Kelsen, lecteur critique de Rousseau : de la volonté générale à la volonté collective
La théorie de la démocratie de Kelsen s'inscrit explicitement dans la tradition rousseauisste. Il s'agit toutefois d'un héritage critique, Kelsen cherchant à purger sa doctrine des scories métaphysiques qu'il décèle chez le philosophe genevois. Cela est particulièrement vrai du concept de volonté générale.
Kelsen as a critique of Rousseau : from general will to collective will. The theory of democracy of Kelsen explicitly enshrined in the rousseauisste tradition. However, here is a critical heritage; Kelsen seeking to wipe out his doctrine of the metaphysical dross that he detects in the Genevan philosopher. This is especially true when we are talking about concept of the general will.
Kelsen als kritischer Leser von Rousseau : vom Gemeinwille zum KollektivwillenKelsens Demokratietheorie wurde explizit in den Bahnen der rousseauistischen Tradition gedacht. Es handelt sich jedoch um ein kritisches Erbe, da Kelsen die (in seinen Augen) metaphysischen Schlacken in der Theorie Rousseaus zu entfernen versucht. Das gilt insbesondere für den Begriff des Gemeinwillens.
Introduction
En matière de philosophie politique, Hans Kelsen a souvent été présenté comme une sorte de rousseauiste contemporain. Et il est vrai que le juriste autrichien inscrit très explicitement sa théorie démocratique dans la filiation du philosophe genevois. Pourtant, le rapport de Kelsen à Rousseau est plus ambigu qu’il n’y parait. Certes, il lui emprunte certains raisonnements et voit en lui le « plus éminent analyste de la démocratie ». Toutefois, et on le souligne moins souvent, il parait « évident » à Kelsen que Rousseau « s’est empêtré dans [certaines] contradictions » qui révèleraient une conception fausse de la démocratie parce que teintée d’une idéologie trompeuse. Il est remarquable de constater que le désaccord porte sur une des notions centrales de la construction rousseauiste : la notion de volonté générale. Plus précisément, le dialogue entre les deux auteurs signale le passage d’une conception de la volonté générale à une théorie de la volonté collective. D’une certaine manière – c’est du moins ainsi que Kelsen semble considérer la chose – on assisterait là à l’effondrement de l’une des dernières illusions idéologiques engendrées par la démocratie. En ce sens, nous aimerions montrer, dans les pages qui suivent, comment Kelsen lit Rousseau et comment il entend à la fois prolonger et dépasser sa pensée.
Pour ce faire, nous partirons de la lecture que les deux auteurs donnent du concept de liberté (première partie). Il apparaîtra à cette occasion que les deux pensées présentent de fortes analogies, tout en étant nettement distinctes. Après avoir examiné les raisons qui amènent Kelsen à rejeter le concept de volonté générale, nous nous consacrerons aux conclusions qu’il en tire (deuxième partie). Il s’agira surtout de comprendre comment la théorie kelsénienne de la démocratie s’emploie à remplacer le concept qu’elle a ainsi condamné.
1. La question de la liberté, de Rousseau à Kelsen
A. De l’analogie entre « État de nature » et « liberté primitive »
L’une des différences les plus évidentes entre les deux auteurs est que Kelsen récuse le schéma contractualiste qui sous-tend le raisonnement de Rousseau. Ce rejet n’est évidemment pas la conséquence d’une lecture superficielle de Rousseau. Kelsen est parfaitement conscient que le contrat social n’est, chez Rousseau, qu’une hypothèse heuristique. Il est lui-même trop familier de ce type de raisonnement pour le mépriser. Du reste, la critique de Kelsen demeure rapide et assez peu argumentée. Il se contente en effet d’indiquer que la formation volontariste d’une société et d’un État n’est pas un phénomène si fréquent car « on nait le plus souvent dans un État préexistant, sous l’empire d’un ordre juridique à la création duquel on n’a pas participé, et qui doit par suite apparaître immédiatement comme une volonté étrangère ». Comme nous le verrons, Kelsen interprète vraisemblablement l’hypothèse contractualiste comme une construction idéologique dont la visée serait de rendre plus acceptable la domination des uns sur les autres.
Quoi qu’il en soit, cet abandon du schéma contractualiste, ne se traduit pas par un rejet pur et simple du rousseauisme. En effet, la théorie démocratique de Kelsen compte de nombreux motifs qui semblent avoir été empruntés à Rousseau, puis retranscrits dans une perspective qui fait l’économie du pacte fondateur. On retrouve donc chez Kelsen un équivalent fonctionnel de la distinction rousseauiste entre « l’état de nature » et « état civil ». La principale différence est que Kelsen, précisément parce qu’il refuse le schéma contractualiste, doit transposer cette dualité dans d’autres catégories. Il ne distingue donc pas des « états » (plus ou moins hypothétiques) mais plutôt des interprétations d’une seule et même idée : celle de la liberté. En effet, selon Kelsen, la démocratie est la réalisation plus ou moins achevée de l’idée de liberté. Or, dans le processus qui mène à la fondation de la démocratie, l’idée de liberté aurait connu deux transformations successives. Chacune d’entre elles aboutit à une « approximation » de l’idée de liberté. Et à chacune de ces différentes versions de l’idée correspond un mode d’organisation sociale et politique, ainsi qu’un système décisionnel et institutionnel.
À cet égard, il faut surtout remarquer la grande proximité qu’entretiennent l’« idée primitive de liberté » de Kelsen et « l’état de nature » de Rousseau. Ainsi, chez Kelsen, l’idée de liberté apparaît d’abord sous une forme primitive, qui a pour principales caractéristiques d’être instinctive, naturelle et individuelle. C’est un « instinct primitif », surgit du « tréfonds de l’âme humaine », et par lequel c’est « la nature elle-même » qui se révolte contre le « tourment de l’hétéronomie ». C’est ce qui explique que cette première approximation de l’idée de liberté soit réputée foncièrement antisociale et antipolitique. Elle serait même, « de par son essence la plus profonde, la négation absolue du social, donc du politique et [formerait] ainsi le contrepoint de toute théorie sociale et de toute pratique politique ». Selon Kelsen, le concept même d’ordre social implique l’hétéronomie, c’est-à -dire, pour un individu, l’obligation de se conformer à une volonté qui n’est pas la sienne. Sous sa forme primitive, l’idée de liberté consiste, pour chaque individu, à refuser de se plier à une volonté externe et donc à n’obéir qu’à sa propre loi. C’est une revendication d’autonomie individuelle. La liberté primitive ne peut donc pas engendrer d’elle-même un ordre social et politique ; elle relève du Sein et non du Sollen. Pleinement réalisée, elle est même inconciliable avec l’ordre social. Elle ne peut aboutir qu’à une forme d’anarchie égalitaire ; hypothèse d’ailleurs décrite comme irréaliste car le caractère initialement égalitaire serait rapidement détruit par les rapports de force.
À l’évidence, « l’idée primitive » de liberté, entretient des rapports d’analogie avec « l’état de nature » de Rousseau. Laissons de côté la question de savoir comment cet état, selon Rousseau, est successivement heureux, puis intolérable. Il est remarquable que l’homme de l’état de nature soit décrit par Rousseau comme un « animal stupide et borné ». C’est le passage à l’état civil qui produira en lui ce « changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et [en] donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant ». Ce qu’en termes néo-kantiens on aurait pu traduire par le passage du Sein au Sollen. En outre, on remarquera que l’état de nature se caractérise successivement par une absence de société, puis par une sociabilité primitive malheureuse et délétère. Par sa définition même, l’état de nature est chez Rousseau une sorte de carence sociale ; de même que la liberté primitive de Kelsen est le contraire de l’ordre social. Enfin, l’anarchie égalitaire que l’état de nature semblait devoir instaurer, tourne immanquablement à l’inégalité et partant à la domination du plus fort. De sorte que la liberté naturelle se détruit d’elle-même (raisonnement qu’on retrouve quasiment à l’identique chez Kelsen).
Bref, l'influence du rousseauisme sur la pensée de Kelsen semble à ce stade assez clairement établie. Les deux auteurs partent de concepts qui, pour être distincts, n’en sont pas moins profondément apparentés. Même en rejetant le contractualisme, Kelsen fait l’hypothèse d’une forme de vie primitive, prénormative et antépolitique. Cette forme de vie est non seulement asociale, mais elle est aussi fondamentalement autodestructrice. L’aspiration qu’elle traduit se retourne contre elle-même. On sait que, pour Rousseau, la sortie de cet état passe par le contrat social. Pour Kelsen, elle passe par la lecture de Rousseau.
B. Les transformations de l’idée de liberté
En effet, si le philosophe genevois lui apparaît comme le « plus éminent analyste de la démocratie », c’est parce qu’il aurait puissamment œuvré à la transformation la plus profonde de l’idée de liberté : le basculement vers la liberté politique. Schématiquement, Kelsen comprend cette transformation comme une persévérance du concept de liberté, doublée d’un changement de son prédicat. Autrement dit, la liberté est toujours comprise comme une forme d’autonomie : elle consiste toujours, pour un sujet, à déterminer de manière indépendante la norme qui guide son action. Toutefois, avec la liberté politique, l’autonomie n’est plus celle d’une constellation de sujets individuels mais celle d’une collectivité : « le mot d’ordre n’est plus l’individu libre, mais l’État libre ». C’est ainsi, si l’on préfère, que « la liberté de l’anarchie devient la liberté de la démocratie ». Dans l’État démocratique, le peuple est réputé libre, c’est-à -dire qu’il détermine lui-même la loi à laquelle il se soumet. Selon une autre formule de Kelsen bien connue (d’ailleurs empruntée au Contrat social), la démocratie est le régime qui assure la plus grande correspondance possible entre le peuple auteur du droit et le peuple soumis au droit. Or Rousseau fut, aux yeux de Kelsen, le véritable héraut de cette transformation de l’idée de liberté, et à ce titre un « apôtre radical de la liberté ». En distinguant la « liberté naturelle » qui appartient aux hommes de la « liberté civile », qui est le propre du citoyen, Rousseau aurait en quelque sorte inventé la formule moderne de la démocratie. Sa force aura été de démontrer que le citoyen pouvait demeurer libre tout en étant soumis à un ordre contraignant extérieur à sa propre volonté ; la condition de cette liberté étant, bien entendu, la participation de ce citoyen à la formation de l’ordre concerné.
Kelsen prend toutefois ses distances avec le raisonnement de Rousseau, et cela ne tient pas seulement à son refus du contractualisme. C’est surtout le concept de volonté générale, forgé par Rousseau, que Kelsen rejette. Sa critique est ici quelque peu tortueuse car elle part d’un accord qui n’est en réalité qu’apparent. Tout d’abord (et bien que cela ne soit pas vraiment le cas), Kelsen fait mine d’approuver la manière dont Rousseau pose le problème. À savoir, la recherche bien connue « d’une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chacun, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ». Toujours est-il que, selon le « Rousseau de Kelsen », cette question se pose avant la passation du contrat et l’invention de la liberté civile. La passation du contrat elle-même implique donc nécessairement la mise en œuvre d’une liberté qui ne saurait être que naturelle. Puisque Kelsen comprend cette liberté essentiellement comme individuelle, cela suppose de respecter la volonté de chacun des contractants. Il est donc logique, explique Kelsen, que chez Rousseau, la conclusion du contrat social exige un accord unanime des contractants. Du reste, et selon Kelsen, la passation du contrat social aurait deux conséquences qu’il ne faut pas sous-estimer. En premier lieu, elle déboucherait sur une forme de démocratie directe, Rousseau combattant l’idée de représentation. En second lieu, elle s’accompagnerait d’une fiction idéologique, dont la fonction n’est pas encore claire à ce stade du raisonnement. Cette fiction réside essentiellement dans l’idée de personnalité morale de l’État. En tout état de cause, cette personnalisation est réputée trompeuse car l’État et le système juridique se confondent pleinement dans la pensée de Kelsen.
Kelsen relève toutefois que l’unanimité n’est requise dans le système rousseauiste qu’au moment de la conclusion du contrat social. Une fois que le contrat est conclu, Rousseau estime que les décisions collectives doivent être prises à la majorité absolue. Or, c’est là un raisonnement qui paraît fautif à Kelsen parce que contradictoire. Son raisonnement est le suivant. Si la notion de liberté n’avait pas été altérée par la passation du contrat, alors, dans l’état civil, chaque citoyen devrait pouvoir abandonner l’État au moment où sa propre volonté serait contredite par la volonté commune. Cette conséquence, évidemment intenable, montrerait clairement « l’incompatibilité de la définition qu’a Rousseau de la liberté, de la liberté naturelle, avec l’ordre social ». Nous le savons, l’idée de Kelsen est que le concept d’ordre social implique nécessairement la possibilité d’une différence entre le contenu de cet ordre et la volonté de ceux qui y sont assujettis. Bref, tout ordre social suppose une part d’hétéronomie. Pour Kelsen, si Rousseau abandonne la procédure unanimiste, une fois le contrat conclu, c’est parce qu’il considèrerait qu’une nouvelle forme de liberté (i.e. la liberté civile) a succédé à la liberté naturelle. Conscient que l’ordre social n’aurait pas de consistance si chacun pouvait y renoncer à son gré, Rousseau recourrait donc à un choix radical qui consisterait à transformer le concept de liberté. Or, cette transformation consisterait principalement à introduire une notion que Kelsen réfute : la notion de volonté générale.
Kelsen commence par relever qu’il s’agit là d’un « concept mystérieux », jamais clairement défini, mais que Rousseau distingue nettement de la « volonté de tous ». Ainsi, avec le passage à la liberté civile, serait réputé libre non plus celui qui n’est soumis qu’à sa propre volonté, mais celui qui a en partage le pouvoir souverain. Cela suppose qu’en cas de divergence entre la volonté individuelle et la volonté générale, cette dernière pourrait forcer l’individu à être libre. Rousseau ne cache d’ailleurs pas le caractère problématique de la question : « on se demande, écrit-il, comment un homme peut être libre et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. Comment les opposants sont-ils libres et soumis à des lois auxquelles ils n’ont pas consenti ? ». Pour expliquer ce mystère, Rousseau pourrait aisément recourir à la fiction contractualiste. La réponse la plus simple serait de dire que par le contrat, adopté à l’unanimité, chacun s’engage par avance à accepter la décision majoritaire, y compris si elle devait lui donner tort. Kelsen n’évoque pas cette interprétation possible. On peut supposer que cela résulte de son approbation initiale de l’entreprise rousseauiste. En effet, la « solution contractualiste » du problème supposerait d’admettre que par le contrat, les individus se soient volontairement liés les mains pour l’avenir. Or cela ne serait guère compatible avec la visée initiale, à savoir que « chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ».
Au lieu de recourir à cet expédient, et précisément parce qu’il est conséquent dans son apostolat de la liberté, Rousseau se tournerait donc vers une autre solution. Il réinterpréterait la signification du vote. Selon cette vue, l’opération de vote ne consisterait pas seulement à exprimer sa propre volonté, mais aussi à exprimer son opinion sur le contenu de la volonté générale. Il écrit, de manière assez ambigüe :
« La volonté constante de tous les membres de l’État est la volonté générale : c’est par elle qu’ils sont citoyens et libres. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale qui est la leur : chacun en donnant son suffrage dit son avis là -dessus, et du calcul des voix se tire la volonté générale. Quand donc l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé, et que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas. »
C’est évidemment ainsi que la volonté générale peut « forcer » celui qui est minoritaire à être libre. C’est ainsi que la volonté générale peut être à la fois contraire à la volonté d’un citoyen, tout en étant l’expression d’une volonté dont il participe et qui, de ce fait, est aussi réputée sienne. C’est précisément cette construction que Kelsen rejette comme contradictoire. Il découle en effet de la théorie rousseauiste que le citoyen exprime conjointement deux volontés : « sa volonté particulière en tant que sujet, et sa volonté en tant que citoyen, laquelle est comprise dans la volonté générale, et que ces deux volontés peuvent entrer en conflit, de sorte qu’un homme pourrait, en même temps, vouloir une chose et son contraire ». C’est d’ailleurs là une idée que Rousseau exprime de manière assez explicite.
Outre la contradiction, le raisonnement de Rousseau s’accompagne d’un présupposé que Kelsen ne peut accepter car il est fondamentalement incompatible avec son relativisme axiologique. L’idée selon laquelle le vote est une opération de connaissance – fût-ce une connaissance de la volonté générale – est parfaitement étrangère à Kelsen. Selon lui, l’axiologie n’est pas susceptible de faire l’objet d’une connaissance. En ce sens, le vote est exclusivement une opération de volonté : il ne peut être que la manifestation d’une préférence personnelle. De la sorte, il ne peut exister qu’une volonté collective, agrégation de volontés sectorielles, bref « un compromis entre intérêts opposés ». Il est impossible de dire si cette volonté collective est « juste » ou « vraie », car il n’existe aucun standard universellement admissible de la justesse ou de la vérité axiologique. Au contraire, pour Rousseau, il existe une volonté générale qui est « toujours droite », et qui « tend toujours vers l’utilité publique ». Dans cette perspective, rejetée par Kelsen, il existe donc une « utilité publique » objective. La méthode proposée par Rousseau pour la découvrir est un peu mystérieuse, car elle consiste en une « délibération » dans la laquelle les citoyens n’ont « aucune communication entre eux ». La seule chose qui est certaine est que cette sorte de délibération solipsiste permettrait à chaque citoyen de se former une idée juste de l’utilité publique et donc de la volonté générale. Si l’on en croit Rousseau, le principal obstacle à cette opération serait la constitution d’intérêts collectifs particuliers, c’est-à -dire de « brigues » et « d’associations partielles » qui obscurcieraient la saine appréhension de l’utilité publique. On remarquera au passage que l’abandon des concepts de « volonté générale » et « d’utilité publique objective » amène Kelsen à un tout autre jugement que Rousseau sur les « brigues » et autres « associations partielles ». Dans la conception kelsénienne, la démocratie est nécessairement un État de partis [Parteienstaat], et leur concours à la formation d’une volonté collective est fondamental. C’est là d’ailleurs une autre raison qui milite fortement contre l’idée d’une volonté générale, gage d’un intérêt objectif connaissable et supérieur aux intérêts sectoriels. Comme l’écrit Kelsen : « précisément parce qu’en tant qu’État de partis, elle veut que la volonté générale ne soit pas autre chose que la résultante des volontés diverses des différents partis, la démocratie peut renoncer à la fiction d’une volonté générale « organique » supérieure aux partis ».
Bref, l’idée qu’il existerait une « utilité publique » objective, et qu’il serait possible de la saisir au moyen d’une « volonté générale » est manifestement incompatible avec le relativisme axiologique qui, chez Kelsen, fonde l’idée démocratique. Dans le monde purement immanent de Kelsen, il n’existe que des volontés particulières qui s’expriment à travers des appareils politiques. Le rôle du système démocratique est de leur permettre de s’agréger, formant ainsi une volonté collective dont le droit sera la traduction normative.
Reste alors à savoir ce que signifie, chez le juriste autrichien, la « transformation de l’idée de liberté » qui fonde la démocratie.
2. Liberté et démocratie chez Kelsen
A. Une critique de l’idéologie démocratique
Pour le comprendre, il faut se souvenir de la portée critique revendiquée par la théorie kelsénienne. La chose est assez simple. Selon Kelsen, en réalité, l’acceptation de l’ordre social suppose nécessairement une diminution de la liberté individuelle. C’est là une limite indépassable, car le concept même d’ordre social suppose la possibilité d’être mis en minorité, c’est-à -dire d’être soumis à une norme que l’on n’a pas voulue. Partant, il n’y a pas lieu de masquer cet état de fait. Il faut, au contraire, le reconnaître pleinement, ce qui suppose de se déprendre de l’idéologie démocratique elle-même. La principale conséquence de cette idée demeure tacite chez Kelsen, mais on peut la déduire de son raisonnement. Il nous semble, qu’à ses yeux, la liberté collective n’est pas différente par nature de la liberté primitive. Le passage de l’une à l’autre ne suppose qu’un changement de degré. Cette diminution du degré de liberté est en quelque sorte le tribut qu’exige nécessairement tout ordre social. Pour le dire plus explicitement, il faut faire son deuil d’un système qui autoriserait une complète liberté individuelle car cela serait inconciliable avec l’ordre social – quelle que soit sa nature. Cependant, Kelsen estime que cette diminution est plus ou moins importante selon les systèmes politiques institués. Et, si l’idée de liberté demeure l’idéal régulateur d’une société, alors il existe un système plus adapté que les autres : c’est la démocratie.
C’est d’ailleurs ainsi que Kelsen justifie la procédure décisionnelle majoritaire. Selon lui, la règle de la majorité absolue est la limite supérieure d’un système démocratique. Le critère est ici purement quantitatif. Ainsi, d’une manière générale, la meilleure réalisation sociale possible de l’idée de liberté (la meilleure « approximation », sous contrainte de l’ordre social) est celle où les citoyens libres sont aussi nombreux qu’il est possible. Or, « liberté » signifie toujours accord entre la volonté de l’individu et la norme à laquelle il est soumis. En ce sens, une décision prise à la majorité absolue est toujours l’assurance que plus de la moitié des votants sont partisans de la décision en question. On est alors certain que l’autonomie l’emporte sur l’hétéronomie, qu’il y a plus de citoyens libres (soumis à leur propre volonté) que de citoyens soumis à une volonté qui leur est étrangère. Au contraire, une règle décisionnelle fondée sur la majorité qualifiée permettrait à une minorité de bloquer la volonté de la majorité. Dans un tel système, ceux dont la volonté est de ne pas adopter la norme peuvent ne constituer qu’une minorité. Et cette minorité est en mesure d’imposer sa volonté (ne pas adopter) à une majorité qui souhaiterait, au contraire, son adoption. Le plus grand nombre est alors potentiellement soumis à l’hétéronomie. Si l’on préfère, la décision exigeant une majorité qualifiée n’assure pas nécessairement que le plus grand nombre de citoyens seront libres, c’est-à -dire soumis à leur propre volonté. Kelsen souligne par ailleurs que ce raisonnement suppose l’acceptation préalable du principe d’égalité entre les citoyens.
En suivant ce raisonnement, Kelsen ne modifie pas le sens de son concept de liberté. La liberté s’entend toujours au sens de la liberté primitive (autonomie de l’individu). La seule chose qui change réellement, par rapport à l’hypothèse irréalisable d’une anarchie égalitaire, c’est que l’on accepte pleinement l’idée que certains seront contraints (soumis à une volonté étrangère), du fait de l’ordre social. Autrement dit, le principal bénéfice du système démocratique est simplement de permettre que ces derniers soient toujours une minorité. C’est la raison pour laquelle, Kelsen parle d’une meilleure « approximation de l’idée de liberté ». Par rapport à l’hypothèse d’école d’une anarchie égalitaire (que l’on sait impossible), cette approximation est donc nécessairement une diminution de la liberté. Comme l’écrit Kelsen : « en se contentant de décisions à la majorité, la démocratie se satisfait d’une simple approximation de son idéal premier ». La démocratie est en quelque sorte le pis-aller de la liberté, pour qui a compris que la liberté primitive ne pouvait gouverner les sociétés humaines.
C’est d’ailleurs la méconnaissance de ce raisonnement qui expliquerait, selon Kelsen, les « contradictions » dans lesquelles Rousseau se serait enferré. Elles s’expliquent par sa « volonté de sauver l’illusion d’une liberté naturelle, c’est-à -dire absolue ». Kelsen n’explicite pas cette idée mais il est possible d’en découvrir l’origine. Il nous semble qu’elle réside dans le point de départ de Rousseau, dans la démarche consistant à rechercher « une forme d’association […] par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant ». Même s’il fait mine d’approuver ce point de départ, Kelsen ne peut l’accepter en bonne logique. Cela découle de son concept « d’ordre social », qui « par son essence même, […] doit valoir objectivement, c’est-à -dire indépendamment de la volonté de ses sujets ». Autrement dit, il ne peut pas exister de « forme d’association » ou « d’ordre social » qui assure à tous les individus une liberté égale à celle qui aurait été la leur dans l’hypothèse irréaliste d’une anarchie égalitaire. Pour Kelsen, l’ordre social emporte nécessairement une diminution de la liberté. L’erreur de Rousseau aurait été de vouloir croire le contraire. Et c’est ce qui l’aurait amené à forger le concept mystérieux qu'est la « volonté générale ». C’est également là qu’il faut voir l’origine d’une autre fiction idéologique, complémentaire de la précédente : celle de la personnalité morale de l’État. Cette hypostasie douteuse servirait à dissimuler aux individus leur renoncement à l’autonomie individuelle et leur acceptation de la domination, fût-elle démocratique.
En ce sens, la critique de l’idée de volonté générale est assez conforme à la « manière » kelsénienne. Elle se présente comme l’héritière radicale d’une tradition philosophique antérieure. Ce mouvement de radicalisation suppose à la fois de poursuivre la tradition en question mais aussi de l’achever en la nettoyant des scories idéologiques qui l’encombraient encore. Avec Kelsen, en quelque sorte, les « Lumières » brillent plus fort. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les zones d’ombre sont dissipées.
B. La démocratie du compromis
En effet, la présentation que nous avons faite jusqu’à maintenant de la théorie démocratique de Kelsen a fait l’économie d’un élément important : sa composante sociale-démocrate. Or cet aspect de sa théorie amène Kelsen à soutenir des positions qu’on pourrait juger partiellement contradictoires avec celles que nous venons d’exposer.
Evidemment, il est impossible de faire ici un tableau précis de la doctrine sociale-démocrate dans les pays germaniques de l’entre-deux-guerres. On relèvera seulement, de manière très schématique, que cette école conçoit la lutte des classes comme une donnée essentielle de la politique contemporaine. Elle en étend même le concept à d’autres luttes qui sont, en partie, propres à l’univers culturel de la Mitteleuropa (luttes confessionnelles, luttes entre les minorités nationales et la population majoritaire d’un État, etc.). Mais la social-démocratie se démarque du marxisme par le rejet de la révolution. Elle entend dépasser pacifiquement les luttes sociales, grâce aux mécanismes démocratiques. Ces mécanismes doivent permettre à la fois l’expression et l’intégration des différents intérêts sociaux. De leur rencontre doivent naître des compromis durables, qui rendent le droit acceptable pour toutes les parties concernées. La qualité d’un système institutionnel se mesure donc, notamment, à sa capacité à permettre – voire à encourager – la passation continuelle du compromis politique. C’est pourquoi, la démocratie bien constituée est comprise comme un mécanisme de pacification des rapports sociaux. Kelsen partage assez largement ces vues.
D’un point de vue institutionnel, la première conséquence est une préférence marquée pour la représentation proportionnelle. Celle-ci multiplie les groupes parlementaires, assurant aux différents segments de la population une représentation variée, nécessaire à la formation du compromis politique. Il doit en découler une pratique consensuelle du parlementarisme, qui repose essentiellement sur la formation de coalitions gouvernementales. Le gouvernement devient alors le creuset des compromis politiques passés par les partis majoritaires. Toutefois, même dans ce système, il est évident que la minorité parlementaire reste tenue à l’écart du compromis politique. Kelsen tenta de répondre à ce problème en développant, notamment, sa théorie de la justice constitutionnelle. Celle-ci ne connaîtrait son avènement qu’au terme d’une nouvelle transformation de l’idée de liberté. Si l’on suit Kelsen, celle-ci apparaît avec la formation de la démocratie représentative. Surtout, cette nouvelle transformation emporte une modification de la règle décisionnelle. Le principe de la majorité absolue qui pouvait commander le fonctionnement d’une démocratie directe peut désormais le céder à un nouveau principe qualifié de principe « majoritaire-minoritaire ». Comme l’écrit Kelsen : « S’il semblait à l’origine que ce fût le principe de la majorité absolue qui répondit relativement le plus à l’idée démocratique en voie de réalisation, il apparaît maintenant que le principe d’une majorité renforcée peut constituer, dans certaines circonstances une approximation encore plus grande de l’idée de liberté, parce qu’elle représente une certaine tendance à l’unanimité dans la formation de la volonté générale ».
On aura reconnu là l’idée qu’il faut conférer à la constitution une rigidité supérieure à celle de la loi en conditionnant la révision constitutionnelle à l'approbation d'une majorité qualifiée. Kelsen insiste fortement sur cette idée, et entend la doubler, comme chacun sait, d’un système de garantie de la constitution : la justice constitutionnelle. En ce sens, la justice constitutionnelle lui apparait aussi comme une garantie du compromis politique (théorie d’ailleurs partagée par de nombreux juristes de centre-gauche). Comme l’écrit Kelsen : « Si l’on voit l’essence de la démocratie, non dans la toute puissance de la majorité, mais dans le compromis constant entre les groupes représentés au Parlement par la majorité et la minorité, et par suite dans la paix sociale, la justice constitutionnelle apparaît comme un moyen particulièrement propre à réaliser cette idée ». Très schématiquement, le raisonnement repose sur deux grandes hypothèses. Premièrement, la simple menace de saisir la cour constitutionnelle, brandie par la minorité, peut amener la majorité à tenir compte, en confectionnant la loi, des intérêts de la minorité. Ce faisant, la majorité parlementaire accepte de passer un compromis. Deuxièmement, et si la majorité ne fait pas preuve de bonne volonté, la loi qu’elle produit peut être censurée par la cour constitutionnelle. Dans cette hypothèse, il ne reste plus à la majorité qu’à trouver un accord avec une partie de la minorité afin de pouvoir recourir à la procédure de révision constitutionnelle. Cela suppose évidemment un compromis politique, car il y a lieu de penser que les députés de la minorité négocieront leur soutien.
Que l’on partage ou non cette vision, il semble qu’elle soulève un problème important, qui a été souligné il y a quelques années par Michel Troper. L’objection est que Kelsen entre alors, au moins partiellement, en contradiction avec ce qu’il soutenait précédemment. En effet, le système de la majorité qualifiée – qui prévaut pour la modification des normes constitutionnelles – implique qu’une minorité puisse imposer sa volonté à la majorité. Ainsi d’une minorité assez nombreuse pour être qualifiée de « minorité de blocage ». C’est d’ailleurs un raisonnement que Kelsen formule lui-même assez explicitement. On remarquera au passage que le mécanisme joue toujours un rôle conservateur. Quel que soit le contenu matériel de la constitution, les partisans de sa modification seront toujours désavantagés par rapport aux partisans de sa conservation. Toujours est-il, qu’au degré normatif suprême, la démocratie n’assure plus nécessairement la liberté du plus grand nombre possible de citoyens. Ce point appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, il nous semble que Kelsen ne se contredit pas vraiment, puisqu’il postule une nouvelle « transformation » de l’idée de liberté. Avec elle, émerge un principe décisionnel nouveau qualifié de principe « majoritaire-minoritaire ». Pour autant que l’on puisse en juger, ce principe permet la décision majoritaire à certain degré de l’ordre juridique (typiquement, la loi) et impose la décision à la majorité qualifiée à un degré supérieur (typiquement, la constitution). Il nous semble donc que Kelsen, sans renoncer complètement à la décision majoritaire, se résout à la tempérer au nom de la protection de la minorité. Le principe majoritaire-minoritaire ainsi produit apparaît comme un sorte de composite : il résulte du compromis entre deux logiques mutuellement contradictoires. La première est la déclinaison politique de l’idée de liberté : la démocratie et son principe majoritaire. La seconde est une préoccupation de nature libérale : elle encourage des mécanismes de protection de la minorité, ce qui exigerait d’atteindre parfois la majorité qualifiée. Le passage au principe « majoritaire-minoritaire » revient donc, en quelque sorte, à teinter la démocratie d’une certaine forme de libéralisme politique. Ce constat appelle quelques remarques.
Tout d’abord, il n’est pas aisé de savoir quel est exactement le statut de cette transformation aux yeux de Kelsen. À cet égard, deux grandes possibilités nous semblent ouvertes. Selon la première, Kelsen approuverait, voire encouragerait, cette transformation de l’idée de liberté. Il y verrait un facteur de compromis politique, un remède contre une potentielle « oppression » majoritaire. Selon la seconde hypothèse, cette nouvelle transformation de l’idée de liberté serait simplement constatée par Kelsen. Le juriste autrichien se placerait alors dans une position d’observateur. Le cas échéant, cette transformation ultime de l’idée de liberté et du principe décisionnel démocratique pourraient être équivoques. Assurément, le passage de la liberté primitive à la liberté civile revenait à accepter une diminution de la liberté – considérée comme le tribut de l’ordre social. Le passage à la troisième idée de liberté a peut-être un sens voisin aux yeux de Kelsen. Elle est sans doute, elle aussi une diminution de la liberté, ou du moins de la liberté entendue comme autonomie collective. Si nous avons tendance à pencher pour la première de ces deux hypothèses, l’ambiguïté du propos kelsénien demeure.
Quelle que soit la solution de cette question, et même lorsqu’on est conscient qu’il est le résultat d’un compromis, le principe majoritaire-minoritaire soulève un problème important. Pourquoi ce qui vaut pour la loi (la décision à la majorité absolue) ne vaudrait-il pas pour la constitution ? À cette question, on peut apporter une solution institutionnelle plus ou moins inspirée de l’exemple français. Pour cela, il faut partir de l’idée de représentation politique que Kelsen lie explicitement à la dernière transformation de l’idée de liberté. En effet, il semblerait que, dans son système, ce soit l’apparition de la démocratie représentative qui autoriserait l’apparition du principe majoritaire-minoritaire. Or on pourrait arguer qu’un organe représentatif, fût-il élu, n’est jamais tout à fait fidèle à la volonté de ceux qui l’ont formé. Cette distorsion pourrait amener à appliquer le principe « majoritaire-minoritaire » d’une façon bien connue en France : en ne requérant la majorité qualifiée qu’au sein de l’organe de révision représentatif. Il est tout à fait envisageable de concilier les deux procédures décisionnelles en prévoyant une révision référendaire à la majorité absolue, et une révision opérée par une assemblée à la majorité qualifiée. L’exigence d’une majorité qualifiée dans l’organe représentatif serait en quelque sorte le correctif qu’imposerait, précisément, son caractère représentatif. À cet égard, l’art. 89 de notre constitution pourrait être une bonne réponse à l’objection (si l’on fait abstraction de l’aiguillage présidentiel, en cas de projet loi constitutionnelle). Ainsi, la décision à la majorité absolue demeurerait suffisante, même au degré constitutionnel, à condition d’avoir été prise par le corps électoral directement. Par parenthèse, il serait amusant que Kelsen – qui a si souvent été appelé au chevet de la Vème République et de son douteux système de justice constitutionnelle – soit finalement sauvé par elle…
Cette solution ne manque sans doute pas d’intérêt, mais elle ne résout pas tous les problèmes que soulève le principe majoritaire-minoritaire. La principale difficulté nous semble tenir au caractère nécessairement conservateur du mécanisme de la majorité qualifiée. Considérée comme un « correctif » à la majorité absolue, il n’est accepté par Kelsen qu’au nom de la défense de la minorité. Or, cette justification n’emporte la conviction qu’à une condition : il faut être certain que les normes protégées par la rigidité constitutionnelle protègent effectivement la ou les minorité(s). Faute de quoi, c’est en vain qu’on aurait réduit l’autonomie politique, ce qui ne serait guère acceptable d’un point de vue démocratique. Qui plus est, au moment constituant, il faut être à peu près certain que les droits garantis par la rigidité constitutionnelle défendent l’ensemble des minorités présentes mais aussi à venir. Cela peut paraître curieux mais c’est l’une des conséquences du mécanisme. Admettons en effet qu’une minorité nouvelle, c’est-à -dire inconnue du constituant originaire, fasse son apparition. Si elle cherche à obtenir une révision constitutionnelle qui garantirait les intérêts qui lui tiennent à cœur, elle sera désavantagée par la nécessité de rassembler une majorité qualifiée favorable à ce projet. De sorte que le mécanisme destiné à protéger les minorités est aussi susceptible, à l’occasion, de se retourner contre elles.
On remarquera, enfin, que la question ici soulevée n’est pas propre à Kelsen. La justification théorique de la rigidité constitutionnelle – notamment lorsqu’elle passe par le vote à la majorité qualifiée – demeure un problème important du constitutionnalisme contemporain. Kelsen aura eu le mérite de l’avoir soulevé sans fard, et d’avoir souligné sa difficulté. Il nous aura ainsi appris que la disparition d’un « concept mystérieux », n’est pas la disparition du mystère lui-même.
Renaud Baumert est agrégé de droit public et professeur à l’Université Lille II. Il est membre du Centre de recherches droits et perspectives du droit (CRDP) et membre associé de l’Institut Michel Villey. Ses travaux portent principalement sur l'histoire des idées politiques et constitutionnelles. Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre : La Découverte du juge constitutionnel, entre science et politique : les controverses doctrinales sur le contrôle de la constitutionnalité des lois dans les républiques française et allemande de l’entre-deux-guerres, Paris, LGDJ, coll. « fondation Varenne », 2010.
Pour citer cet article :
Renaud Baumert « Kelsen, lecteur critique de Rousseau : de la volonté générale à la volonté collective », Jus Politicum, n°10 [https://juspoliticum.com/articles/kelsen-lecteur-critique-de-rousseau-:-de-la-volonte-generale-a-la-volonte-collective-782]