La métaphore d’un dialogue entre les juridictions constitutionnelles et les législatures est née au Canada pour décrire le rôle de la Cour suprême après l’adoption de la Charte des droits et libertés en 1982. Elle a ensuite été reprise au sein d’un espace académique anglo-américain du droit constitutionnel comparé puis en Amérique latine, afin de décrire ou d’appeler à une nouvelle conception de la justice constitutionnelle, dont la rationalité délibérative renforcerait voire dépasserait la représentation politique. Ces reformulations illustrent une certaine circulation des idées constitutionnelles en même temps que le travail doctrinal de légitimation du pouvoir des juges, dans des contextes pourtant très différents. Déjà au Canada, la métaphore a été vivement contestée. C’est l’association même de la justice constitutionnelle au paradigme délibératif qui interroge, puisque l’on voit mal comment la fonction de contrôle du juge et ses pouvoirs d’annulation ou de modification des textes législatifs pourrait être autre chose qu’un transfert au sein de la séparation des pouvoirs.