Comme d’autres événements politiques avant elle, la réforme des retraites a provoqué, lors du printemps 2023, la fougue, l’exaltation et les antagonismes. Contrairement à d’autres, elle laisse le goût amer d’un affaiblissement des institutions mêmes qui auraient pu prétendre en sortir victorieuses. L'article identifie une double brutalisation dans les comportements institutionnels, du côté du gouvernement et de ses soutiens parlementaires, qui ont fait un usage inédit des instruments du parlementarisme rationalisé, comme du côté de certains députés opposés au projet de réforme. Pour qualifier ces événements, l'article s'attache à examiner la pertinence de différents concepts – la crise de régime, la crise politique, la crise constitutionnelle –, en portant une attention particulière au concept de « passage en force constitutionnel », d'origine américaine, qui se révèle riche en enseignements.