L’un des facteurs clés de la relégation du concept de légitimité hors de la science juridique est le relativisme des valeurs, thèse méta-éthique véhiculée notamment par l’école de Vienne. Si l’on est relativiste, on se doit, en tant que scientifique du droit, d’exclure tout propos sur les valeurs. A l’encontre du lien ainsi établi, le présent article entend montrer, à travers un retour à l’épistémologie complexe, et souvent ignorée, de Max Weber, à quelles conditions épistémologiques il est possible, pour un scientifique du droit (du droit constitutionnel), de faire cohabiter ces trois thèmes étroitement associés au nom de Weber que sont le relativisme des valeurs (ce qu’il appelait la « guerre des dieux »), l’idéal de scientificité (associé, dans la vulgate wébérienne, à la notion ambiguë de « neutralité axiologique ») et une approche scientifique de la légitimité. Il s’agit, en quelque sorte, sur fond d’un certain néokantisme partagé par les deux, d’éclairer l’écart qui sépare l’exigence de la « pureté (Reinheit ) » de Kelsen et celle de la « neutralité axiologique (Wertfreiheit) » de Weber.