Le conflit normatif est une composante essentielle du fédéralisme, lequel façonne les affiliations par le droit et est constitutionnellement lié au pluralisme juridique. En dépit d’engagements préalables sur la réparation structurelle des compétences, le pouvoir est régulièrement renégocié dans les fédérations. Pour cela, des mécanismes de médiations sont requis. Dans cet essai, j’analyse deux méthodes – l’essentialisation de la répartition des compétences d’une part et, d’autre part, le fait de réduire les droits individuels ou bien de l’identité propre des entités fédérées – qu’ont développées les cours des États-Unis et d’Europe en rendant leur décision au nom du fédéralisme. La position essentialiste relie certains domaines d’activité particuliers à des niveaux de gouvernance, et justifie ses décisions à partir d’une conception naturaliste de l’autorité et qui en pose la singularité. Les réductions auxquelles donnent lieu le fédéralisme sont ici illustrés par les analyses que tient la Cour suprême des États-Unis sur la question de savoir si les juges des États fédérés ont ou non « excessivement tort » quand ils statuent sur les droits des prévenus dans le cadre d’affaires pénales, et par l’examen des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui invoquent la marge d’appréciation. Ces réductions ou bien rendent moins efficient un droit spécifique par égards pour les revendications d’autorité ou d’identité d’une entité fédérée, ou soulignent au contraire le fait que la décision de l’entité fédérée outrepasse ses prérogatives pour favoriser l’efficience de ce droit.
Je soutiens que les positions essentialistes sur le pouvoir des entités fédérées ou de l’entité fédérale dissimulent l’activité et la pratique des juges par laquelle ils choisissent en réalité la manière dont sont caractérisées les activités déterminantes pour le degré de pouvoir. Au contraire, lorsqu’ils procèdent à des réductions, les juges doivent rendre compte de la manière et des raisons pour lesquelles le centre, l’unité inférieure ou les individus supportent les coûts ou récoltent les bénéfices des différences dans la protection des droits. En outre, si de telles réductions sont provisoires, elles servent potentiellement les buts du ou des fédéralisme(s), qui sont de concilier les différentes sources juridiques en reconnaissant des désaccords en cours et la nécessité d’échanges renouvelés au sujet de l’étendue des droits et des aspects qui lient l’identité des centres et des unités inférieures.