Après avoir montré combien il est difficile de penser le pouvoir constituant dans un État fédéral comme le Canada, l’auteur décrit les débats au sujet du pouvoir de déconstitutionnalisation reconnu aux membres de la fédération canadienne par les clauses de dérogation aux droits fondamentaux prévus par la constitution formelle canadienne et le droit quasi constitutionnel de certaines provinces. Enfin, il montre comment l’actuel gouvernement québécois a mobilisé une double conception du pouvoir constituant dérivé à l’occasion de la réforme constitutionnelle qu’il a entreprise en adoptant la Loi sur la laïcité de l’État et la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. La première conception, fondée sur la souveraineté parlementaire, attribue le pouvoir constituant à l’Assemblée nationale, et la deuxième fait de la nation le titulaire de ce pouvoir. La combinaison de ces deux représentations du pouvoir constituant a le grand mérite, du point de vue du parti au pouvoir, de faire de sa majorité parlementaire l’interprète de la volonté de la nation. Elle l’autorise également à présenter la dérogation aux droits individuels garantis par la Charte canadienne comme un moyen de protéger la nation québécoise dont il est le porte-parole contre les assauts du multiculturalisme canadien. Malheureusement, ce faisant, il se trouve à dépeindre toutes les revendications de droits et libertés individuels, y compris celles qui se fondent sur les garanties prévues par la Charte québécoise des droits et libertés, comme attentatoires aux « droits collectifs » de la nation.