Cet article se propose d’une part de revenir sur le jansénisme de Domat, et de le constituer comme une clé essentielle de l’analyse tant du contenu que de la composition même du Traité des lois, mais aussi du Droit public. Ce jansénisme livre la clé de la cohérence d’ensemble de son œuvre. Il permet également de spécifier le type de jusnaturalisme auquel on peut rattacher Domat. C’est, encore, grâce aux thèmes de l’ordre et de la participation – thèmes augustiniens, repris par les jansénistes – que l’on peut comprendre la nature et la fonction de l’« ordre naturel des lois », et le rapport d’analogie ou de proportion qui unissent toutes les lois, qu’elles soient « naturelles » ou « arbitraires ». Le second objectif de cet article est d’autre part d’explorer les thèmes des lois d’amour et de l’amour des lois chez Domat. À partir d’une analyse de l’anthropologie de l’amour qui est sous-jacente à l’œuvre de Domat – anthropologie liée à l’idée d’ordre, et directement héritée de Saint Augustin – le Traité des lois s’analyse comme un dispositif pour « lier » les hommes à l’amour de Dieu et des autres hommes. Toutefois « lier », comme on le montrera, ne veut pas seulement dire « unir », mais aussi « astreindre » ou « obliger ».