La théorie des contraintes juridiques n’a cessé de soulever des controverses parmi les théoriciens du droit. Lue conjointement avec la théorie réaliste de l’interprétation dont elle constitue un correctif important, elle se présente comme une théorie explicative de la cohérence du Droit, non par une représentation axiologique ou téléologique de celui-ci, mais fondée sur une représentation de la rationalité des acteurs du système. Comme toute théorie de la cohérence, elle n’échappe pas à une certaine forme de circularité. Par delà ce défaut, plusieurs aspects souvent minorés par les tenants de cette théorie semblent au contraire en révéler l’intérêt, non plus pour les seuls théoriciens, mais pour les juristes en général. Une reformulation de la théorie des contraintes, de manière à revaloriser ses dimensions stratégiques, argumentatives et institutionnalistes, est dès lors possible. Cet article propose ainsi une « théorie stratégique de l’argumentation » dont la portée méthodologique est illustrée par une étude de la question de la fragmentation du droit international.