La crise de mai 68 n’a que très rarement été envisagée du point de vue du droit constitutionnel. Il s’agit pourtant d’un événement majeur de l’histoire de la Ve République, en ce qu’il a durablement infléchi l’interprétation gaullienne du pouvoir et marqué la fin de la période dite « fondatrice » de la Ve République. Dans la mesure où il s’agit ici d’envisager un phénomène constitutionnel dans toute sa complexité, seule une compréhension large du droit constitutionnel – de « droit politique » – permet d’en appréhender pleinement les apports. Une analyse des archives des conseillers techniques de l’époque (secrétaire général de la présidence, ministère de l’intérieur) et des différentes sources juridiques brutes fait ressortir deux problématiques constitutionnelles principales. La première renvoie aux rapports entre président de la République et Premier ministre et à l’institutionnalisation, grâce à la crise, d’un véritable pouvoir exécutif. La seconde concerne, quant à elle, la sortie de l’exceptionnel et du « tout État » caractéristiques de l’interprétation gaullienne du pouvoir et le passage au fonctionnement d’un gouvernement démocratique en temps ordinaire.