La Colombie est l’un des rares pays où le juge constitutionnel reconnaît son rôle politique, achève le régime de la Constitution de 1886, limite le nombre de mandats présidentiels consécutifs, ne s’incline pas devant le législateur constitutionnel, et déclare des révisions constitutionnelles inconstitutionnelles. Comment et pourquoi ces « paradoxes » sont-ils juridiquement possibles ? Cette étude répond à cette question en analysant les décisions d’un juge qui touche la magie du pouvoir constituant et qui fait appel à la théorie juridique et politique du pouvoir constituant, comme son dernier outil juridique dans un contexte de présidentialisme.
Ce travail rapproche la théorie constitutionnelle et le droit positif colombien au travers de la jurisprudence constitutionnelle colombienne à l’égard des révisions depuis 1989 jusqu’à 2012. D’une part, l’article présente le rôle de la Cour suprême dans la transition constitutionnelle vers la Constitution de 1991, sa jurisprudence dé-constituante et reconstituante qui fait écho à Sieyès et Schmitt. Et d’autre part, le rôle de la Cour Constitutionnelle qui, faute de compétence et de clause d’intangibilité, a créé « la doctrine du remplacement de la Constitution » pour déclarer des révisions constitutionnelles inconstitutionnelles.