La profonde désaffection des juristes envers l’abstention électorale illustre le fait qu’elle est considérée comme un objet rétif à une appréhension proprement juridique. N’étant pas la violation d’une règle juridique sanctionnable par un juge, le discours juridique semble condamné au silence. Soulignant les affinités électives entre le droit et l’abstention électorale, cette étude a précisément pour ambition de renverser une telle perspective en défendant la thèse de l’existence d’un discours juridique autonome sur cette thématique. Ainsi, elle montre que si politiquement l'abstentionnisme désigne l'attitude de celui qui n’exerce pas son droit de vote, juridiquement l’abstentionnisme désigne l’attitude d’un électeur qui exerce son droit de vote en ne votant pas, conformément à la loi. En d’autres termes, l’abstention est un droit contenu dans le droit de vote dans la mesure où ce dernier n’est qu’une faculté de vote. Mettant en exergue une configuration paradoxale où existe une logique proprement juridique d’exclusion du vote obligatoire, mais où le droit ne peut que proposer le vote obligatoire pour lutter contre l’abstention électorale, cette étude défend l’idée, qu’étant une expression du droit de vote, l’abstention devrait donc en pure logique juridique être comptabilisée dans les calculs électoraux. Prolongeant cette équivoque en étendant l’investigation à la question de la démocratie représentative, elle tend enfin à démontrer que les abstentionnistes ne sont pas des ‘‘exclus’’ de la représentation en tant qu’ils sont représentés par les électeurs.