Cet article paraîtra en publication définitive dans l'Annuaire de l'Institut Michel Villey, Dalloz, Paris, n°4, 2013. La pagination de cette version pré-publiée dans Jus Politicum correspond à la pagination définitive dans l'Annuaire.
On se propose ici de contribuer à identifier ce que l’on pourrait appeler les modes de présentation de la souveraineté en droit. Pourquoi le vocabulaire de la « reconnaissance » est-il si répandu s’agissant de la souveraineté ? Pourquoi a-t-il été si important d’identifier des « marques » de la souveraineté ? Pourquoi distingue-t-on à son sujet entre « titre » et « exercice » ? La notion de souveraineté n’est pas la seule concernée. Si on regarde, non pas la souveraineté, mais les droits de l’homme, on pourrait poser des questions comparables. En particulier : pourquoi a-t-il fallu les « déclarer » ?
L’hypothèse ici formulée est que ce langage n’a pas été regardé suffisamment en détail, peut-être à cause de présupposés intellectuels trop restrictifs. Il semble possible de montrer que suivre les pistes ainsi désignées permet de comprendre quelque chose au sujet de l’histoire conceptuelle de la souveraineté et des droits de l’homme et de leur statut en droit constitutionnel.
Cette étude commence par questionner les raisons pour lesquelles nous identifions si fortement le droit à quelque chose qui n’a rien à voir avec le sensible, mais résiderait exclusivement dans des significations à caractère normatif. Le propos est de montrer qu’avant même toute interprétation de son contenu, l’identification du droit est un problème en soi. A ce problème, le langage des juristes apporte des solutions. Il parle d’un droit qui réside dans le sensible en tant qu’il y apparaît. Cette apparition s’effectue selon certaines formes précises, codifiées de longue date par la tradition juridique. La première partie de cet article vise à esquisser comment notre conception du droit inclut une prise en compte du phénomène de l’apparition (I). La suite de l’article vise à présenter des cas d’application de cette problématique générale, à travers des observations relatives à la souveraineté et aux droits de l’homme. Dans la seconde partie, on propose de faire usage de cette analyse au sujet de la souveraineté (II). La troisième partie visera à commencer une liste des modes de présentation de la souveraineté que l’on peut identifier au moyen de la méthode ainsi proposée (III). On en proposera ensuite quelques interprétations préliminaires (IV). Enfin, la cinquième partie vise à esquisser le problème de l’apparition des droits de l’homme à travers la forme privilégiée de la « déclaration ». On cherchera à en tirer certaines conséquences en discutant la question du statut dit « modal » (c’est-à -dire soit descriptif soit prescriptif) des déclarations révolutionnaires (V).