Partant de prémisses antiformalistes (contra Kelsen), Mortati prétend réconcilier Droit & Politique. La « constitution au sens matériel » - valeurs imposées par le parti politique ayant pris l’ascendant sur les autres partis – est le vecteur de cette réconciliation, seule à même d'atteindre ces objectifs ultimes: l'unité de l'État et l'homogénéité du corps social. La constitution matérielle prime sur la constitution formelle, texte originel (dilatoire) du constituant. Cette dernière, pour demeurer légale et légitime, doit toujours être en adéquation avec la constitution matérielle. On mesure à quel point le raisonnement de Mortati signifie changement de paradigme constitutionnel. Affleurent alors certaines questions: quid de la rigidité des constitutions, conquête du constitutionnalisme moderne? Et cette théorie, écrite en 1940, n'est-elle pas une condamnation sans appel de l'État libéral? Ne permet-elle pas au régime fasciste de superposer sa “constitution matérielle” sur le Statuto albertin de 1848, constitution formelle désormais obsolète? La constitution matérielle revêt alors – dans sa prétention de renouveler la théorie de l'État et de s'affranchir de tout contexte historique – des atours a-libéraux et a-démocratiques.