Le peuple souverain peut-il coïncider avec le peuple réel ? La notion de souveraineté du peuple, telle qu’elle a été établie par Rousseau, a hérité de Hobbes et, au-delà , de Bodin, l’idée selon laquelle le sujet souverain ne peut s’exprimer que de façon univoque. Cette univocité implique une fictionnalisation du souverain dont le corrélat est le mutisme obligé des individus composant le peuple réel. Rousseau a reconduit cette fictionnalisation, déjà accomplie d’autre manière par Hobbes, en distinguant la volonté générale de la volonté de tous. La postérité démocratique de Rousseau a au contraire voulu rendre la parole au peuple réel en identifiant celui-ci au corps des citoyens électeurs. On soutient ici que cette identification a obscurci la cohérence de la théorie de la souveraineté. En rappelant ce qui faisait cette cohérence, le présent article veut aussi inviter à penser la démocratie à nouveaux frais : en dissociant son concept de ceux de souveraineté, de pouvoir constituant et d’autolégislation.