Cet article vise à analyser les trois décisions rendues par les juges britanniques, et notamment la Cour Suprême dans la décision Miller du 24 janvier 2017, décisions qui ont composé la première « séquence » judiciaire du Brexit. La question posée aux juges portait spécifiquement sur l’organe compétent pour procéder à la notification du souhait du Royaume-Uni de se retirer de l’Union Européenne, notification prévue par l’article 50 du TUE. Il s’agissait ainsi de déterminer si le gouvernement pouvait prendre cette initiative en vertu de la Prérogative royale, qui lui permet de négocier et conclure les accords internationaux, ou s’il devait pour cela y être autorisé par le Parlement, en raison des conséquences juridiques que la notification entraînerait pour le droit interne britannique. Or ces trois décisions divergent non seulement sur la réponse donnée à cette question de droit constitutionnel mais plus largement sur la portée juridique de l’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés européennes en 1973. Ces différences d’interprétation interrogent à ce titre les modèles moniste et dualiste d’intégration du droit supranational en droit interne. Et l’on peut même s’interroger, au regard de la solution audacieuse retenue par la Cour Suprême reconnaissant, au moment même où le Royaume-Uni s’apprête à se retirer de l’Union, que le droit européen est une source directe du droit britannique, s’il ne s’agit pas là de la revanche posthume du droit de l’Union européenne.