord Wilberforce, Président de l’Appellate Committee, affirmait en 1978 qu’« Au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, un État dénué de constitution écrite, les fonctions de cour suprême sont remplies par la Chambre des Lords », tempérant immédiatement son propos en indiquant « Cette simple constatation, à  laquelle des nuances seront apportées par la suite, révèle immédiatement le caractère unique de l’institution »[138]. La Cour suprême est donc, à  l’instar de la Chambre des Lords, une juridiction suprême atypique puisqu’elle maintient la compétence de dernier ressort à  « géométrie variable » de sa devancière (1). L’attribution du contentieux de la dévolution tend cependant à  réduire cette spécificité en développant indirectement les compétences de dernier ressort de la Cour suprême (2).

1) Le maintien d’une compétence de dernier ressort à  « géométrie variable »

Avant l’entrée en vigueur du CRA, certaines Cours étaient qualifiées de suprêmes sans en avoir les fonctions. Plusieurs textes de lois ont donné le titre de Cour suprême à  la Haute Cour et à  la Cour d’appel en Angleterre et au Pays de Galles[139]. En Irlande du Nord, existait la Supreme Court of Judicature[140], composée de la Cour d’appel, de la Haute Cour et de la Crown Court Nord-Irlandaises. En Ecosse, la Court of Session et la High Court of Justiciary, juridictions statuant respectivement sur les appels civils et pénaux, étaient également appelées Cours suprêmes[141]. Ces cours n’avaient, en réalité de suprême que le nom puisque parmi toutes ces juridictions, seule la High Court of Justiciary statuait (et statue toujours) en dernier ressort en Ecosse[142]. Les décisions de toutes les autres juridictions étaient susceptibles de faire l’objet d’un appel devant l’Appellate Committee de la Chambre des Lords qui statuait en dernier ressort et était à  cet égard une Cour suprême qui n’en avait pas la dénomination.

Qualifiée par la Section 40 du CRA de « superior court of record »[143], la Cour suprême est, à  l’instar de la Chambre des Lords, une juridiction d’appel de dernier ressort[144]. Elle peut, comme d’autres Cours suprêmes[145] et bien qu’elle ne le fasse plus toujours en pratique, examiner « en appel l’ensemble des points de droit et des points de fait que soulève une affaire »[146]. Elle ne se limite donc pas à  être un juge de cassation et dispose d’un « pouvoir de juridiction total »[147]. Elle statue, à  l’instar de la Cour suprême américaine[148], sur la base de la common law, mais aussi de l’equity depuis la fin du XVIIe siècle[149].

Si cette compétence est étendue en pratique, elle n’est ni exclusive, ni exhaustive. Sa plénitude de compétence de dernier ressort pose certaines difficultés en l’absence d’un droit comparable à  un droit fédéral ou à  un droit de common law unifié[150] résultant de l’existence de systèmes juridictionnels différents en Angleterre, en Ecosse et en Irlande du Nord. La section 41(1) du CRA indique bien que les dispositions relatives aux compétences de la Cour n’affectent « pas la distinction entre les systèmes juridiques séparés des différentes parties du Royaume-Uni ».

Reprenant les compétences de la Chambre des Lords en vertu des Appellate Jurisdiction Acts de 1876 et de 1888, la Cour suprême est chargée d’examiner les appels en matière civile de la Cour d’Appel et de la Haute Cour anglaise et galloise, nord-irlandaise et de la Court of Session écossaise ainsi que des appels en matière pénale des mêmes juridictions à  l’exception de l’Ecosse[151]. En effet, les appels en matière pénale continuent de relever, en dernier ressort, de la compétence de la High Court of Justiciary écossaise et ne sont susceptibles d’aucun recours[152]. Par ailleurs, ses décisions ont une autorité de chose jugée géographiquement circonscrite à  l’ordre juridictionnel du territoire concerné[153] et une autorité seulement persuasive pour les juridictions des autres territoires. La Cour est, en quelque sorte, une Cour, suprême régionalisée de chacun des territoires qui composent le Royaume-Uni, à  l’exception partielle de l’Ecosse. Cour suprême d’Angleterre, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord aussi bien en matière civile que pénale, elle n’est qu’une Cour suprême civile pour l’Ecosse. Elle n’est donc pas juridiquement une Cour suprême de l’ensemble du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Sa mission « de veiller à  la bonne application des règles juridiques par les juridictions inférieures »[154] est ainsi morcelée entre chacun des ordres juridictionnels qui composent le Royaume-Uni, ce qui en fait une Cour suprême protéiforme.

Par ailleurs, en dépit du transfert du contentieux de la dévolution à  la Cour suprême, la Commission judiciaire du Conseil privé de la Reine, Judicial Committee du Privy Council, reste compétente pour les appels des États membres du Commonwealth qui l’acceptent, des territoires d’outre-mer britanniques, des îles dépendantes de la Couronne et des zones dans lesquelles existe une bases militaires britanniques souveraines comme en Chypre. Certes, les membres de la Cour suprême sont également membres du Privy Council, mais la Cour est bien, en pratique, concurrencée par une autre juridiction suprême pour ces divers contentieux. Sa compétence de dernier ressort à  géométrie variable et territorialement limitée fait donc obstacle à  une qualification indiscutable de Cour suprême.

Outre le contentieux civil ou pénal, la Cour suprême s’est vue transférer d’autres compétences exercées par la Chambre des Lords parmi lesquelles on trouve notamment les contentieux militaires ou maritimes[155]. Elle peut entendre les appels des décisions de la Cour d’appel martiale[156] et également connaître en dernier ressort des décisions des Cours maritimes qui font partie de la Queen’s Bench Division de la Haute Cour puisque leurs décisions sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel, puis devant la Cour suprême. Là  encore, certains litiges maritimes spécifiques échappent à  la Cour suprême et relèvent de la compétence du Privy Council. Il s’agit des appels des décisions des Prize Courts qui sont des juridictions statuant sur des questions de saisie et de capture de navires en temps de guerre et des décisions de la Court of Admiralty de Cinque Port, qui est une province militaire et administrative particulière.

La Cour suprême ne dispose, par ailleurs, d’aucune compétence en matière ecclésiastique ni sur des décisions rendues par certains corps professionnels. Le Privy Council est, en effet, encore compétent pour examiner les appels des décisions de Cours ecclésiastiques[157], de la Commission disciplinaire du Collège Royal des chirurgiens ainsi que les appels contre certaines réglementations des Church Commissionners chargés de gérer le patrimoine de l’Eglise d’Angleterre et contre les litiges relatifs aux incompatibilités parlementaires prévues par le House of Commons Disqualification Act 1975.

Ces éléments révèlent l’absence de compétence uniforme de la Cour pour statuer en dernier ressort. Comme la Chambre des Lords, la Cour suprême « est presque la seule cour d’appel suprême de la nation »[158], mais elle n’est pas la seule puisqu’à  ses côtés officie également le Privy Council. Cependant, la rareté et la spécificité du contentieux ecclésiastique et médical, nuance cette absence de monopole de la Cour suprême. On peut considérer, qu’elle est, en pratique, si ce n’est en théorie, majoritairement compétente en dernier ressort pour le territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Par ailleurs, le fait que les membres du Conseil privé sont aussi membres de la Cour suprême montre que, dans les faits, ce sont les mêmes juges examinent les appels des affaires en provenance des États du Commonwealth qui l’acceptent ainsi que des territoires ou protectorat. C’est à  condition de réunir ces attributions au sein d’une seule et même juridiction et de lui accorder une compétence pour le contentieux pénal écossais que la juridiction de dernier appel de la Cour suprême répondrait à  celles d’une juridiction pleinement suprême pour le Royaume-Uni et le Commonwealth.

2) Le contentieux de la dévolution, facteur indirect de développement des compétences de dernier ressort

Le transfert des attributions du Privy Council à  la Cour suprême en matière de dévolution a indirectement remis en cause son incompétence pour se prononcer en appel sur le contentieux pénal écossais[159]. La juridiction de la Cour suprême s’étend désormais de facto à  ce contentieux par le biais de ses fonctions en matière de dévolution. Ces fonctions lui permettent de se prononcer, d’une part, sur la méconnaissance par un projet d’acte ou par un acte promulgué d’une entité dévolue des règles de répartition des compétences prévues par les lois de dévolution. Elle est, d’autre part, chargée de se prononcer sur la conformité de ces mêmes actes promulgués aux droits de l’Union européenne et de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui constituent des « questions de dévolution »[160].

Ainsi, des litiges relatifs à  la répartition des compétences entre Westminster et les entités dévolues peuvent, tout d’abord, concerner des affaires pénales écossaises. Dans la décision Martin et Miller[161] la Cour suprême a examiné si l’augmentation des pouvoirs de sanction pénale des Scheriffs résultant d’une modification de la section 45 du Criminal Proceedings etc (Reform) (Scotland) Act 2007 relevait bien de la compétence du Parlement écossais. Elle a répondu par l’affirmative, jugeant que cette disposition qui impose une peine d’emprisonnement pour conduite sans permis n’outrepassait pas la compétence législative du Parlement écossais en matière pénale.

Ce sont, par ailleurs, surtout les litiges portant sur le respect des droits conventionnels par les autorités dévolues qui ont donné à  la Cour suprême l’occasion d’investir le contentieux pénal écossais en tant que Cour de dernier ressort. La Cour suprême britannique dans l’affaire Cadder v. HM Advocate du 26 octobre 2010[162] a jugé que l’utilisation par le Lord advocate d’aveux obtenus en garde à  vue sans l’assistance d’un avocat méconnaissait l’article 6(3)(c) et 6(1) de la CEDH. Elle également jugé qu’une condamnation pour meurtre prononcée par la High Court of Justiciary en l’absence de divulgation par la Couronne de l’ensemble des informations et preuves à  l’encontre du prévenu soulevait une contrariété avec l’article 6(1) CEDH[163]. La Cour suprême a considéré que cette condamnation devait être de nouveau examinée par la juridiction écossaise qui n’avait pas mis en œuvre le bon standard de contrôle. En pratique, le contentieux pénal écossais n’est donc plus hors de portée de la Cour suprême. Ses compétences constitutionnelles en matière de dévolution ont influencé sa compétence de dernier ressort puisqu’elle devient une juridiction de dernier ressort en matière pénale lorsque la dévolution est en cause. Dans ce domaine, la Cour rend des décisions ayant une autorité sur tout le territoire britannique. Elle est ainsi, à  proprement parler, une juridiction suprême pour l’ensemble du Royaume-Uni dans le cadre limité du contentieux de la dévolution. Facteur indirect de développement des compétences de cette juridiction suprême atypique, le contentieux de la dévolution présente des répercussions plus directes sur les compétences de cette juridiction constitutionnelle singulière.

B) Une juridiction constitutionnelle singulière

Compte tenu de ses attributions de juridiction suprême, la Cour au Royaume-Uni ne correspond tout d’abord pas à  une Cour constitutionnelle définie, au sens strict, comme une juridiction exclusivement spécialisée dans le contentieux constitutionnel et située hors de l’appareil juridictionnel ordinaire[164]. Elle n’en dispose pas moins de compétences constitutionnelles originales autrefois exercées par la Chambre des Lords (1). Par ailleurs, en attribuant les compétences du Privy Council en matière de dévolution à  la Cour suprême, la section 41(4)(b) CRA lui confère une fonction de contrôle de la répartition des compétences territoriales s’accompagnant d’un contrôle de constitutionnalité des actes des entités dévolues, que l’on retrouve devant des juridictions constitutionnelles, quelles qu’elles soient[165]. En développant directement ses compétences constitutionnelles, cette nouvelle attribution rapproche la Cour suprême au Royaume-Uni d’autres juridictions constitutionnelles et réduit, par là  même, ses spécificités (2).

1) Le maintien de compétences constitutionnelles originales

L’existence de compétences constitutionnelles de la Cour suprême est, pour ceux qui limitent à  tort de telles compétences à  la seule possibilité d’écarter une loi inconstitutionnelle, sujette à  caution. Ainsi, A. Stevens indique que « La nouvelle appellation de cette juridiction est certes logique, puisqu’elle est la juridiction suprême (c’est-à -dire la plus élevée) dont les décisions sont insusceptibles d’appel, mais elle peut également être trompeuse car elle invite à  la comparaison avec d’autres Cours suprêmes qui, elles, sont dotées de fonctions constitutionnelles. Or la nouvelle Cour suprême du Royaume-Uni n’est investie d’aucune fonction autre que celles déjà  dévolues aux Lords of Appeal in Ordinary et ne pourra pas contrôler la validité ou la « constitutionnalité » d’une loi »[166]. Plusieurs Law lords se sont d’ailleurs basés sur cette idée pour souligner la principale différence entre la Cour suprême du Royaume-Uni et la Cour suprême américaine. Lord Mance insiste sur le fait que, la Cour suprême, ni aucune autre juridiction britannique n’a le pouvoir de refuser l’application d’une loi considérée comme inconstitutionnelle[167]. Lord Bingham a évoqué, à  propos de la comparaison dressée avec la Cour suprême américaine, le fait que « trop de personnes, en citant la Cour suprême, évoquent des images de la Cour suprême la plus connue dans le monde, c’est-à -dire celle des États-Unis, écartant l’application d’une loi du Congrès et affirmant la primauté de la Constitution. Il faut préciser que la Cour suprême du Royaume-Uni ne pourra jamais prétendre exercer un tel pouvoir »[168].

Bien qu’il en constitue un élément essentiel, le contentieux constitutionnel ne se limite pas au pouvoir d’annuler ou d’écarter une loi dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Il recouvre également le contrôle de la répartition des compétences entre les entités territoriales de l’État et entre organes politiques de l’État, le contrôle des élections ou des consultations populaires, la justice politique et la garantie des droits fondamentaux[169]. Dans cette perspective, il apparaît que la Cour suprême britannique dispose bien de fonctions constitutionnelles – certes originales – qui s’étendent, comme devant certaines juridictions constitutionnelles, à  certaines de ces compétences seulement[170]. Reflétant les spécificités du cadre constitutionnel souple du Royaume-Uni, fondé sur les conventions de la Constitution, les règles de « strict law » que sont la jurisprudence et les lois ayant une portée constitutionnelle[171], ces attributions résident en un contrôle de constitutionnalité des lois spécifique principalement axé sur de la garantie des droits fondamentaux et en des compétences extérieures à  un tel contrôle.

La Cour suprême dispose, en premier lieu, de compétences originales dans le domaine du contrôle des normes et de la garantie des droits fondamentaux, souvent présentés comme les fonctions essentielles des juridictions constitutionnelles. Si le contrôle des actes infra-législatifs ne pose pas de difficulté particulière, celle du contrôle des lois se heurte au principe de souveraineté du Parlement qui empêche, en principe, toute juridiction d’écarter, d’abroger ou d’annuler une loi. Ce principe connaît cependant une érosion progressive résultant de l’insertion du Royaume-Uni dans le cadre européen. Les juges britanniques peuvent, en effet, depuis l’arrêt Factortame[172] et en vertu du European Communities Act 1972 écarter des lois contraires au droit de l’Union européenne. Avec l’adoption du Human Rights Act 1998, ils sont également compétents pour contrôler des lois par rapport à  la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH) et les déclarer incompatibles avec les droits qu’elle reconnaît. Est ainsi apparu au Royaume-Uni un contrôle de constitutionnalité des lois original, limité et européanisé.

Ce contrôle de constitutionnalité est, tout d’abord, original en ce que le HRA 1998 et le EC Act 1972 sont matériellement des éléments de la Constitution souple du Royaume-Uni, mais elles se distinguent également, formellement des lois ordinaires si l’on suit la décision de la High Court, Thoburn v. Sunderland City Court[173]. Le juge Laws a reconnu, dans cette affaire, l’existence de lois « constitutionnelles », au nombre desquelles on trouve le EC Act 1972 et le HRA 1998 aux côtés de lois historiques telles que la Magna Carta 1215, le Bill of Rights 1688, le Petition of Rights 1628, l’Act of Settlement 1701 et les Parliaments Act 1911. Le régime de ces lois « constitutionnelles » diffère de celui des lois ordinaires puisqu’elles font exception à  la doctrine de l’abrogation implicite. Elles ne peuvent être abrogées que de façon expresse par le législateur. La modification de telles lois est donc réalisée selon une procédure « exceptionnelle »[174] qui peut laisser percevoir une distinction formelle entre lois ordinaires et constitutionnelles au Royaume-Uni. Il apparaît ainsi une formalisation, une « rigidification » des lois composant la Constitution britannique.

Ce contrôle est, ensuite, limité dans son champ d’application au droit européen. Depuis la décision Factortame, dans laquelle la Chambre des Lords a reconnu la possibilité de suspendre une loi, les juridictions britanniques n’hésitent plus à  ne pas appliquer des lois contraires au droit de l’Union européenne[175]. Elle effectue, dans ce domaine, un véritable contrôle de la loi dont les effets sont comparables au contrôle effectué dans le système américain puisque la loi est privée d’effet en l’espèce et non pas abrogée ou annulée comme devant certaines Cours constitutionnelles. Pour l’heure, la Cour suprême n’a pas eu l’occasion d’effectuer un tel contrôle, mais a notamment été amenée à  contrôler la validité d’un mandat d’arrêt européen[176], à  interpréter une directive européenne sur l’habitat[177] et à  juger non-discriminatoires les conditions d’attribution préférentielles au bénéfice des citoyens irlandais d’une allocation, le State pension Credit[178].

Le contrôle juridictionnel des lois est également limité au champ d’application du droit de la Convention européenne des droits de l’homme avec le HRA. Dans ce cadre particulier, le contrôle exercé est d’une portée limitée. Le HRA 1998, entré en vigueur le 2 octobre 2000, a incorporé la plupart[179] des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’ordre juridique britannique et introduit une forme originale de contrôle de la loi. Depuis maintenant plus de dix ans, certaines Cours britanniques, dont la Cour suprême, ne parvenant pas à  interpréter une législation primaire ou subordonnée[180] conformément aux droits conventionnels, sont compétentes pour prononcer une déclaration d’incompatibilité. Si toutes les juridictions peuvent effectuer une interprétation des lois conforme à  la CEDH[181], seules les plus Hautes juridictions[182] sont compétentes pour prononcer une déclaration d’incompatibilité qui n’affecte pas « la validité, le maintien en vigueur ou la mise en œuvre de la disposition législative »[183]. Une telle déclaration ne donne en aucun cas la possibilité au juge d’écarter les lois en contrariété avec le HRA en raison du principe de souveraineté parlementaire. Elle constitue une invitation à  l’attention des autorités politiques de modifier la disposition législative dont la contrariété a été dénoncée. Il s’agit d’une décision juridictionnelle qui n’a pas d’effet juridique sur la loi dont la contrariété a été constatée, mais qui est susceptible d’avoir des effets politiques si le Gouvernement propose de corriger l’incompatibilité par la voie législative ordinaire ou par une procédure de remedial order[184]. Tout en cherchant à  sauvegarder le principe de souveraineté parlementaire, cette procédure autorise les cours à  contrôler les lois. Apparaît ainsi un contrôle juridictionnel des lois original, que plusieurs auteurs et certains juges ont comparé au contrôle de constitutionnalité[185]. Les plus hautes juridictions britanniques, au premier rang desquelles se trouve la Cour suprême, s’engagent ainsi dans un raisonnement comparable à  celui des Cours suprêmes ou des Cours constitutionnelles[186]. La principale différence est l’issue de ce contrôle puisque, dans le cas britannique, la loi reste en vigueur. Malgré cela, le mécanisme de contrôle des lois instauré par la procédure de déclaration d’incompatibilité peut être envisagé comme une forme européanisée et inaboutie de contrôle des lois. Elle constitue une variante du contrôle de constitutionnalité des lois par rapport aux droits et libertés constitutionnellement garantis que l’on rencontre dans la majorité des systèmes constitutionnels. Le Président de la Cour suprême a ainsi affirmé que « Le HRA, qui exige des Cours non seulement d’examiner les agissements de l’exécutif, mais aussi les lois afin de s’assurer qu’ils respectent les droits de l’homme, a donné à  la Cour suprême certaines des fonctions d’une Cour constitutionnelle »[187]. La Cour suprême est donc bien un juge constitutionnel qui connaît un contentieux des droits de l’homme croissant. Ses premières décisions, qui s’inscrivent dans la continuité de celles de la Chambre des Lords[188], n’ont rien à  envier aux décisions rendues par d’autres juridictions constitutionnelles en ce domaine. La Cour suprême a, par exemple, déclaré la section 82 (1) du Sexual Offences Act 2003, qui impose aux personnes condamnées à  une peine de prison d’au moins trente mois une obligation de notification permanente de leur résidence et de leurs déplacements à  l’étranger aux autorités de police, incompatible avec l’article 8 CEDH[189]. Elle a également déclaré illégale la détention indéfinie des empreintes ADN de personnes acquittées, en préférant procéder à  une interprétation conforme de la section 64(1A) du Police and Criminal Evidence Act 1984[190]. De même, l’article 8 de la CEDH a permis d’interpréter le Children (Scotland) Act 1995 afin qu’un père non-marié et séparé de sa compagne puisse assister à  l’audience établissant la future situation de son enfant[191]. Le contentieux des droits de l’homme ne se limite pas au contrôle des lois, puisque la Cour suprême s’est également assurée, dans une décision qui rappelle la décision 14/22 QPC sur la garde à  vue du Conseil constitutionnel français[192], de la garantie effective du droit à  un avocat pendant la garde à  vue en Ecosse dans la décision Cadder v. HM Advocate du 26 octobre 2010[193]. L’importance du contentieux des droits de l’homme devant la Cour suprême, montre que le Royaume-Uni s’inscrit dans un mouvement global que connaissent toutes les juridictions constitutionnelles.

Le contrôle de constitutionnalité des lois est, enfin, européanisé, car lorsqu’elle exerce un contrôle sur la base du EC Act 1972 ou du HRA 1998, la Cour suprême assure aussi bien la primauté de lois « constitutionnelles », dans le sens de l’arrêt Thoburn, que celle des traités européens. Elle est ainsi compétente pour réaliser un contrôle mixte qui emprunte à  la fois au contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité. L’exercice de ce contrôle combiné, dominé par les droits fondamentaux et européanisé, donne naissance à  un contentieux dont la nature se rapproche de celui des juridictions constitutionnelles européennes[194].

La Cour suprême dispose, en second lieu, de compétences constitutionnelles extérieures au contrôle des lois. Certes, des questions susceptibles d’être rattachées au contentieux constitutionnel échappent à  la Cour suprême. On constate ainsi une absence de juridictionnalisation des conflits entre organes politiques de l’État et une incompétence de la Cour suprême pour examiner le contentieux électoral, national ou local qui relève de juridictions créées ad hoc ou de juridictions de droit commun. Ce contentieux ne remonte pas jusqu’à  la Cour suprême, les décisions de la Cour d’appel étant définitives en vertu de la section 157 du Representation of the People Act 1983. Le contentieux électoral de la Chambre des communes s’articule, d’ailleurs, avec les pratiques et les règles des commissions parlementaires compétentes de cette Chambre[195]. Le House of Lors Disqualification Act 1975, qui réglemente également la déchéance des fonctions de membres de la Chambre des Communes en cas de faillite, de condamnation pénale ou d’incapacité au terme de la loi sur la santé mentale permettra, par exemple, au Président de la Chambre des Communes de déclarer un siège vacant[196].

Il n’existe, par ailleurs, pas de justice politique relevant de la compétence d’une Cour spécialisée existant en Allemagne, en Italie ou en Autriche[197] et la procédure de destitution, telle qu’on la rencontre aux États-Unis est devenue obsolète à  la faveur d’un contrôle politique[198]. Cependant, la Cour suprême peut être amenée, à  l’instar de toute juridiction, à  juger le personnel politique au civil ou au pénal. En effet, la Rule of Law implique un principe d’égalité devant la loi qui suppose que « tout homme, quels que soient son rang, sa condition, est soumis à  la loi ordinaire du royaume et justiciable des tribunaux ordinaires. […] tous les fonctionnaires, depuis le premier ministre jusqu’aux constables ou aux collecteurs de taxes, sont soumis à  la même responsabilité que n’importe quel autre citoyen pour tout acte fait sans justification légale »[199]. Il n’existe donc pas de juge d’exception en ce domaine. La Cour suprême a d’ailleurs été amenée à  rendre une décision dans l’affaire des notes de frais qui a secoué la classe politique en 2009. Elle a jugé que l’immunité parlementaire ne s’appliquait pas à  trois membres de la Chambre des communes et un membre de la Chambre des Lords accusés de fausses déclarations relatives à  leurs dépenses. Selon la Cour suprême, l’article 9 du Bill of Rights qui renvoie aux débats au sein du Parlement ne s’applique pas à  de telles déclarations[200]. Ces affaires ont donc été renvoyées devant la Crown court qui a prononcé des peines de prison. Cet exemple montre que la Cour suprême, comme la Chambre des Lords, est amenée à  examiner des questions constitutionnelles dans le cadre de recours ordinaires fondés sur les lois, la common law ou l’equity.

En outre, la Cour suprême peut développer des principes de common law touchant des questions constitutionnelles comme la Chambre des Lords a pu le faire, il y a bien longtemps, dans les affaires dites des interdictions ou des proclamations concernant le statut de la prérogative ordinaire du Roi[201] ou plus récemment en interprétant des lois à  la lumière de principes constitutionnels de common law. Plusieurs décisions de la Chambre des Lords ont ainsi reconnu l’existence de droits ou libertés constitutionnels sur le fondement desquels des lois ont été interprétées[202]. Si l’entrée en vigueur du HRA réduit l’utilité d’une telle technique, on ne peut exclure le recours à  des principes constitutionnels qui ne seraient pas prévu par cette loi. En se substituant à  la garantie des droits et libertés fondée sur la common law le HRA a, comme le EC Act 1972, complété ce contentieux constitutionnel original par un contrôle de constitutionnalité des lois lui aussi spécifique. Le particularisme de ces fonctions constitutionnelles tend néanmoins à  décliner en raison du transfert des compétences en matière de dévolution au profit de la Cour suprême.

2) Le contentieux de la dévolution, vecteur direct d’extension des compétences constitutionnelles

Le contentieux de la dévolution développe les fonctions constitutionnelles de cette juridiction constitutionnelle singulière qu’est la Cour suprême. Les lois de dévolution[203] ont créé une structure territoriale complexe, « quasi-fédérale », pour certains[204]. Elles prévoient un contrôle des actes des entités dévolues qui relève désormais de la compétence de la Cour suprême. Cette dernière est chargée, à  l’instar de la Chambre des Lords, d’examiner les « affaires de dévolutions » (devolution matters)[205]. Les caractéristiques des actes susceptibles d’être contrôlés illustre un transfert de compétences normatives original sur lequel le Parlement de Westminster est libre de revenir. Au pays de Galles, les actes susceptibles d’être concernés par ce contrôle sont des « mesures d’assemblée », qui sont des législations déléguées adoptées par l’Assemblée galloise dans un domaine de compétences défini sur le fondement d’une habilitation des sections 93 et 94 du Government of Wales Act 2006[206] et des lois de l’Assemblée nationale galloise (Acts of the National Assembly for Wales)[207], depuis le référendum du 3 mars 2011 qui a étendu les pouvoirs législatifs de l’Assemblée galloise. Le contrôle exercé sur les actes écossais et nord-irlandais porte également sur des « lois » dont la nature est « incertaine »[208]. Comme des législations primaires, elles peuvent être sources de législations déléguées et doivent être « prises en compte par les juridictions »[209]. Comme des législations secondaires, elles sont adoptées sur la base d’une habilitation donnée par le Governement of Wales Act 2006, le Scotland Act 1998 et le Northern Ireland Act 1998[210], au regard de laquelle elles peuvent être contrôlées, et il est toujours possible pour le Parlement de Westminster de continuer à  légiférer dans les domaines dévolus.

Dans le contentieux de la dévolution, la Cour suprême peut, d’une part, répondre à  une « question »[211] posée par les officiers judiciaires lui demandant si un projet d’acte des entités dévolues respecte bien la répartition des compétences prévue par les lois de dévolution[212]. Il s’agit d’une forme de contrôle a priori facultatif et abstrait[213]. La Cour peut être saisie par les Law officers dans les quatre semaines suivant la première lecture d’un projet de loi gallois, écossais et nord-irlandais ou d’une mesure d’Assemblée, au Pays de Galles, ou bien à  tout moment dans les quatre semaines suivant une étape d’approbation d’un projet de loi ou d’une mesure d’Assemblée afin de vérifier que ces textes n’outrepassent pas la compétence législative des entités dévolues. En cas de méconnaissance des principes de répartition des compétences, la décision de la Cour suprême fait obstacle à  la promulgation du texte[214].

La Cour suprême peut, d’autre part, examiner a posteriori et en dernier ressort des « devolution issues » en vertu de la section 41(4)(b) du CRA. Ces questions consistent à  vérifier que les actes des Assemblées et des Exécutifs dévolus relèvent bien des compétences prévues par les lois de dévolution et respectent tant le droit de l’Union européenne que le droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[215]. Ces actes seront écartés s’ils violent les lois de dévolution, le droit communautaire ou les droits conventionnels[216]. Le contentieux de la dévolution présente donc certaines spécificités par rapport au contentieux territorial d’autres systèmes car il ne se limite pas au seul contrôle de la répartition des compétences normatives entre territoires, mais présente aussi une dimension européenne. La Cour suprême peut-être saisie de ces devolution issues de façon différente[217]. Les Law officers, partis à  l’instance, peuvent demander à  n’importe quelle juridiction de renvoyer une question de dévolution à  la Cour suprême. Sinon, certaines juridictions[218] sont tenues de renvoyer les questions de dévolution dont elles sont saisies à  une Cour supérieure en Ecosse, au Pays de Galles ou en Irlande du Nord, qui pourra ensuite saisir la Cour suprême par la voie de l’appel. Cette dernière, compétente en dernier ressort, pourra déclarer l’acte ultra vires s’il ne respecte pas les règles de répartition des compétences prévues par les lois de dévolution[219]. Les décisions peuvent avoir, selon la nature de l’acte contesté (un acte d’une assemblée dévolue ou l’exercice d’une fonction par un exécutif dévolu), les griefs invoqués contre cet acte (contrariété à  la répartition des compétences organisée par les lois de dévolution, contrariété au droit communautaire ou contrariété aux droits conventionnels) une autorité variable. Cette autorité est, en principe, relative. Néanmoins, la décision aura, en pratique, une autorité absolue si la contrariété d’un acte législatif d’une entité dévolue avec l’organisation de la répartition des compétences par les lois de dévolution est constatée par la Cour suprême, ce qui n’a pour l’instant jamais eu lieu. Le contentieux de la dévolution a, en effet, été dominé par le contrôle du respect des droits de la CEDH et la seule décision à  s’être prononcée exclusivement sur une question la méconnaissance des règles de répartition des compétences n’a pas déclaré illégale la loi pénale écossaise en cause dans cette affaire[220].

Les contrôles normatifs et de répartition des compétences exercés par la Cour suprême dans le cadre de ce contentieux « quasi-fédéral »[221] s’apparentent ainsi au contentieux des compétences territoriales que l’on retrouve devant certaines Cours suprêmes ou constitutionnelles[222]. Ces compétences présentent une originalité par rapport aux compétences de Cours suprêmes intervenant dans des systèmes fédéraux en raison de leur caractère « asymétrique »[223]. Elles ne contraignent que la périphérie et non le centre. Le Parlement de Westminster peut toujours revenir sur les compétences dévolues[224] et ne peut voir ses lois annulées ou écartées pour violation des règles de répartition des compétences. Toujours est-il qu’en examinant les actes des entités dévolues, la Cour suprême, à  l’instar du Privy Council, dispose de « fonctions d’une Cour constitutionnelle pour les questions de dévolution »[225]. D’ailleurs, lors de l’adoption des lois de dévolution, le Gouvernement s’était orienté vers l’attribution de cette compétence au Privy Council car il estimait que cette juridiction dotée de « l’expérience d’une Cour suprême constitutionnelle pour les différentes dépendances et colonies du Commonwealth »[226]. La Cour suprême du Royaume-Uni, exerce ainsi un « contrôle constitutionnel de la dévolution »[227] ou un « contrôle localisé de constitutionnalité »[228], qui a considérablement développé le champ de ses compétences constitutionnelles et de dernier ressort.

Cette fonction pourrait, par ailleurs, avoir des conséquences plus larges. Des observateurs aussi avisés que le juge de la Cour suprême américaine Sandra Day O’Connor estiment que si ce contentieux tendait à  prendre plus d’ampleur, il pourrait conduire la Cour suprême à  généraliser et approfondir son approche en matière de contrôle des lois dans d’autres domaines[229]. Une telle évolution n’est pas encore à  l’ordre du jour et les convergences constatées avec d’autres Cours suprêmes dotées de compétences constitutionnelles ne gomment pour l’instant pas la spécificité des compétences de dernier ressort et constitutionnelles de la Cour suprême au Royaume-Uni. L’institution de cette juridiction consolide ainsi des mutations antérieures du constitutionnalisme britannique. Ces mutations devront, pour parfaire la nature de la Cour suprême, nécessairement être approfondies.

C) Les conditions de la métamorphose définitive de la Cour suprême

Les attributions de la Cour suprême influencent les fondements de la Constitution du Royaume-Uni. Par ses compétences et sa jurisprudence, la Cour suprême perpétue la consolidation du principe de Rule of Law, précédemment amorcée par la Chambre des Lords (1), par rapport à  un principe de souveraineté parlementaire dont le déclin se poursuit. Le véritable changement de nature de la Cour dépend de l’interprétation qu’elle fera de ces deux fondements de la Constitution du Royaume-Uni. Sa métamorphose définitive est conditionnée par la remise en cause du principe de souveraineté parlementaire (2).

1) La consolidation du principe de Rule of Law

Analyser le rôle de la Cour suprême par rapport au principe de Rule of Law nécessite d’abord de comprendre la Constitution britannique telle que l’a présenté A. V. Dicey, à  savoir, une « Constitution faite par les juges (a judge-made Constitution) »[230]. Comme il l’explique, en présentant le principe de Rule of Law, « le règne de la loi pénètre dans la Constitution pour cette raison que les principes généraux de la Constitution (tel que, par exemple, le droit à  la liberté individuelle et le droit de réunion publique) sont chez nous le résultat des décisions judiciaires déterminant les droits de simples citoyens dans les cas particuliers soumis à  l’appréciation des tribunaux ; au contraire, sous l’empire de beaucoup de Constitutions étrangères, la garantie (telle qu’elle existe) accordée aux droits des individus résulte ou semble résulter des principes généraux de la Constitution. »[231]. Il conclut sur ce point en indiquant que « le terme, le « règne de la loi », peut être employé comme exprimant le fait que le droit constitutionnel anglais, c’est-à -dire les règles qui, à  l’étranger font naturellement partie d’un Code constitutionnel, ne sont pas la source, mais la conséquence des droits des particuliers, définis et sanctionnés par les tribunaux ; bref, que les principes du droit privé ont été étendus en Angleterre par l’action des tribunaux et de la Couronne et de ses fonctionnaires ; ainsi, la Constitution est le résultat de la loi ordinaire du pays »[232]. Si l’on suit ce raisonnement, chaque décision de la Cour suprême à  l’instar de celles de la Chambre des Lords, contribue au développement de cette « Constitution faite par les juges » sous-tendue par le principe ubi jus, ibi remedium[233], élément indissociable de la Rule of Law. L’affirmation du principe de Rule of Law à  la suite du CRA résulte, en outre, de plusieurs autres facteurs.

La consécration textuelle de ce principe dans la première section de la loi sur la réforme constitutionnelle et l’omission de toute référence au principe de souveraineté parlementaire conforte, tout d’abord, l’importance croissante de la Rule of Law. Le soin avec lequel le législateur précise que le CRA n’affecte pas défavorablement le principe constitutionnel de Rule of Law[234] illustre sa volonté d’ancrer ce principe dans le droit positif écrit et de prévenir toute déstabilisation de ce fondement de la Constitution britannique au cœur duquel se trouve le rôle du juge. Elle s’inscrit en ce sens dans un mouvement de consolidation de la Rule of Law qui a précédé la mise en place de la Cour suprême puisque certains Law Lords ont reconnu un affaiblissement de l’autorité du principe de souveraineté du Parlement corrélatif à  l’affirmation du principe de Rule of Law dans la décision Jackson du 13 octobre 2005[235]. Lord Hope affirme ainsi que « le principe de souveraineté parlementaire n’est plus, s’il l’a jamais été, absolu » et reconnaît que « la rule of law, mise en œuvre par les cours, est le facteur ultime de contrôle sur lequel [la] Constitution est fondée »[236].

Le CRA s’inscrit, ensuite, dans une dynamique générale d’affirmation du principe de Rule of Law par l’attribution de compétences en matière de dévolution, qui donne à  la Cour suprême l’occasion d’être saisie de nouveaux recours et de reconnaître par là  même de nouveaux droits, tels que la présence d’un avocat pendant une garde à  vue, par exemple[237].

Par ailleurs, en la mettant formellement en valeur, le CRA a amélioré la perception de la plus haute juridiction britannique et a donné, selon certains Justices, tel Lord Hope, une nouvelle autorité à  ses décisions[238]. En rendant plus visible la Cour suprême, le CRA affirme son rôle et celui de sa jurisprudence. La Cour suprême symbolise ainsi la garantie juridictionnelle ultime du principe de Rule of Law qui implique, outre le principe de légalité et d’égalité devant la loi, un principe de protection judiciaire des droits qui est clairement mis en avant, notamment dans les rapports annuels de la Cour[239]. La reconnaissance de tels droits est effectuée par l’intermédiaire de recours fondés sur la common law, l’equity, des lois ordinaires ou constitutionnelles telles que le HRA. La Cour suprême a, par exemple, reconnu de nouveaux droits à  des enfants dont la garde était en cause en jugeant qu’une attention particulière devait être accordée à  leur bien être, ce qui pouvait impliquer que celui-ci soit gardé par sa grand-mère maternelle plutôt que par son père biologique[240]. Une protection plus étendue a été accordée aux victimes de violences domestiques puisque la Cour suprême a interprété le terme violence domestique mentionné dans la section 177(1) du Housing Act 1996 dans un sens large allant au-delà  des violences physiques[241]. La politique d’admission d’un établissement scolaire juif a été jugée contraire à  l’interdiction des discriminations fondées sur les origines ethniques prévue par la section 1 du Race Relations Act 1976 car elle imposait que les élèves soient juifs en raison d’une descendance maternelle ou après avoir effectué une conversion orthodoxe[242]. Par ailleurs, la protection judiciaire des droits, essentiellement assurée par le HRA, marque une évolution de la conception Diceyenne du principe de Rule of Law supposant à  l’origine l’absence de déclaration de droits. Le Human Rights Act, substitut d’une déclaration de droits, est à  l’origine d’un nombre croissant de décisions. Par la place qu’elle donne au sein de son contentieux à  la question des droits de l’homme incorporés par le HRA, la Cour suprême à  la suite de l’Appellate Committee de la Chambre des Lords, montre que la Constitution britannique n’est plus exclusivement le résultat des décisions des juges britanniques, mais s’est familiarisée avec l’idée d’une déclaration de droits plus connue des Constitutions rigides. Elle témoigne en ce sens d’une véritable mutation du principe de Rule of Law.

La concentration des compétences pour juger en dernier ressort de tous types de contentieux contribue à  faire de la Cour suprême le juge privilégié de cette « judge-made Constitution » et affermit en ce sens la Rule of Law. Ce principe, dont l’existence en Amérique avait également été relevée par Tocqueville[243], renvoie au « goût pour la justice » et à  la « place que les tribunaux occupent dans l’opinion publique à  côté des rouages politiques »[244]. L’essence de ce principe, commune à  ces deux systèmes, repose sur le rôle du juge chargé d’assurer cette « prééminence du droit »[245]. Alors qu’aux États-Unis cette prééminence du droit est entendue comme le droit de la Constitution et s’impose au législateur, elle doit, au Royaume-Uni, être conciliée avec la souveraineté du Parlement qui connaît cependant une érosion progressive.

2) La remise en cause du principe de souveraineté parlementaire

Vecteur de consolidation de la Rule of Law, le CRA donne-t-il à  la Cour suprême les moyens de remettre en cause le principe de souveraineté parlementaire ? Ouvre-t-il la porte à  une forme plus accomplie de contrôle de constitutionnalité des lois et par là -même à  l’existence d’une Cour suprême plus aboutie ? En effet, la compétence de dernier ressort de la Cour connaît des écueils notamment en raison de l’absence de compétence pour le contentieux pénal écossais, ce qui est cependant partiellement compensé par la pratique juridictionnelle en matière de dévolution. L’absence de contrôle complet de constitutionnalité des lois et, par extension le principe de souveraineté du Parlement, constitue un obstacle plus difficile à  surmonter afin de pouvoir pleinement assimiler la Cour suprême du Royaume-Uni à  ses homologues américaine, canadienne, indienne disposant d’une telle compétence.

L’existence et la substance du principe de souveraineté parlementaire sont fondées sur la common law[246] à  tel point que certains auteurs parlent de constitutionnalisme de common law. J. Goldworthy, pourtant opposé à  cette conception du droit britannique, a résumé cette doctrine dans les termes suivants « La Constitution britannique non écrite consiste en des principes de common law et par conséquent l’autorité du Parlement pour adopter des lois découle de la common law »[247]. Les opinions de certains Lords semblent aller dans ce sens. Dans la décision Jackson, Lord Steyn a ainsi avancé, à  propos de la souveraineté du Parlement, qu’il « s’agit d’une construction de la common law. Les juges ont créé ce principe »[248].

Quelles est alors la portée de l’établissement de la Cour suprême, dont dépend en dernier ressort l’interprétation et l’application de la common law, sur les différentes composantes du principe de souveraineté parlementaire ? L’impossibilité pour le Parlement de lier ses successeurs et l’interdiction d’annuler ou d’écarter une loi, ont déjà  été remises en cause, à  des degrés différents. L’érosion progressive de ce principe résulte de ce que des lois telles que le European Communities Act 1972, le HRA et les lois de dévolution ont invité le juge à  exercer une forme originale de contrôle des lois. La souveraineté du Parlement est, en quelque sorte, contrainte « par le haut » et « par le bas »[249] en raison du contrôle des lois exercé sur le fondement de ces lois constitutionnelles qui se distinguent formellement des lois ordinaires, à  la suite de l’arrêt Thoburn[250]. Le dernier aspect du principe de souveraineté parlementaire qui concerne l’absence de hiérarchie entre lois, a également été fragilisé par cet arrêt avant le CRA.

La concentration de cette double contrainte au sein d’une seule et même institution, alors qu’elle était autrefois répartie entre la Chambre des Lords et le Privy Council, conforte l’idée d’un contre-pouvoir juridictionnel renforcé face au Parlement souverain. La Cour suprême ira-t-elle bientôt au bout de la logique de ce contrôle en adoptant un contrôle de constitutionnalité complet par un Marbury v. Madison[251] à  l’anglaise ? En effet, ces attributions pourraient avoir donné à  la nouvelle Cour suprême un « avant goût » de ce que peuvent faire les juridictions constitutionnelles. Comme le souligne Lord Neuberger of Abbotsbury, la section 40 (5) du CRA pourrait constituer le fondement d’un pouvoir de contrôle de constitutionnalité des lois puisqu’elle dispose que la Cour suprême « a le pouvoir de régler toute question nécessaire à  la détermination de la justice lorsqu’un appel est porté devant elle sur le fondement de toute loi ». Le Master of the Rolls suggère que si la question de la contrariété d’une loi à  un « droit fondamental, un droit constitutionnel » se posait, la section 40(5) pourrait légitimement être interprétée comme autorisant un contrôle de constitutionnalité des lois[252]. Une telle perspective est-elle envisageable ?

Le principe de souveraineté parlementaire est censé y faire obstacle. Néanmoins, ce principe dépend essentiellement de la volonté des juges et notamment de ceux de la Cour suprême, puisque l’on se situe dans le cadre d’une « judge-made Constitution » et qu’il est, par ailleurs, difficile d’envisager en théorie comme en pratique que le Parlement souverain renonce à  sa propre souveraineté. En conséquence, la remise en cause définitive du principe de souveraineté du Parlement dépend de l’attachement dont font preuve les juridictions britanniques, au premier rang desquelles la Cour suprême, à  son égard. Il pourrait ainsi être redéfini par les juges sur la base d’une nouvelle théorie constitutionnelle amorcée dans la décision Jackson[253]. Lord STEYN y a affirmé que « la doctrine de la suprématie pure et absolue de la souveraineté du Parlement n’a plus sa place dans le Royaume-Uni moderne ». Il ajoute que « Si tel est le cas il n’est pas impensable que des circonstances puissent conduire les Cours à  reconnaître un principe établi sur une théorie différente de constitutionnalisme »[254]. Lady HALE a, pour sa part, suggéré que, dans des circonstances exceptionnelles, une loi qui détruirait le principe de Rule of law en « empêchant tout contrôle juridictionnel des actions du gouvernement affectant les droits des individus » [255] pourrait être contrôlée par les Cours.

Si la Cour suprême devait emprunter cette voie, il faudrait qu’elle interprète différemment le principe de Rule of Law puisque le principe de souveraineté parlementaire est « la conséquence et non la cause du principe de la rule of law »[256]. La Cour suprême pourrait, en reprenant, la portée de l’arrêt Thoburn, déduire de la Rule of Law l’existence d’un nouveau recours en inconstitutionnalité sur la base des certaines lois « constitutionnelles » ou de principes constitutionnels de common law prévalant sur les autres lois ou principes de common law. Le renforcement du principe de Rule of Law rendrait ainsi envisageable de nouveaux recours à  travers une forme plus aboutie de contrôle de constitutionnalité. Dans une telle hypothèse, la Rule of Law telle qu’elle a été transformée par la pratique constitutionnelle et juridictionnelle américaine qui correspond à  l’idée de prééminence du droit de la Constitution s’imposant à  tous les pouvoirs reviendrait, par la « porte de service », sous une forme atténuée au Royaume-Uni. A défaut de pouvoir l’établir en adoptant une Constitution rigide prévoyant un tel contrôle de constitutionnalité, une telle interprétation ouvrirait la voie à  la garantie juridictionnelle d’une Constitution toujours emprunte d’originalité en raison du maintien de ses divers fondements (common law, lois et conventions constitutionnelles), mais partiellement formalisée.

Cette interprétation du principe de Rule of Law conduisant à  une remise en cause définitive de la souveraineté du Parlement ne semble pour l’instant pas être partagée par l’actuel Président de la Cour suprême, Lord Phillips, à  l’instar de l’ancien Président de la Chambre des Lords, Lord Bingham[257]. Les décisions de la Cour suprême révèlent d’ailleurs une certaine déférence à  l’égard du Parlement qui ne laisse pas augurer l’imminence d’un tel changement[258]. Le Royaume-Uni ne franchira le Rubicon qui le sépare encore des autres Cours suprêmes dotées de fonctions constitutionnelles qu’à  condition que le principe de Rule of Law nouvellement interprété l’emporte sur la Souveraineté du Parlement. En définitive, l’ultime transformation de la Cour suprême ne dépend que d’elle.

* * *

La Cour suprême du Royaume-Uni a été instaurée dans une phase de transition du constitutionnalisme britannique. Elle conforte, au niveau juridictionnel, des évolutions constitutionnelles, mais ne constitue pas, en elle-même, un véritable bouleversement. Corrélativement à  l’écriture progressive de la Constitution britannique, le juge a vu son rôle renforcé face au Parlement. La Cour suprême prend ainsi acte, d’évolutions institutionnelles et normatives en héritant notamment d’un contentieux normatif de dimension régionale et d’un contrôle des lois de Westminter par rapport au droit européen qui s’apparente à  une forme originale de contrôle de constitutionnalité. Le CRA a accru les convergences formelles et fonctionnelles avec d’autres Cours suprêmes, dont certaines manifestations existaient déjà  à  l’époque de la Chambre des Lords. Il n’a cependant pas effacé la nature atypique de cette juridiction qui emprunte à  la notion de juridiction suprême et constitutionnelle sans y correspondre exactement.

L’expérience britannique trouve, de par ces convergences, toute sa place au sein de la comparaison entre systèmes de justice constitutionnelle. Cette juridiction atypique témoigne des limites d’une conception restrictive de la notion de justice constitutionnelle et de sa modélisation. Ses compétences présentent, en effet, des caractéristiques qui n’entrent pas dans la classification entre modèle américain et européen, ni dans aucune autre classification[259]. Les compétences de la Cour suprême ne sont pas fondées sur une Constitution rigide, mais sur la common law ou des lois « constitutionnelles » originales dont certaines incorporent des traités européens. Le contentieux qui naît de l’application de ces règles constitutionnelles n’est, ni concentré, ni totalement diffus puisque les juridictions compétentes varient selon le litige dont il est question. Si toutes les juridictions sont habilitées à  contrôler les actes par rapport au droit de l’Union européenne ou encore à  juger, selon les règles de droit commun, des actes des membres du Parlement ou du Gouvernement, le contentieux de la dévolution et du HRA en cas de déclaration d’incompatibilité tend à  se concentrer puisqu’il appartient aux plus Hautes juridictions. Le contentieux constitutionnel est, en dehors des questions de dévolution contrôlées a priori, essentiellement exercé a posteriori et présente un caractère concret étant résolu par le juge saisi du litige. Ce contentieux est, par ailleurs, essentiellement exercé par voie d’exception puisque les questions constitutionnelles ne sont pas, à  l’exception du contentieux a priori de la dévolution, l’objet même du recours et sont accessoires à  un litige dont elles permettent la résolution. Enfin, l’effet des décisions est variable. En principe, les décisions ont un effet inter partes, qui est limité, en pratique, par la règle du précédent. En revanche, les décisions prononçant des déclarations d’incompatibilité sur la base du HRA ont une autorité politique en raison de leur absence d’effet juridique sur la loi en cause et de l’invitation qu’elles formulent à  l’attention du législateur pour la modifier. D’ailleurs, si les déclarations d’inconstitutionnalité avec effet différé prononcées notamment dans des décisions QPC en France[260] ont un effet abrogatif, le report dans le temps de cette abrogation qui fait obstacle à  la disparition immédiate d’une inconstitutionnalité et l’invitation qu’elles formulent à  l’égard du législateur pour corriger l’inconstitutionnalité dénoncée ne font-ils pas, dans une certaine mesure, écho à  la procédure britannique ? En revanche, au Royaume-Uni, une décision dans laquelle la déclaration d’incompatibilité est formulée aura également un effet inter partes et non erga omnes lorsqu’elle se prononce sur les autres demandes du requérant[261]. Le contentieux constitutionnel exercé par la Cour suprême au Royaume-Uni revêt donc les caractéristiques d’un contrôle partiellement diffus, essentiellement concret, exercé a posteriori, par voie d’exception qui est à  l’origine de décisions dotées d’une autorité de chose jugée variable. Cette coexistence entre caractéristiques et les nuances dont elles témoignent existe dans bon nombre d’autres systèmes[262]. La Cour suprême confirme ainsi les limites des classifications qui ne couvrent pas l’ensemble des réalités institutionnelles que l’on rencontre en droit positif[263]. Les caractéristiques du contentieux constitutionnel devant la Cour suprême confortent le caractère atypique de cette juridiction dont les compétences constitutionnelles et de dernier ressort se sont néanmoins développées, favorisant une convergence encore plus accrue avec d’autres Cours suprêmes.

Elle ne correspond en effet, mais comme bien d’autres juridictions, à  aucune classification et appelle à  penser autrement la justice constitutionnelle. La Cour suprême au Royaume-Uni montre, à  l’instar de l’expérience israélienne[264], que la notion de juge et de justice constitutionnelle n’est pas inconciliable avec celle de Constitution souple et révèle la nécessité d’appréhender plus largement cette notion. Bien qu’il confirme la nature hors norme de la plus haute juridiction britannique, le CRA démontre néanmoins qu’elle assure, comme l’Appellate Committee de la Chambre des Lords, une forme de justice constitutionnelle en raison de l’existence d’un « garantie juridictionnelle », certes originale, « de la Constitution » du Royaume-Uni[265]. La Cour suprême enrichit ainsi les systèmes de justice constitutionnelle d’une nouvelle forme de juridiction à  la croisée des chemins et témoigne de leur diversité. En définitive, puisqu’un système dispose de la justice constitutionnelle dessinée par sa Constitution[266], celle du Royaume-Uni faisant l’objet d’une écriture permanente, la justice constitutionnelle qui en découle n’est pas non plus stabilisée.

La Cour suprême illustre ainsi l’alternative à  laquelle le constitutionnalisme britannique semble faire face. Maintenir son particularisme en préservant une voie médiane à  mi-chemin entre souveraineté parlementaire et suprématie constitutionnelle[267] propice à  un renouvellement de la notion de justice constitutionnelle ? S’engager, par l’abandon définitif du principe de souveraineté parlementaire, vers une suprématie de la Constitution telle que la garantissent certaines Cours suprêmes, au premier rang desquelles la Cour suprême américaine ? Le statu quo prévaut pour le moment et la souveraineté reste « bi-polaire »[268], partagée entre le Parlement et les juges. L’un des deux pôles l’emportera-t-il ? On peut douter de l’abandon du principe juridique de souveraineté parlementaire dans un avenir proche, puisque le Parlement est aussi, dans le cadre de l’actuel régime parlementaire, le représentant du souverain politique qu’est le peuple. N’ayant pas été accompli par le CRA, simple révision constitutionnelle, le changement de nature de la Cour suprême nécessitera, en définitive, une véritable révolution constitutionnelle.

Aurélie Duffy-Meunier est Maître de conférences à  l’Université Paris II-Panthéon-Assas, membre du Centre de droit public comparé (Université Paris II – Panthéon Assas)), membre associé de l’Institut Louis Favoreu – Groupe d'études et de recherches sur la justice constitutionnelle (CNRS UMR 6201)

Constitutional Reform Act 2005

An Act to make provision for modifying the office of Lord Chancellor, and to make provision relating to the functions of that office; to establish a Supreme Court of the United Kingdom, and to abolish the appellate jurisdiction of the House of Lords; to make provision about the jurisdiction of the Judicial Committee of the Privy Council and the judicial functions of the President of the Council; to make other provision about the judiciary, their appointment and discipline; and for connected purposes.[24th March 2005]Be it enacted by the Queen's most Excellent Majesty, by and with the advice and consent of the Lords Spiritual and Temporal, and Commons, in this present Parliament assembled, and by the authority of the same, as follows:

1. The rule of law

This Act does not adversely affect –

(a)the existing constitutional principle of the rule of law, or

(b)the Lord Chancellor's existing constitutional role in relation to that principle.

[…]

Continued judicial independence

3. Guarantee of continued judicial independence

(1)The Lord Chancellor, other Ministers of the Crown and all with responsibility for matters relating to the judiciary or otherwise to the administration of justice must uphold the continued independence of the judiciary.

(2)Subsection (1) does not impose any duty which it would be within the legislative competence of the Scottish Parliament to impose.

(3)A person is not subject to the duty imposed by subsection (1) if he is subject to the duty imposed by section 1(1) of the Justice (Northern Ireland) Act 2002 (c. 26).

(4)The following particular duties are imposed for the purpose of upholding that independence.

(5)The Lord Chancellor and other Ministers of the Crown must not seek to influence particular judicial decisions through any special access to the judiciary.

(6)The Lord Chancellor must have regard to—

(a)the need to defend that independence;

(b)the need for the judiciary to have the support necessary to enable them to exercise their functions;

(c)the need for the public interest in regard to matters relating to the judiciary or otherwise to the administration of justice to be properly represented in decisions affecting those matters.

(7)In this section “the judiciary” includes the judiciary of any of the following—

(a)the Supreme Court;

(b)any other court established under the law of any part of the United Kingdom;

(c)any international court.

[F1(7A)In this section “the judiciary” also includes every person who—

(a)holds an office listed in Schedule 14 or holds an office listed in subsection (7B), and

(b)but for this subsection would not be a member of the judiciary for the purposes of this section.

(7B)The offices are those of—

(a)Senior President of Tribunals;

(b)President of Employment Tribunals (Scotland);

(c)Vice President of Employment Tribunals (Scotland);

(d)member of a panel of chairmen of Employment Tribunals (Scotland);

(e)member of a panel of members of employment tribunals that is not a panel of chairmen;

(f)F2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .] [269]

(8)In subsection (7) “international court” means the International Court of Justice or any other court or tribunal which exercises jurisdiction, or performs functions of a judicial nature, in pursuance of—

(a)an agreement to which the United Kingdom or Her Majesty's Government in the United Kingdom is a party, or

(b)a resolution of the Security Council or General Assembly of the United Nations.

[…]

Part 3 The Supreme Court

The Supreme Court

23. The Supreme Court

(1)There is to be a Supreme Court of the United Kingdom.

(2)The Court consists of 12 judges appointed by Her Majesty by letters patent.

(3)Her Majesty may from time to time by Order in Council amend subsection (2) so as to increase or further increase the number of judges of the Court.

(4)No recommendation may be made to Her Majesty in Council to make an Order under subsection (3) unless a draft of the Order has been laid before and approved by resolution of each House of Parliament.

(5)Her Majesty may by letters patent appoint one of the judges to be President and one to be Deputy President of the Court.

(6)The judges other than the President and Deputy President are to be styled “Justices of the Supreme Court”.

(7)The Court is to be taken to be duly constituted despite any vacancy among the judges of the Court or in the office of President or Deputy President.

24. First members of the Court

On the commencement of section 23—

(a)the persons who immediately before that commencement are Lords of Appeal in Ordinary become judges of the Supreme Court,

(b)the person who immediately before that commencement is the senior Lord of Appeal in Ordinary becomes the President of the Court, and

(c)the person who immediately before that commencement is the second senior Lord of Appeal in Ordinary becomes the Deputy President of the Court.

Appointment of judges

25. Qualification for appointment

(1)A person is not qualified to be appointed a judge of the Supreme Court unless he has (at any time)—

(a)held high judicial office for a period of at least 2 years,

(b)been a qualifying practitioner for a period of at least 15 years.

[F1(b)satisfied the judicial-appointment eligibility condition on a 15-year basis, or

(c)been a qualifying practitioner for a period of at least 15 years.]

(2)A person is a qualifying practitioner for the purposes of this section at any time when—

(a)F2................................

(b)he is an advocate in Scotland or a solicitor entitled to appear in the Court of Session and the High Court of Justiciary, or

(c)he is a member of the Bar of Northern Ireland or a solicitor of the Court of Judicature of Northern Ireland.[270]

26. Selection of members of the Court

(1)This section applies to a recommendation for an appointment to one of the following offices—

(a)judge of the Supreme Court;

(b)President of the Court;

(c)Deputy President of the Court.

(2)A recommendation may be made only by the Prime Minister.

(3)The Prime Minister—

(a)must recommend any person whose name is notified to him under section 29;

(b)may not recommend any other person.

(4)A person who is not a judge of the Court must be recommended for appointment as a judge if his name is notified to the Prime Minister for an appointment as President or Deputy President.

(5)If there is a vacancy in one of the offices mentioned in subsection (1), or it appears to him that there will soon be such a vacancy, the Lord Chancellor must convene a selection commission for the selection of a person to be recommended.

(6)Schedule 8 is about selection commissions.

(7)Subsection (5) is subject to Part 3 of that Schedule.

(8)Sections 27 to 31 apply where a selection commission is convened under this section.

27. Selection process

(1)The commission must—

(a)determine the selection process to be applied,

(b)apply the selection process, and

(c)make a selection accordingly.

(2)As part of the selection process the commission must consult each of the following—

(a)such of the senior judges as are not members of the commission and are not willing to be considered for selection;

(b)the Lord Chancellor;

(c)the First Minister in Scotland;

(d)[F3the First Minister for Wales][271];

(e)the Secretary of State for Northern Ireland.

(3)If for any part of the United Kingdom no judge of the courts of that part is to be consulted under subsection (2)(a), the commission must consult as part of the selection process the most senior judge of the courts of that part who is not a member of the commission and is not willing to be considered for selection.

(4)Subsections (5) to (10) apply to any selection under this section or section 31.

(5)Selection must be on merit.

(6)A person may be selected only if he meets the requirements of section 25.

(7)A person may not be selected if he is a member of the commission.

(8)In making selections for the appointment of judges of the Court the commission must ensure that between them the judges will have knowledge of, and experience of practice in, the law of each part of the United Kingdom.

(9)The commission must have regard to any guidance given by the Lord Chancellor as to matters to be taken into account (subject to any other provision of this Act) in making a selection.

(10)Any selection must be of one person only.

28. Report

(1)After complying with section 27 the commission must submit a report to the Lord Chancellor.

(2)The report must—

(a)state who has been selected;

(b)state the senior judges consulted under section 27(2)(a) and any judge consulted under section 27(3);

(c)contain any other information required by the Lord Chancellor.

(3)The report must be in a form approved by the Lord Chancellor.

(4)After submitting the report the commission must provide any further information the Lord Chancellor may require.

(5)When he receives the report the Lord Chancellor must consult each of the following—

(a)the senior judges consulted under section 27(2)(a);

(b)any judge consulted under section 27(3);

(c)the First Minister in Scotland;

(d)[F4the First Minister for Wales][272];

(e)the Secretary of State for Northern Ireland.

29. The Lord Chancellor's options

(1)This section refers to the following stages—

Stage 1:where a person has been selected under section 27

Stage 2:where a person has been selected following a rejection or reconsideration at stage 1

Stage 3:where a person has been selected following a rejection or reconsideration at stage 2.(2)At stage 1 the Lord Chancellor must do one of the following—

(a)notify the selection;

(b)reject the selection;

(c)require the commission to reconsider the selection.

(3)At stage 2 the Lord Chancellor must do one of the following—

(a)notify the selection;

(b)reject the selection, but only if it was made following a reconsideration at stage 1;

(c)require the commission to reconsider the selection, but only if it was made following a rejection at stage 1.

(4)At stage 3 the Lord Chancellor must notify the selection, unless subsection (5) applies and he makes a notification under it.

(5)If a person whose selection the Lord Chancellor required to be reconsidered at stage 1 or 2 was not selected again at the next stage, the Lord Chancellor may at stage 3 notify that person's name to the Prime Minister.

(6)In this Part references to the Lord Chancellor notifying a selection are references to his notifying to the Prime Minister the name of the person selected.

30. Exercise of powers to reject or require reconsideration

(1)The power of the Lord Chancellor under section 29 to reject a selection at stage 1 or 2 is exercisable only on the grounds that, in the Lord Chancellor's opinion, the person selected is not suitable for the office concerned.

(2)The power of the Lord Chancellor under section 29 to require the commission to reconsider a selection at stage 1 or 2 is exercisable only on the grounds that, in the Lord Chancellor's opinion—

(a)there is not enough evidence that the person is suitable for the office concerned,

(b)there is evidence that the person is not the best candidate on merit, or

(c)there is not enough evidence that if the person were appointed the judges of the Court would between them have knowledge of, and experience of practice in, the law of each part of the United Kingdom.

(3)The Lord Chancellor must give the commission reasons in writing for rejecting or requiring reconsideration of a selection.

31. Selection following rejection or requirement to reconsider

(1)If under section 29 the Lord Chancellor rejects or requires reconsideration of a selection at stage 1 or 2, the commission must select a person in accordance with this section.

(2)If the Lord Chancellor rejects a selection, the commission—

(a)may not select the person rejected, and

(b)where the rejection is following reconsideration of a selection, may not select the person (if different) whose selection it reconsidered.

(3)If the Lord Chancellor requires a selection to be reconsidered, the commission—

(a)may select the same person or a different person, but

(b)where the requirement is following a rejection, may not select the person rejected.

(4)The commission must inform the Lord Chancellor of the person selected following a rejection or requirement to reconsider.

Terms of appointment

32. Oath of allegiance and judicial oath

(1)A person who is appointed as President of the Court must, as soon as may be after accepting office, take the required oaths in the presence of—

(a)the Deputy President, or

(b)if there is no Deputy President, the senior ordinary judge.

(2)A person who is appointed as Deputy President of the Supreme Court must, as soon as may be after accepting office, take the required oaths in the presence of—

(a)the President, or

(b)if there is no President, the senior ordinary judge.

(3)A person who is appointed as a judge of the Supreme Court must, as soon as may be after accepting office, take the required oaths in the presence of—

(a)the President, or

(b)if there is no President, the Deputy President, or

(c)if there is no President and no Deputy President, the senior ordinary judge.

(4)Subsections (1) and (2) apply whether or not the person appointed as President or Deputy President has previously taken the required oaths in accordance with this section after accepting another office.

(5)Subsection (3) does not apply where a person is first appointed as a judge of the Court upon appointment to the office of President or Deputy President.

(6)In this section “required oaths” means—

(a)the oath of allegiance, and

(b)the judicial oath,

as set out in the Promissory Oaths Act 1868 (c. 72).

33. Tenure

A judge of the Supreme Court holds that office during good behaviour, but may be removed from it on the address of both Houses of Parliament.

34. Salaries and allowances

(1)A judge of the Supreme Court is entitled to a salary.

(2)The amount of the salary is to be determined by the Lord Chancellor with the agreement of the Treasury.

(3)Until otherwise determined under subsection (2), the amount is that of the salary of a Lord of Appeal in Ordinary immediately before the commencement of section 23.

(4)A determination under subsection (2) may increase but not reduce the amount.

(5)Salaries payable under this section are to be charged on and paid out of the Consolidated Fund of the United Kingdom.

(6)Any allowance determined by the Lord Chancellor with the agreement of the Treasury may be paid to a judge of the Court out of money provided by Parliament.

35. Resignation and retirement

(1)A judge of the Supreme Court may at any time resign that office by giving the Lord Chancellor notice in writing to that effect.

(2)The President or Deputy President of the Court may at any time resign that office (whether or not he resigns his office as a judge) by giving the Lord Chancellor notice in writing to that effect.

(3)In section 26(4)(a) of and Schedule 5 to the Judicial Pensions and Retirement Act 1993 (c. 8) (retirement), for “Lord of Appeal in Ordinary” substitute “Judge of the Supreme Court”.

36. Medical retirement

(1)This section applies if the Lord Chancellor is satisfied by means of a medical certificate that a person holding office as a judge of the Supreme Court—

(a)is disabled by permanent infirmity from the performance of the duties of his office, and

(b)is for the time being incapacitated from resigning his office.

(2)The Lord Chancellor may by instrument under his hand declare the person's office to have been vacated.

(3)A declaration by instrument under subsection (2) has the same effect for all purposes as if the person had, on the date of the instrument, resigned his office.

(4)But such a declaration has no effect unless it is made—

(a)in the case of an ordinary judge, with the agreement of the President and Deputy President of the Court;

(b)in the case of the President, with the agreement of the Deputy President and the senior ordinary judge;

(c)in the case of the Deputy President, with the agreement of the President and the senior ordinary judge.

37. Pensions

(1)In the tables in sections 1 and 16 of the Judicial Pensions Act 1981 (c. 20) (application and interpretation), for “Lord of Appeal in Ordinary”—

(a)in the first column, substitute “ Judge of the Supreme Court ”, and

(b)in the second column, in each place substitute “ judge of the Supreme Court ”.

(2)In Part 1 of Schedule 1 to the Judicial Pensions and Retirement Act 1993 (qualifying judicial offices: judges), for “Lord of Appeal in Ordinary” substitute “Judge of the Supreme Court”.

(3)The amendments made by this section to the 1981 and 1993 Acts do not affect the operation of any provision of or made under those Acts, or anything done under such provision, in relation to the office of, or service as, Lord of Appeal in Ordinary.

Acting judges

38. Acting judges

(1)At the request of the President of the Supreme Court any of the following may act as a judge of the Court—

(a)a person who holds office as a senior territorial judge;

(b)a member of the supplementary panel under section 39.

(2)A request under subsection (1) may be made by the Deputy President of the Court if there is no President or the President is unable to make that request.

(3)In section 26(7) of the Judicial Pensions and Retirement Act 1993 (c. 8) (requirement not to act in certain capacities after the age of 75) for paragraph (b) substitute—

“(b)act as a judge of the Supreme Court under section 38 of the Constitutional Reform Act 2005;”.

(4)Every person while acting under this section is, subject to subsections (5) and (6), to be treated for all purposes as a judge of the Supreme Court (and so may perform any of the functions of a judge of the Court).

(5)A person is not to be treated under subsection (4) as a judge of the Court for the purposes of any statutory provision relating to—

(a)the appointment, retirement, removal or disqualification of judges of the Court,

(b)the tenure of office and oaths to be taken by judges of the Court, or

(c)the remuneration, allowances or pensions of judges of the Court.

(6)Subject to section 27 of the Judicial Pensions and Retirement Act 1993, a person is not to be treated under subsection (4) as having been a judge of the Court if he has acted in the Court only under this section.

(7)Such remuneration and allowances as the Lord Chancellor may with the agreement of the Treasury determine may be paid out of money provided by Parliament to any person who acts as a judge of the Court under this section.

(8)In this section “office as a senior territorial judge” means office as any of the following—

(a)a judge of the Court of Appeal in England and Wales;

(b)a judge of the Court of Session, but only if the holder of the office is a member of the First or Second Division of the Inner House of that Court;

(c)a judge of the Court of Appeal in Northern Ireland, unless the holder holds the office only by virtue of being a puisne judge of the High Court.

39. Supplementary panel

(1)There is to be a panel of persons known as the supplementary panel.

(2)On the commencement of this section any member of the House of Lords who—

(a)meets one of the conditions in subsection (3),

(b)does not hold high judicial office,

(c)has not attained the age of 75, and

(d)is not a person who was appointed to the office of Lord Chancellor on or after 12 June 2003, becomes a member of the panel.

(3)The conditions are—

(a)that he ceased to hold high judicial office less than 5 years before the commencement of this section;

(b)that he was a member of the Judicial Committee of the Privy Council immediately before that commencement;

(c)that he ceased to be a member of that Committee less than 5 years before that commencement.

(4)A person becomes a member of the supplementary panel on ceasing to hold office as a judge of the Supreme Court or as a senior territorial judge, but only if, while he holds such office—

(a)his membership of the panel is approved in writing by the President of the Supreme Court, and

(b)the President of the Court gives the Lord Chancellor notice in writing of the approval.

(5)Subsection (4) does not apply to a person who ceases to hold office as a judge of the Supreme Court when he ceases to be President of the Court.

(6)Such a person becomes a member of the supplementary panel on ceasing to be President of the Court, unless—

(a)while President, he gives the Lord Chancellor notice that he is not to become a member of the panel,

(b)he ceases to be President on being removed from office as a judge of the Court on the address of both Houses of Parliament, or

(c)his office is declared vacant under section 36.

(7)A person does not become a member of the supplementary panel under subsection (4) or (6) if—

(a)on ceasing to hold office as a judge of the Supreme Court he takes office as a senior territorial judge, or

(b)on ceasing to hold office as a senior territorial judge he takes office as a judge of the Supreme Court.

(8)A member of the supplementary panel may resign by notice in writing to the President of the Court.

(9)Unless he resigns (and subject to sections 26(7)(b) and 27 of the Judicial Pensions and Retirement Act 1993 (c. 8)), a person ceases to be a member of the supplementary panel—

(a)at the end of 5 years after the last day on which he holds his qualifying office, or

(b)if earlier, at the end of the day on which he attains the age of 75.

(10)In this section—

(a)“office as a senior territorial judge” has the same meaning as in section 38;

(b)a person's “qualifying office” is the office (that is, high judicial office, membership of the Judicial Committee of the Privy Council, office as a judge of the Supreme Court or office as a senior territorial judge) that he held before becoming a member of the supplementary panel.

Jurisdiction, relation to other courts etc

40. Jurisdiction

(1)The Supreme Court is a superior court of record.

(2)An appeal lies to the Court from any order or judgment of the Court of Appeal in England and Wales in civil proceedings.

(3)An appeal lies to the Court from any order or judgment of a court in Scotland if an appeal lay from that court to the House of Lords at or immediately before the commencement of this section.

(4)Schedule 9—

(a)transfers other jurisdiction from the House of Lords to the Court,

(b)transfers devolution jurisdiction from the Judicial Committee of the Privy Council to the Court, and

(c)makes other amendments relating to jurisdiction.

(5)The Court has power to determine any question necessary to be determined for the purposes of doing justice in an appeal to it under any enactment.

(6)An appeal under subsection (2) lies only with the permission of the Court of Appeal or the Supreme Court; but this is subject to provision under any other enactment restricting such an appeal.

41. Relation to other courts etc

(1)Nothing in this Part is to affect the distinctions between the separate legal systems of the parts of the United Kingdom.

(2)A decision of the Supreme Court on appeal from a court of any part of the United Kingdom, other than a decision on a devolution matter, is to be regarded as the decision of a court of that part of the United Kingdom.

(3)A decision of the Supreme Court on a devolution matter—

(a)is not binding on that Court when making such a decision;

(b)otherwise, is binding in all legal proceedings.

(4)In this section “devolution matter” means—

(a)a question referred to the Supreme Court under [F5section 96, 99 or 112 of the Government of Wales Act 2006,] section 33 of the Scotland Act 1998 (c. 46) or section 11 of the Northern Ireland Act 1998 (c. 47);

(b)a devolution issue as defined in [F6Schedule 9 to the Government of Wales Act 2006](c. 38), Schedule 6 to the Scotland Act 1998 or Schedule 10 to the Northern Ireland Act 1998.[273]

Composition for proceedings

42. Composition

(1)The Supreme Court is duly constituted in any proceedings only if all of the following conditions are met—

(a)the Court consists of an uneven number of judges;

(b)the Court consists of at least three judges;

(c)more than half of those judges are permanent judges.

(2)Paragraphs and of subsection are subject to any directions that in specified proceedings the Court is to consist of a specified number of judges that is both uneven and greater than three.

(3)Paragraph of subsection is subject to any directions that in specified descriptions of proceedings the Court is to consist of a specified minimum number of judges that is greater than three.

(4)This section is subject to section 43.

(5)In this section—

(a)“directions” means directions given by the President of the Court;

(b)“specified”, in relation to directions, means specified in those directions;

(c)references to permanent judges are references to those judges of the Court who are not acting judges under section 38.

(6)This section and section 43 apply to the constitution of the Court in any proceedings from the time judges are designated to hear the proceedings.

43. Changes in composition

(1)This section applies if in any proceedings the Court ceases to be duly constituted in accordance with section 42, or in accordance with a direction under this section, because one or more members of the Court are unable to continue.

(2)The presiding judge may direct that the Court is still duly constituted in the proceedings.

(3)The presiding judge may give a direction under this section only if—

(a)the parties agree;

(b)the Court still consists of at least three judges (whether the number of judges is even or uneven);

(c)at least half of those judges are permanent judges.

(4)Subsections (2) and (3) are subject to directions given by the President of the Court.

(5)If in any proceedings the Court is duly constituted under this section with an even number of judges, and those judges are evenly divided, the case is to be re-argued in a Court which is constituted in accordance with section 42.

(6)In this section—

(a)“presiding judge” means the judge who is to preside, or is presiding, over proceedings;

(b)references to permanent judges have the same meaning as in section 42.

Practice and procedure

44. Specially qualified advisers

(1)If the Supreme Court thinks it expedient in any proceedings, it may hear and dispose of the proceedings wholly or partly with the assistance of one or more specially qualified advisers appointed by it.

(2)Any remuneration payable to such an adviser is to be determined by the Court unless agreed between the adviser and the parties to the proceedings.

(3)Any remuneration forms part of the costs of the proceedings.

45. Making of rules

(1)The President of the Supreme Court may make rules (to be known as “Supreme Court Rules”) governing the practice and procedure to be followed in the Court.

(2)The power to make Supreme Court Rules includes power to make different provision for different cases, including different provision—

(a)for different descriptions of proceedings, or

(b)for different jurisdiction of the Supreme Court.

(3)The President must exercise the power to make Supreme Court Rules with a view to securing that—

(a)the Court is accessible, fair and efficient, and

(b)the rules are both simple and simply expressed.

(4)Before making Supreme Court Rules the President must consult all of the following—

(a)the Lord Chancellor;

(b)the bodies listed in subsection (5);

(c)such other bodies that represent persons likely to be affected by the Rules as the President considers it appropriate to consult.

(5)The bodies referred to in subsection (4)(b) are—

The General Council of the Bar of England and Wales;

The Law Society of England and Wales;

The Faculty of Advocates of Scotland;

The Law Society of Scotland;

The General Council of the Bar of Northern Ireland;

The Law Society of Northern Ireland.

46. Procedure after rules made

(1)Supreme Court Rules made by the President of the Supreme Court must be submitted by him to the Lord Chancellor.

(2)Supreme Court Rules submitted to the Lord Chancellor—

(a)come into force on such day as the Lord Chancellor directs, and

(b)are to be contained in a statutory instrument to which the Statutory Instruments Act 1946 (c. 36) applies as if the instrument contained rules made by a Minister of the Crown.

(3)A statutory instrument containing Supreme Court Rules is subject to annulment in pursuance of a resolution of either House of Parliament.

[…]

Staff and resources

48Chief executive

(1)The Supreme Court is to have a chief executive.

(2)The Lord Chancellor must appoint the chief executive, after consulting the President of the Court.

(3)The President of the Court may delegate to the chief executive any of these functions—

(a)functions of the President under section 49(1);

(b)non-judicial functions of the Court.

(4)The chief executive must carry out his functions (under subsection (3) or otherwise) in accordance with any directions given by the President of the Court.

49. Officers and staff

(1)The President of the Supreme Court may appoint officers and staff of the Court.

(2)It is for the chief executive of the Supreme Court to determine these matters with the agreement of the Lord Chancellor—

(a)the number of officers and staff of the Court;

(b)subject to subsection (3), the terms on which officers and staff are to be appointed.

(3)The civil service pension arrangements for the time being in force apply (with any necessary adaptations) to the chief executive of the Court, and to persons appointed under subsection (1), as they apply to other persons employed in the civil service of the State.

(4)In subsection (3) “the civil service pension arrangements” means—

(a)the principal civil service pension scheme (within the meaning of section 2 of the Superannuation Act 1972 (c. 11), and

(b)any other superannuation benefits for which provision is made under or by virtue of section 1 of that Act for or in respect of persons in employment in the civil service of the State.

50. Accommodation and other resources

(1)The Lord Chancellor must ensure that the Supreme Court is provided with the following—

(a)such court-houses, offices and other accommodation as the Lord Chancellor thinks are appropriate for the Court to carry on its business;

(b)such other resources as the Lord Chancellor thinks are appropriate for the Court to carry on its business.

(2)The Lord Chancellor may discharge the duty under subsection (1) by—

(a)providing accommodation or other resources, or

(b)entering into arrangements with any other person for the provision of accommodation or other resources.

(3)The powers to acquire land for the public service conferred by—

(a)section 2 of the Commissioners of Works Act 1852 (c. 28) (acquisition by agreement), and

(b)section 228(1) of the Town and Country Planning Act 1990 (c. 8) (compulsory acquisition), are to be treated as including power to acquire land for the purpose of its provision under arrangements under subsection (2)(b).

(4)The Scottish Ministers may make payments by way of contribution to the costs incurred by the Lord Chancellor in providing the Court with resources in accordance with subsection (1)(b).

(5)In this section “court-house” means any place where the Court sits, including the precincts of any building in which it sits.

51. System to support Court in carrying on business

(1)The chief executive of the Supreme Court must ensure that the Court's resources are used to provide an efficient and effective system to support the Court in carrying on its business.

(2)In particular—

(a)appropriate services must be provided for the Court;

(b)the accommodation provided under section 50 must be appropriately equipped, maintained and managed.

Fees

52. Fees

(1)The Lord Chancellor may, with the agreement of the Treasury, by order prescribe fees payable in respect of anything dealt with by the Supreme Court.

(2)An order under this section may, in particular, contain provision about—

(a)scales or rates of fees;

(b)exemptions from fees;

(c)reductions in fees;

(d)whole or partial remission of fees.

(3)When including any provision in an order under this section, the Lord Chancellor must have regard to the principle that access to the courts must not be denied.

(4)Before making an order under this section, the Lord Chancellor must consult all of the following—

(a)the persons listed in subsection (5);

(b)the bodies listed in subsection (6).

(5)The persons referred to in subsection (4)(a) are—

(a)the President of the Supreme Court;

(b)the Lord Chief Justice of England and Wales;

(c)the Master of the Rolls;

(d)the Lord President of the Court of Session;

(e)the Lord Chief Justice of Northern Ireland;

(f)the Lord Justice Clerk;

(g)the President of the Queen's Bench Division;

(h)the President of the Family Division;

(i)the Chancellor of the High Court.

(6)The bodies referred to in subsection (4)(b) are—

(a)the General Council of the Bar of England and Wales;

(b)the Law Society of England and Wales;

(c)the Faculty of Advocates of Scotland;

(d)the Law Society of Scotland;

(e)the General Council of the Bar of Northern Ireland;

(f)the Law Society of Northern Ireland.

53. Fees: supplementary

(1)Supreme Court fees are recoverable summarily as a civil debt.

(2)The Lord Chancellor must take such steps as are reasonably practicable to bring information about Supreme Court fees to the attention of persons likely to have to pay them.

(3)In this section “Supreme Court fees” means fees prescribed in an order under section 52.

Annual report

54. Annual report

(1)As soon as practicable after each financial year, the chief executive of the Supreme Court must prepare a report about the business of the Supreme Court during that year and give a copy of that report to the following persons—

(a)the Lord Chancellor;

(b)the First Minister in Scotland;

(c)the First Minister and the deputy First Minister in Northern Ireland;

(d)[F7the First Minister for Wales][274].

(2)The Lord Chancellor must lay a copy of any report of which a copy is given under subsection (1)(a) before each House of Parliament.

(3)Each of the following is a “financial year” for the purposes of this section—

(a)the period which begins with the date on which this section comes into force and ends with the following 31 March;

(b)each successive period of 12 months.

[…]

Supplementary

57. Proceedings under jurisdiction transferred to the Supreme Court

Schedule 10 contains transitional provision relating to proceedings under jurisdiction which is transferred to the Supreme Court by this Act from the House of Lords or the Judicial Committee of the Privy Council.

58. Northern Ireland Act 1998: excepted and reserved matters relating to the Supreme Court

(1)The Northern Ireland Act 1998 (c. 47) is amended as follows.

(2)In Schedule 2 (excepted matters), after paragraph 11 insert—

“11AThe Supreme Court.”

(3)In Schedule 3 (reserved matters), after paragraph 14 insert—

“14AThe following matters—

(a)rights of appeal to the Supreme Court;

(b)legal aid for appeals to the Supreme Court.”

59. Renaming of Supreme Courts of England and Wales and Northern Ireland

(1)The Supreme Court of England and Wales is renamed the Senior Courts of England and Wales.

(2)The Supreme Court of Judicature of Northern Ireland is renamed the Court of Judicature of Northern Ireland.

(3)The Northern Ireland Supreme Court Rules Committee is renamed the Northern Ireland Court of Judicature Rules Committee.

(4)Any reference in an enactment, instrument or other document to a court or committee renamed by this section is to be read, so far as necessary for continuing its effect, as a reference to the Senior Courts, the Court of Judicature or the Northern Ireland Court of Judicature Rules Committee (as the case may be).

(5)Schedule 11 (which makes amendments in connection with the renaming) has effect.

(6)Unless otherwise provided, amendments made by an enactment (A) (whether or not in force) to another enactment (B)—

(a)are not included in references in that Schedule to enactment A;

(b)are included in references in that Schedule to enactment B.

[…]

148. Commencement

(1)This Act, except the following provisions, comes into force in accordance with provision to be made by the Lord Chancellor by order.

(2)The provisions excepted from subsection (1) are—

(a)section 4;

(b)sections 18 to 22;

(c)sections 140 to 144;

(d)section 147;

(e)this section;

(f)section 149;

(g)Schedules 6 and 7.

(3)Section 4 comes into force in accordance with provision to be made by the Secretary of State by order.

(4)An order by which section 23(1) comes into force at any time may not be made unless the Lord Chancellor is satisfied that the Supreme Court will at that time be provided with accommodation in accordance with written plans that he has approved.

(5)The Lord Chancellor may approve plans only if, having consulted the Lords of Appeal in Ordinary holding office at the time of the approval, he is satisfied that accommodation in accordance with the plans will be appropriate for the purposes of the Court.

(6)An order under this section may make different provision for different purposes.

Pour citer cet article :
Aurélie Duffy-Meunier «La Cour suprême au Royaume-Uni après le Constitutional Reform Act 2005 : une juridiction hors norme », Jus Politicum, n° 9 [https://juspoliticum.com/article/La-Cour-supreme-au-Royaume-Uni-apres-le-Constitutional-Reform-Act-2005-une-juridiction-hors-norme-641.html]