Le droit public a un aspect fondationnaire et légitimant distinct de sa légalité propre. Cette fondation reconduit à l’idée de pouvoir constituant. Ce dernier est « pouvoir à », par distinction d’un « pouvoir sur », et il trouve s’enracine dans la génération intersubjective de la solidarité égalitaire. C’est ce que soutient l’ouvrage fondateur de M. Loughlin. Cet article montre toutefois qu’il y a de bonnes raisons de ne pas suivre jusqu’au bout l’idée schmittienne selon laquelle la prise de terres est l’origine du nomos et du politique, ainsi que son intégration dans le pouvoir constituant. Cet article soutient que la généalogie du politique et du pouvoir constituant va bien au-delà du nomos et de la prise de terres. Le processus qui conduit à aux ordres concrets des empires et des cités-États socialement différenciés sur la base de structures agraires n’est que l’une des multiples voies possibles de l’évolution, et l’État moderne est en réalité une réalisation très particulière de cette histoire, comme l’ont déjà montré Rousseau et Marx. Il s’ensuit que le « social » n’est pas seulement une menace pour le politique, mais également son champ d’effectuation, et qu’il y a un pouvoir constituant par delà l’État. Le « pouvoir à » constituant peut constituer un État, mais aussi bien une société sans État, et il constitue des formations politiques, juridiques et étatiques structurellement distinctes, comme la fondation de l’État cosmopolite de l’Église du XIIe siècle ou l’État démocratique moderne du XXe siècle, qui sont tous deux des États post-nomos.