L’érosion contemporaine du couple formé par les concepts de citoyenneté et de nationalité, signe d’une dégradation du cadre traditionnel de l’État-nation, invite à questionner les origines historiques de leur imbrication. Si la citoyenneté moderne trouve sa source dans la Révolution française, celle-ci ne fut en revanche pas en mesure de conceptualiser l’idée de nationalité en tant que catégorie juridique autonome. Moins préoccupés d’achever la construction de l’État moderne que de donner naissance à une nouvelle conception de l’autorité par l’intermédiaire du gouvernement représentatif, les révolutionnaires n’ont envisagé la Nation qu’en tant qu’entité politique. La qualité de Français n’était alors qu’une condition d’accès à la citoyenneté, définie dans le but d’identifier les membres du souverain collectif. Or, parce qu’elle obéissait à des critères plus idéologiques qu’objectifs, la distinction du Français et de l’Étranger, et avec elle la physionomie de la communauté nationale, n’a cessé de fluctuer au gré des aspirations cosmopolites ou au contraire ostracisantes d’une Nation en proie aux tumultes révolutionnaires. Ce constat invite à relativiser la dimension matricielle classiquement accordée à la Révolution, qui constitue avant tout une phase de transition entre l’Ancien Régime et l’avènement du droit public moderne.