« Cet article se propose d’analyser le port du voile intégral comme une claustration volontaire, une incarcération consentie, une « mort au monde ». En prenant au sérieux la liberté de celles qui le porte. Cette « mort au monde », vécue par les religieux contemplatifs chrétiens, implique pour les juristes de l’Ancien Régime une « mort civile » dont le régime se rapproche de celui, en vigueur, des disparus (art. 122 C. Civ.). La Révolution interdit en février 1790 les vœux perpétuels au nom de la liberté individuelle de se désengager. En 1792, l’Assemblée décrète l’interdiction du costume religieux, y compris dans les couvents au motif que, pour eux, « l’acte sacré de la profession religieuse l’emporte sur le contrat social ». Selon cette doctrine constante, appartenir à la société des citoyens suppose donc de ne pas être, en même temps, « mort au monde ». Au moins dans l’espace public, conçu comme espace de la con-citoyenneté, car le retrait du monde est, par définition, une liberté dans la sphère privée.Cette lecture suggère de fonder l’interdiction du voile intégral sur la citoyenneté républicaine et démocratique (article 1er de la constitution) plutôt que sur un « ordre public immatériel » juridiquement incertain. »