Maurice Hauriou, constitutionnaliste (1856-1929)
Plus souvent considéré essentiellement comme un administrativiste, Maurice Hauriou n'en a pas moins développé une véritable pensée constitutionnelle, qui n'a toutefois pas toujours été bien comprise. Puisant ses idées dans l’Ancien régime tel qu’il l’idéalisait, ce conservateur libéral chercha à concilier dans sa théorie politique de l’Etat le besoin d’ordre social avec la protection de la liberté individuelle. Contre les interprétations dominantes des lois constitutionnelles de 1875 marquées par le légicentrisme et la souveraineté parlementaire, le doyen de la faculté de Toulouse s’est attaché à redéfinir le concept de représentation afin de réaffirmer la primauté de l’exécutif et le rôle du juge, garant de la constitution sociale et partant de l’Etat de justice. Ce grand publiciste, par sa non révérence au dogme républicain de l’époque, apparaît comme un véritable « révolutionnaire des concepts ».
Maurice Hauriou, constitutional lawyerM. Hauriou is one of France’s most prominent constitutional lawyers. Yet his thought has fallen victim of some misunderstandings. Hauriou was drawing his ideas from an idealized old régime. As a liberal conservative, he aimed, in his political theory of the State at reconciling the need for social order and the protection of individual liberties. While the dominant interpretation of the constitutional laws of 1875 were in terms of « legicentrism » and parliamentary sovereignty, Hauriou has tried to redefine the concept of representation in order to reaffirm both the executive power’s primacy and the role devoted to courts as bulwarks of the « social constitution » and the « justice state ».
Maurice Hauriou als VerfassungsrechtslehrerMeistens vor allem als Verwaltungsrechtler betrachtet, hat Maurice Hauriou doch einen sehr wichtigen Beitrag zum Verfassungsdenken geleistet, das nicht immer genug verstanden und gewürdigt worden ist. Seine Ideen im von ihm idealisierten Ancien Regime schöpfend, versuchte dieser liberalkonservative Gelehrte das Bedürfnis sozialer Ordnung mit dem Schutz individueller Rechte in seiner politischen Staatstheorie in Einklang zu bringen. Fern von den damals herrschenden Meinungen über die Verfassungsordnung der Dritten Republik (gesetzeszentrierte Staatsauffassung, sog. parlamentarische Souveränität) versuchte Hauriou den Begriff der Repräsentation neu zu definieren, um den Primat der Exekutive und eine stärkere Rolle der Gerichte im Staat zu behaupten.
«L’ordre social établi est
ce qui nous sépare de la catastrophe »
Maurice Hauriou, professeur à la Faculté de droit de Toulouse, est aujourd’hui considéré comme un « classique » par les juristes français du XXe siècle. Sa renommée est telle qu’il est même fréquemment présenté comme un précurseur de la Constitution gaullienne du 4 octobre 1958.
Adoubé par l’histoire, il le fut certainement. Mais de son vivant, Maurice Hauriou fut un révolutionnaire conceptuel et se vécut comme tel. Il n’aurait pas choisi le mot « révolutionnaire » pour se qualifier, lui qui était à la recherche de la paix sociale. Il se présentait, en effet, ouvertement comme un conservateur libéral. Selon lui, la liberté individuelle était un fait naturel qui devait être préservé, tout comme devait être garantie sa condition d’existence, l’ordre social. Comme nous le constaterons, le binôme liberté-ordre explique bien des nuances que Hauriou apporta à sa pensée, nuances par lesquelles il cherchait à saisir la complexité de faits en constant mouvement. C’est ce que ne semblent pas avoir compris ceux qui firent de Hauriou un théoricien de l’autoritarisme, voire du national-socialisme. Certes, comme beaucoup à cette période, Hauriou fut sensible aux désordres causés par la chute du Second Empire, la Commune, les attentats anarchistes, la montée du communisme, l’instabilité ministérielle, les tensions internationales puis la Grande Guerre et le bolchevisme, ensemble d’événements capables de renverser l’ordre établi. Mais, malgré tout, il restait attaché au libéralisme, tempéré par un conservatisme politique et social qu’il synthétisait par son expression « individualisme faillible ».
Cependant, dans le contexte politique français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, Maurice Hauriou était bien un « révolutionnaire des concepts » dans la mesure où il défendit tout au long de sa carrière une conception du droit et de la société en rupture avec le catéchisme républicain que le ministère de l’Instruction publique tenta d’imposer à la fin du XIXe siècle pour légitimer les institutions de la IIIe République. Classique, Hauriou l’est donc devenu car sa révolution des concepts a abouti en de nombreux points. Certes, cette révolution fut une œuvre collective, mais Hauriou mérite toute sa renommée tant sa pensée fut foisonnante, novatrice et originale.
Riches, voire complexes et abstrus pour d’aucuns, les écrits de Hauriou le sont certainement. Cette appréciation est subjective, mais elle révèle, à nos yeux, une ambition politique peut-être incompréhensible aujourd’hui pour les juristes qui oublient que même le normativisme kelsénien renferme une Weltsauffassung et un projet politique. En effet, pour les familiers de ses célèbres notes sous les arrêts du Conseil d’Etat, les écrits constitutionnels de Maurice Hauriou peuvent paraître très, trop philosophiques pour un juriste.
Cet étonnement est pleinement justifié, mais probablement pour des raisons qui nous semblent avoir été mal cernées : les écrits constitutionnels de Maurice Hauriou ont souvent dérouté les juristes de la seconde moitié du XXe siècle, surtout les français, car Hauriou ne s’y faisait pas juriste ! Il ne proposait pas une théorie juridique de l’Etat et encore moins un « précis des institutions » ou une glose sur les lois constitutionnelles de 1875, mais une théorie politique de l’Etat, comme il ne cessait de l’affirmer, même si pour Hauriou, le politique n’était jamais loin du droit car tous deux avaient à voir avec la Justice.
En cela, il était finalement très proche d’Adhémar Esmein. La ressemblance entre les deux œuvres s’arrête là car si le professeur parisien fut le légiste de la République radicale d’avant-guerre, le professeur toulousain entendait refondre la République à l’image de l’Etat de justice, construit sur le modèle de la royauté de l’Ancien régime.
Opposé au légicentrisme et à la souveraineté parlementaire qui lui paraissaient caractériser la IIIe République, hostile à la souveraineté nationale comprise comme délégation d’un pouvoir détenu par le peuple, méfiant envers le suffrage universel égalitaire, Hauriou n’en admettait pas moins la IIIe République. Celle-ci avait le mérite d’apporter la stabilité institutionnelle après la valse des constitutions depuis 1789, mais cette paix sociale et politique ne pouvait se maintenir qu’au prix d’une redéfinition des principes fondateurs de la République. Et c’est dans l’Ancien régime du XVIIe siècle, ou plutôt l’idéal qu’il s’en faisait, qu’il disait être le siècle du classicisme, que Maurice Hauriou piocha ses idées, tout en les remodelant – et ce fut sa force – pour les concilier avec l’Etat industriel du début du XXe siècle, le principe d’égalité consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’avènement du suffrage universel dans le cadre de la République. C’est ainsi que, selon le doyen de Toulouse, la conciliation de la liberté individuelle et de l’ordre trouvait sa perfection dans l’Etat moderne, mais un Etat compris comme un substitut au Roi faisant corps avec l’institution de la Couronne et source de toute justice dans une société organisée de telle façon que l’individualisme fût contrebalancé par une hiérarchie sociale naturelle. D’où l’importance pour Hauriou non seulement de la question du pouvoir, mais de celle qui lui est intimement liée dès que la démocratie directe est impossible : la représentation.
Au cours de sa carrière, c’est d’abord comme administrativiste, intéressé par les sciences sociales, que Maurice Hauriou aborda la question de l’Etat. Mais parce que le Droit devait tendre, estimait-il, vers la Justice et que, tout comme le pouvoir, son essence était une, la « nature des choses » commandait que Hauriou ne se satisfît pas de sa chaire de droit administratif. Il ne pouvait se cantonner aux seuls mécanismes des rapports entre l’administration et les citoyens ; son souci de l’unité devait le conduire au-delà des frontières académiques de cette discipline. Son essai La Science sociale traditionnelle avait été l’une de ses tentatives non seulement de ne pas laisser au courant scientiste le monopole de la nouvelle science qu’était alors la sociologie, mais aussi d’appréhender synthétiquement la société et le phénomène du pouvoir en y mêlant méthode empirique et science juridique et en y restaurant l’enseignement catholique de la distinction du bien et du mal. Toujours à la recherche des fondements sociaux, Hauriou devait ainsi dépasser le cercle du droit administratif et se saisir de ce qui le fondait, le droit constitutionnel. Comme le prouvent sa carrière universitaire et sa bibliographie, la parution de son premier Précis de droit constitutionnel en 1923, apparaissait comme l’achèvement de sa recherche juridique, comme une sorte de remontée à la source. Dans ce Précis, Hauriou synthétisait toutes ses réflexions sur le pouvoir, qui avait trouvé ses schèmes définitifs dans ses Principes de 1916 dans lesquels il revendiqua ouvertement sa conception théologique du droit et du pouvoir. Et c’est parce qu’à ce moment-là , il dominait sa théorie de l’institution et assumait ses convictions thomistes, que se manifesta l’unité fondamentale de sa pensée constitutionnelle – tant ce qu’il estimait être la science du droit constitutionnel que son idéal d’organisation des pouvoirs publics – que ne devaient pas occulter, comme le précisa Hauriou lui-même, les évolutions de ses écrits.
C’est d’ailleurs à la lumière de ses convictions religieuses que sa réflexion constitutionnelle doit être appréciée. Hauriou n’innovait en rien quand il écrivait en 1929, dans la dernière édition de son Précis de droit constitutionnel, qu’il fallait « franchement convenir… de l’origine divine du pouvoir ». En effet, ni dans ses notes d’arrêts du Conseil d’Etat, ni dans son essai La Science sociale traditionnelle , le professeur toulousain n’avait caché ses convictions religieuses et n’avait cessé de défendre une conception thomiste du pouvoir. Mais il est vrai que c’est à partir de la seconde édition de ses Principes de droit public, publiée en 1916, qu’il martela ses positions, en rupture avec la République radicale anticléricale qu’il n’hésitait pas à critiquer vertement. Maurice Hauriou est ainsi certainement le seul représentant d’une pensée catholique traditionnelle – il préférait « classique » – du droit public, s’assumant comme tel au sein de l’Université française, ce qui ne fait que doubler l’intérêt de sa doctrine.
Son thomisme explique d’ailleurs très probablement l’une de ses idées fortes : l’équilibre par le mouvement, qui traverse toute sa théorie politique de l’Etat et en explique les nuances successives. Ce concept que lui semblait corroborer le vitalisme de Henri Bergson, était à ses yeux le seul capable de refléter tant la réalité sociale que les efforts que tout chercheur se doit de réaliser pour accéder à une connaissance fine des choses. Bien que comme toute idée et dessein divin, il renfermât une part de mystère inaccessible à l’homme – ce qui condamnait selon lui les prétentions scientistes –, le concept d’équilibre par le mouvement permettait de saisir la complexité de la société et du droit, d’en exprimer les évolutions nécessaires tout en en valorisant le statu quo global (la pérennité d’une élite sociale et politique, la répartition des richesses, les principes fondamentaux de la propriété, de la famille et de l’Etat) et en légitimant le libéralisme politique, traduction laïque de la responsabilité morale des individus. C’est ce même souci de la mesure, de l’équilibre grâce aux balancements, qui le conduisait à considérer que l’Etat laïque était une solution plus stable et moins oppressante qu’un Etat religieux. C’est pourquoi selon lui, tout honnête homme ne pouvait être qu’un conservateur libéral qui, à l’instar du prince Don Fabrizio Salina dans le roman Le Guépard de Giussepe Tomasi di Lampedusa, savait que l’immobilisme était sœur de la révolution, chose qu’il exécrait. Alors même que d’aucuns en firent un penseur de la République française, ses théories ne pouvaient donc se comprendre qu’à l’aune de ses convictions métaphysiques. Celles-ci forgeaient en lui le désir de retrouver une unité perdue, mais inaccessible pour le citoyen, le gouvernant et le scientifique, tous trois frappés comme tout un chacun de la faillibilité humaine. Tout comme ses écrits en droit administratif, ses études de droit constitutionnel poursuivaient l’unité de la société, de son droit et de la connaissance, l’ensemble étant naturellement complexe, traversé d’une multitude de tiraillements, de tensions et de contradictions qui aboutissaient à un équilibre précaire, mais nécessaire.
C’est cette recherche qui innerve tant sa conception de ce qu’étaient à ses yeux le fondement et les organes de l’Etat, quitte à proposer une nouvelle lecture des institutions de son époque.
I. Les fondements de l’Etat
Selon Maurice Hauriou, l’Etat se révélait une « magnifique expérience » car il formait le cadre idéal de la liberté individuelle. Cette conviction déterminait la conception du droit constitutionnel du doyen de Toulouse, comme matériau juridique et comme science. Certes, la liberté pouvait se développer dans le cadre étatique parce que l’organisation juridique de l’Etat, le droit constitutionnel comme ensemble de normes, offrait des espaces à l’autonomie individuelle. Mais cela ne pouvait perdurer que si le droit constitutionnel comme science concourrait à la pérennité du libéralisme. C’est pourquoi le droit constitutionnel de l’Etat moderne ne pouvait être que libéral. Ainsi, quand Hauriou affirmait que l’objet de ce droit se réduisait in fine à la protection de la vie privée, il jouait avec les sens de ce mot. Il s’agissait tant des normes constitutionnelles que de l’objectif du légiste.
On comprend alors que l’intérêt du constitutionnaliste devait se concentrer sur l’Etat. Mais il ne pouvait se cantonner à la seule exégèse des textes constitutionnels car l’Etat comme la liberté étaient essentiellement des pouvoirs, des réalités sociales vivantes que le Droit ne faisait qu’encadrer, sans les créer. D’où l’importance que Hauriou accordait au fait que son Précis de droit constitutionnel contenait avant tout une théorie politique de l’Etat.
Cependant, Hauriou restait bien un juriste en ce qu’il considérait que l’Etat idéal de liberté ne pouvait être qu’un Etat de Justice, garantissant « l’aequum et bonum, c’est-à -dire une égalité ou, tout au moins, une proportionnalité entre les hommes dans la jouissance du bien » spirituel et matériel. Parce qu’il ne pouvait s’agir que d’un idéal – l’homme ayant par nature conscience du bien et du mal –, cette référence à la Justice apparaissait comme le meilleur des moyens de corriger les tendances liberticides de l’ordre que l’Etat avait en charge de préserver, avec d’autres groupes, comme l’Eglise. Mais cela permettait du même coup de légitimer la primauté de la figure du juge contre la doxa révolutionnaire légicentriste.
A. Une théorie politique de l’Etat
L’Etat est, affirmait Hauriou, une institution qui s’agrège à la société civile et qui tend à en prendre les rênes, sans s’y identifier, ni même totalement la dominer. C’est grâce à cette notion d’institution que Hauriou réussit à rendre cohérente toute sa construction. Il parvenait à faire le lien entre le fait du pouvoir, d’une part, et le droit de l’autre, dès lors entre science politique et science juridique, tout en proposant une théorie originale de la limitation de la puissance de l’Etat. Ainsi, s’il est vrai que Hauriou entendait s’opposer aux théories juridiques « positivistes » de l’Etat développées en Allemagne, il ne partait pas du droit pour penser l’Etat. Non seulement le droit ne s’identifiait pas à l’Etat, mais l’un et l’autre n’étaient pas de même nature. Pour Hauriou, le légiste de l’Etat devait avant tout saisir ce dernier comme phénomène de pouvoir, comme réalité politique, puis le rationaliser, le libéraliser et le rendre juste en le tirant dans les rets du Droit ; ce progrès s’achevant lorsque l’Etat se pliait à la technique du droit subjectif et du commerce juridique, propres, par le jeu d’équilibre que Hauriou y décelait, à assurer le juste balancement entre les intérêts de la collectivité et ceux des individus.
C’est cette conception qui explique le plan de son Précis de 1929. Parce que le légiste toulousain appréhendait l’Etat comme une institution politique se parfaisant dans les formes du droit, il pouvait ensuite proposer une théorie globale de la limitation de la puissance de l’Etat.
1. L’Etat, une institution politique qui se parfait par le droit
Maurice Hauriou jugeait insuffisant de définir l’Etat par les éléments suivants : un peuple sur un territoire, soumis à un pouvoir souverain. Il caractérisait l’Etat comme une institution bien particulière, c’est-à -dire « une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui lui procure des organes ; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures ». C’est pourquoi Hauriou décrivait l’Etat comme un corps essentiellement fondé sur la représentation et dont l’idée d’œuvre était l’idée de liberté, c'est-à -dire ce vers quoi la puissance publique devait tendre. Cette idée de liberté se trouvait au cœur du « progrès étatique » car elle faisait que l’Etat n’était plus simplement un ordre matériel, mais aussi une idée morale qui lui donnait sa perfection comme personne morale. C’est pourquoi si Hauriou envisageait que « les destinées d’une nation » que l’Etat devait accomplir pussent être autres que « pacifiques et démocratiques », il semble qu’à ses yeux, un Etat digne de ce nom ne pouvait être animé que par l’idéal de liberté poursuivi par une nation qui, d’ailleurs, se définissait comme une communauté consciente d’elle-même et animée du désir de liberté.
Ces éléments gisaient même à l’origine de tout Etat. En effet, « à la première fondation de l’Etat… se trouvent en présence deux éléments : 1° un gouvernement, déjà organisé ou en voie d’organisation, qui se propose d’assumer la direction de la nation ; 2° une communauté nationale très avertie, très désireuse de se réaliser sous forme d’Etat, en pleine fièvre nationaliste. La fondation de l’Etat se produit évidemment par le concours de ces deux éléments. Il se produit une décision et un geste du gouvernement provisoire, auquel répond immédiatement l’adhésion directe de la nation. Cette décision de gouvernement et cette adhésion de nation suffisent pour l’existence de l’acte juridique de fondation. » Mais il ne peut y avoir d’Etat que si le gouvernement a en vue la chose publique. En effet, le « type particulier de l’Etat le porte à constituer le gouvernement central d’une nation et à développer en celle-ci l’entreprise de la chose publique ».
Autrement dit, non seulement l’Etat reposait sur l’abandon de toute conception patrimoniale ou féodale du pouvoir public, mais comme bien des juristes français de son époque, Hauriou ne concevait d’Etat qu’Etat-nation. Pour autant, il n’adhérait pas du tout aux thèses d’Adhémar Esmein qui plaçait la source du pouvoir au sein de la Nation. Selon Hauriou, le gouvernement détenait en propre le pouvoir, en dehors de toute idée de délégation nationale. Le pouvoir existait parce que la vie d’un groupe humain appelait, de facto ou plus profondément en vertu de la volonté divine, un pouvoir de commandement chargé de garantir le minimum d’ordre social nécessaire à la vie en communauté. Autrement dit, l’Etat n’était pas en soi naturel – à la différence du pouvoir –, c’était le produit de l’histoire ou selon une autre formule de Hauriou une « superstructure politique… superposé[e] aux pouvoirs primitifs légués par les temps nomades ».
De cette conception de l’Etat résultaient de nombreuses conséquences. Tout d’abord, l’exégèse des textes constitutionnels s’avérait incapable d’expliquer l’Etat ; le légiste devait se faire historien et sociologue – notamment des idées– mais aussi ne pas avoir peur de plonger dans les tréfonds de l’Etat, par-delà sa laïcisation. Et seul le légiste, à l’instar de Bodin ou de Domat, pouvait prétendre mener une telle étude car habitué à l’analyse des valeurs du juste, du bien et du mal, héritées de la chrétienté. Ensuite, cette conception de l’Etat déterminait l’objet du droit constitutionnel et les rapports entre société, Etat et droit.
Ainsi, si « De toutes les institutions que l’ordre social a enfantées, celle de l’Etat est la plus éminente », il n’en reste pas moins qu’aux yeux de Hauriou, l’Etat n’était qu’une émanation de la société. Et si l’Etat la dirigeait, s’il concentrait la politique de la société, il n’en était que le produit : il ne se confondait donc pas avec la société. Celle-ci conservait son autonomie et surtout sa capacité de réaction. D’autres forces l’animaient, notamment celle de l’échange égalitaire à finalité patrimoniale. D’où notamment la pérennité de la distinction du droit public et du droit privé : ce dernier, le droit dit commun, était conçu comme un droit inhérent à la société, le droit public n’étant quant à lui qu’un mode de perfectionnement de l’Etat. D’où aussi et surtout la nécessaire limitation de la puissance de l’Etat qui devait, estimait Hauriou, être mieux assurée que ne le faisait la République radicale parlementaire, si l’on voulait maintenir un Etat libéral.
2. La puissance de l’Etat naturellement limitée
Dans de telles conditions, la puissance de l’Etat ne pouvait être que limitée. Certes, selon Hauriou, la souveraineté de l’Etat ne faisait pas de doute. Mais le professeur de Toulouse offrait une définition particulière de la souveraineté : il s’agissait d’une puissance d’action, autonome dans son principe. Elle n’était pas synonyme de prépotence, de pouvoir illimité ou inconditionné. Cela ne pouvait d’ailleurs advenir dès lors que selon le doyen toulousain, la souveraineté de l’Etat coexistait avec la souveraineté nationale et la souveraineté individuelle des citoyens que transcrivait la « Constitution sociale », comprise comme ensemble des normes, de droit positif ou de nature sociologique, structurant la société civile et garantissant l’autonomie privée. Ainsi, l’Etat était non seulement autolimité par sa nature institutionnelle, mais aussi hétérolimité dans la mesure où il ne renfermait pas toute la vie sociale.
En tant qu’institution, l’Etat était nécessairement autolimité. Et cette autolimitation ne dépendait pas d’un acte de volonté. En cela, Hauriou prétendait échapper à ce qui lui semblait être l’aporie de la théorie de G. Jellinek. L’autolimitation de l’Etat était, selon notre auteur, objective au sens où elle s’imposait à l’Etat du fait de sa nature même. Bien que manifestation de pouvoir, la souveraineté de l’Etat ne pouvait être absolue et arbitraire dès lors que celui-ci recourait aux mécanismes juridiques. Si le progrès se caractérisait par le passage de l’objectif au subjectif, c’est-à -dire des relations « organiques » de pure autorité aux rapports de droit entre personnes juridiques, l’Etat pris dans cette évolution voyait ses pouvoirs sinon diminués, tout au moins civilisés, au fur et à mesure de cette mutation. Cette autolimitation n’entravait pas uniquement les organes constitutionnels de l’Etat ; elle pesait aussi sur le pouvoir constituant. En effet, l’Etat était soumis à une « superlégalité constitutionnelle ». Celle-ci comprenait non seulement la constitution écrite, mais « elle comprend bien autre chose et, par exemple, tous les principes fondamentaux du régime, c’est-à -dire, tant les principes de l’ordre individualiste qui sont à la base de l’Etat que les principes politiques qui sont à la base du gouvernement. Ces principes constituent une sorte de légitimité constitutionnelle qui prend place au-dessus même de la constitution écrite ». Illustrant son propos par l’article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 qui déclarait que « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision », et les principes individualistes proclamés en 1789, Hauriou défendait l’idée que la légitimité constitutionnelle interdisait même au pouvoir constituant de modifier la Constitution si cela devait altérer l’essence de l’Etat. Certes, cela ne devait « s’entendre que du principe de chacune des libertés et non des modalités de son organisation, mais cela est déjà important, car cela signifie qu’aucune liberté ne peut être complètement supprimée, soit directement, soit indirectement ». Ainsi, insistait Hauriou qui préfigurait l’idée de noyau dur des libertés que consacrent bien des cours suprêmes actuelles, la liberté d’enseignement des établissements religieux était préservée contre tout monopole de l’Etat en la matière. De même, les structures essentielles de l’Etat, telles que la séparation des pouvoirs entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire ou encore le principe de la hiérarchie administrative, devenaient intangibles. Sauf à admettre une révolution, évidemment. En effet, et c’est ce qui peut intéresser les juristes européens confrontés à la construction d’une Europe « étatique supra nationale », au plus, Hauriou admettait des changements mineurs de la Constitution par la voie des procédures existantes. Dès lors qu’il s’agissait de fonder l’Etat ou d’en modifier les principes de légitimité, il ne pouvait s’agir que d’une révolution, c’est-à -dire d’un processus hors de portée du pouvoir constituant constitué, mais du ressort du titulaire de la souveraineté nationale, le pouvoir majoritaire, à savoir le peuple.
En excluant toute révolution constitutionnelle par la voie parlementaire, Hauriou se faisait ainsi le zélateur non seulement d’une stabilité constitutionnelle, mais surtout d’une limitation de l’Etat puisqu’il devenait impossible que les pouvoirs législatif et exécutif pussent affranchir l’Etat de toute contrainte là où le pouvoir constituant constitué en était incapable.
Mais cette autolimitation de l’Etat n’était pas exclusive : une hétérolimitation la complétait, qui tenait à l’irréductibilité de la société à l’Etat, celui-ci n’étant que la plus puissante des institutions qui formait la société. On retrouve là le credo déjà formulé dans La Science sociale traditionnelle où Hauriou écrivait que son « principal objectif [était] de limiter l’Etat, de le situer dans la société, de montrer qu’il n’absorbe pas la société toute entière, qu’il se crée en dehors du tissu religieux et du tissu positif et qu’il aura à compter avec eux ».
La combinaison de ces souverainetés et de ces constitutions politiques et sociales ne pouvait qu’aboutir à ce que l’Etat moderne accompli, c’est-à -dire l’Etat démocratique et libéral, fût fragile, mais il s’approchait certainement, selon Hauriou, au plus près de l’idéal de justice.
B. Une théorie de l’Etat de justice
Hauriou ne caractérisait pas son idéal d’Etat par l’expression « Etat de justice ». Mais il ressort de ses écrits que l’Etat dans sa perfection devait devenir le garant de la Justice et ainsi dépasser la phase transitoire de l’Etat légal auquel risquait de se réduire, selon lui, la République parlementaire de son époque. Ne se contentant pas de l’égalité formelle, l’Etat devait assurer « l’aequum et bonum, c’est-à -dire une égalité ou, tout au moins, une proportionnalité entre les hommes dans la jouissance du bien » spirituel et matériel.
C’était sur le modèle des institutions du XVIIe siècle, de « l’âge classique », que Hauriou entendait reconstruire l’Etat du XXe siècle. Si sous l’Ancien régime, il revenait au roi d’être le gardien des ordres, le représentant du « corps du royaume » et la source de toute justice, au XXe siècle, ce rôle incombait à l’Etat. Fidèle à l’idée chrétienne d’un sens de l’histoire, Hauriou considérait même que l’Etat bourgeois « n’est pas un moment passager, un stade dans le développement social et politique de l’humanité ; c’est l’état définitif, l’aboutissement dernier, l’idéal réalisé », à condition qu’il correspondît à son idéal de justice puisé dans l’Ancien régime.
Mais cet attachement à la société d’ordres qui savait respecter les « hiérarchies sociales naturelles » ne conduisait pas Hauriou à condamner la démocratie. Tout au contraire, pour le doyen de Toulouse, la démocratie était certainement le régime le plus juste car elle permettait de « réaliser… la justice égalitaire par l’amélioration du sort du plus grand nombre », d’une part en associant le peuple au gouvernement et d’autre part en prenant à bras le corps la question sociale. Cependant, convaincu de la véracité de « cet axiome de dynamique sociale, que ce que l’on gagne en justice sociale égalitaire, on le perd en énergie politique », Hauriou reprenait, comme Aristote, l’idée des cycles de régime. Si l’Etat démocratique approchait au plus près l’Etat de justice, il risquait malgré tout de s’effondrer si les réformes législatives ou administratives contrariaient l’ordre social et politique. En effet, face aux législations républicaines en matière d’économie, de santé, d’aide aux démunis, aux mouvements syndicaux ou encore à la recomposition du personnel parlementaire qui accueillait dorénavant des prolétaires, Hauriou n’hésitait pas à écrire que « L’ordre social représente le minimum d’existence, et la justice sociale est un luxe dont, dans une certaine mesure, on peut se passer ». En effet, l’Etat de justice démocratique de Hauriou n’avait rien d’égalitariste. Comme Saint-Simon l’avait défendu dans ses Mémoires et à l’image de ce qu’enseignait la Lettre encyclique de Léon XIII du 15 mai 1891 Rerum novarum, il ne pouvait s’agir que d’un système politique en conformité avec la « naturelle » hiérarchie sociale et politique entre les individus.
Dans de telles conditions, pour rendre à chacun son dû et sa place véritables dans le jeu politique, il fallait rompre avec le dogme républicain de la représentation. C’était la condition sine qua non de la restauration d’un Etat capable d’être équitable avec chacun, car affranchi de la contrainte d’agir par voie générale comme lui imposait le mythe de la loi.
C’est pourquoi Hauriou n’eut de cesse de vilipender la théorie de la délégation défendue notamment par Adhémar Esmein. Les deux principes énoncés à l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient fait l’objet, selon le professeur toulousain, de l’interprétation la plus contre-nature possible. En thomiste, il jugeait inepte d’en déduire que le pouvoir émanait du peuple et que celui-ci en déléguait l’exercice aux députés. Le pouvoir existait en soi et les gouvernants l’exerçaient sans délégation. Ne pas admettre cette évidence, c’était s’écarter du très sain principe « qu’il faut contrôler le pouvoir exécutif sans le subalterniser ». Il fallait corriger cette erreur du parti républicain radical et comprendre qu’en « l’institution gouvernementale et en son personnel de fonctionnaires réside essentiellement l’autorité politique associée à la compétence, pouvoir minoritaire, et dans le personnel des hommes politiques, issus du suffrage, repose essentiellement le pouvoir de domination qui, sous le nom de souveraineté nationale, est majoritaire ». Dans ces conditions, « L’indépendance du pouvoir minoritaire du gouvernement doit, insistait Hauriou, demeurer la règle et la participation du pouvoir majoritaire doit être l’exception, ce qui conduit à penser que l’initiative des décisions à prendre [devait] demeurer au pouvoir minoritaire. Sans cette limitation nécessaire de la liberté politique et si les initiatives passaient aux assemblées imprégnées de pouvoir majoritaire, l’Etat se dissoudrait vite ».
Ces conceptions conduisaient nécessairement à dévaloriser le suffrage universel. Le peuple n’étant plus à l’origine du pouvoir, la souveraineté nationale se réduisait pour Hauriou en une « souveraineté de sujétion » : les citoyens étaient souverains dans la mesure où ils détenaient le pouvoir d’accorder leur assentiment ou leur confiance, c’est-à -dire dans la mesure où ils acceptaient d’être assujettis au pouvoir des gouvernants. Par souveraineté, il ne sût être donc question de détention du pouvoir. Hauriou opérait un véritable retournement des concepts ! C’est pourquoi il présentait le droit de vote avant tout comme une fonction et seulement accessoirement comme un droit, ce qui l’autorisait à le refuser aux indigents, dont la pauvreté démontrait leur incompétence politique et surtout constituait un risque pour une juste répartition des richesses par l’Etat. De plus, si le pouvoir électoral participait in fine au gouvernement, c’était nécessairement à la marge puisqu’il formait le pouvoir majoritaire par excellence et qu’il ne pouvait aucunement être identifié à la Nation.
Pour compléter son schéma institutionnel, Hauriou proposa une nouvelle conception de la représentation qui ne passait plus par l’élection, mais par la compétence et la capacité à œuvrer pour la justice. La représentation n’avait plus de lien avec une quelconque forme de délégation de compétences. Hauriou concevait la représentation comme l’action pour une institution. C’était l’organisation du groupe – parce qu’elle structurait un ensemble d’individus – qui fondait la représentation. La représentation n’avait donc pas pour but, dans la théorie de Hauriou, de « rendre visible » le pouvoir, comme le défendit plus tard Carl Schmitt. Et surtout, il ne pouvait être question de lien entre le corps organisé et le représentant, sauf à retomber dans les travers de la délégation. Le pouvoir existant en vertu de l’ordre divin et le gouvernant l’exerçant au nom du groupe, pour officiellement en satisfaire les intérêts, il en était le représentant et détenait les pouvoirs nécessaires pour ce faire, nés de l’organisation elle-même. Et comme le représentant était celui qui agissait pour l’institution, naturellement il revenait au pouvoir minoritaire, à l’exécutif dans l’Etat, d’être le représentant de l’Etat et de la Nation. D’où sa place éminente dans la hiérarchie des pouvoirs.
Ainsi restauré dans son autorité et son autonomie, l’exécutif dans l’Etat pouvait assumer les missions de justice du Roi de l’Ancien régime, notamment parce que ses actes individuels étaient les actes les plus à même de rendre à chacun son dû. En effet, à rebours du dogme de 1789 de l’égalité par la généralité, Hauriou affirmait que les règles générales constituaient avant tout des instruments de l’ordre social et les actes individuels ceux de la justice. Et le rapprochement avec la figure du roi justicier était d’autant plus assumé que Hauriou estimait qu’il n’y avait pas foncièrement de différence de nature entre les actes administratifs et les actes judiciaires : l’acte administratif était tout autant un acte de justice que l’acte judiciaire.
L’Etat que Hauriou voulait dominé par l’exécutif était donc, par cette seule primauté, un Etat de justice. Mais cette dimension se trouvait renforcée par l’importance que le doyen de Toulouse accordait au juge. En effet, parce que « organisation corporative et organisation représentative, c’est même chose, dès que l’organisation corporative est poussée à son point de perfection, c’est-à -dire que tout organe [devait] être un représentant », le juge étant un fonctionnaire de l’Etat, il était de facto doublement un représentant : un représentant de l’Etat et un représentant de la Constitution sociale. Il n’avait pas besoin d’être élu ; sa compétence technique, son statut et ses missions l’érigeaient en gestionnaire d’affaires du peuple et en « organe vivant de la souveraineté de la Constitution ». Par sa capacité à représenter les intérêts de l’Etat, de la société et des individus, le juge (comme tout organe administratif) devenait représentatif et il ne pouvait pas être opposé à la démocratie (telle que Hauriou l’entendait, comme gouvernement de et par la confiance ou de l’assentiment passif du peuple). Dès lors, non seulement il pouvait légitimement contrôler la conformité des lois aux constitutions politique et sociale mais il devait le faire par ses sentences individuelles pour réintroduire de l’équité, de la justice, là où la loi était impersonnelle et donc injuste.
Dans de telles conditions, on comprend que l’organisation des pouvoirs au sein de l’Etat ne pouvait être que très différente de celle défendue par les avocats de la République parlementaire de la IIIe République radicale.
II. Les organes de l’Etat
La « mécanique constitutionnelle » proposée par Maurice Hauriou était en étroit rapport avec sa conception générale du droit constitutionnel. L’organisation constitutionnelle devait préserver et l’ordre et la liberté, en conciliant le principe d’autorité et le principe démocratique. Il s’agissait pour lui de développer et de soutenir « l’édifice du gouvernement représentatif moderne, qui est un gouvernement par la confiance, […] construit de façon à faire commanditer le pouvoir minoritaire par le majoritaire ». La solution consistait que « le cabinet [fût] commandité par la majorité parlementaire, celle-ci à son tour [étant] commanditée par la majorité électorale, ce qui [était] conforme à la maxime de Sieyès : “L’autorité vient d’en haut, la confiance vient d’en bas’’ ». C’est pourquoi Hauriou n’avait foi que dans le régime parlementaire, mais dans lequel dominait l’exécutif, garant de l’action et de l’unité de l’Etat. Et c’est dans cette perspective opposée à celle d’Adhémar Esmein, de Ferdinand Larnaude, de Henri Berthélémy et d’Ernest Chavegrin, qu’il relut toutes les dispositions des lois constitutionnelles de 1875. Ainsi s’expliquent tous ses efforts dans son Précis de droit constitutionnel pour convaincre que si la IIIe République ne s’était pas écroulée, elle ne le devait pas à la souveraineté du parlement, mais bien à la primauté de l’exécutif (A). Parce que sa démarche fut relayée par certains de ses collègues comme Félix Moreau, et de ses disciples, qu’elle correspondait à un certain état d’esprit d’une partie de la classe politique et à la jurisprudence du Conseil d’Etat, elle devint prophétique… tout au moins en France après l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958 et sa mise en œuvre très favorable au chef de l’Etat.
L’entreprise de Hauriou de redistribution du pouvoir au sein des institutions de la République ne s’arrêtait pas là : son idéal d’Etat de justice le conduisait évidemment à restaurer toute l’autorité du juge, à ses yeux pleinement légitime à contrôler tous les actes de l’Etat et donc la loi. Parce que Hauriou avait dissocié représentation et élection d’une part et constitution politique et constitution sociale de l’autre, il prétendait que le contrôle de constitutionnalité des lois était conforme aux exigences démocratiques. C’était là l’aboutissement de sa reconstruction de la République libérale telle qu’il l’espérait (B).
A. Un régime parlementaire modéré
Maurice Hauriou s’opposait à la souveraineté parlementaire, mais il était un fervent adepte du régime parlementaire car « l’histoire constitutionnelle [avait] prouv[é] que la France n’a trouvé la paix politique que sous le régime parlementaire ». Il ne pouvait s’agir d’un hasard. Hauriou y voyait même la confirmation de son analyse organiciste de l’Etat. Le régime parlementaire se révélait non seulement le régime le mieux adapté à la France, mais il apparaissait comme le seul compatible avec l’Etat moderne, parce que le plus apte à conférer l’élément moral au corpus étatique tout en poursuivant un but libéral. Il apparaissait comme la réalisation d’une séparation souple des pouvoirs, c’est-à -dire la seule « qui réalise un système lié et équilibré de pouvoirs dont le jeu constitue, pour le gouvernement de l’Etat, une vie intérieure continue et suivie, en même temps qu’une garantie pour la liberté ».
Le parlementarisme permettait la collaboration des pouvoirs que commandait la nature corporative de l’Etat. Celui-ci étant une personne morale, donc « douée de volonté », seule l’analyse psychologique expliquait donc la séparation des pouvoirs et leur organisation. La volonté étatique étant une, la séparation des pouvoirs ne pouvait se comprendre que comme l’organisation de différentes étapes de l’élaboration de cette unique volonté et non comme la production de différentes volontés au sein de l’Etat. L’expression de la volonté étatique constituait donc une opération complexe. « C’est ainsi, par exemple, qu’une loi sera l’acte complexe du pouvoir délibérant qui aura délibéré la loi, et du pouvoir exécutif qui aura décrété sa promulgation, outre qu’elle sera déjà l’acte complexe des deux délibérations concordantes de la Chambre des députés et du Sénat, organes séparés du même pouvoir délibérant ».
Cependant, le parlementarisme défendu par Hauriou ne pouvait être que modéré. Il devait garantir la hiérarchisation – qui n’excluait pas une collaboration – des trois pouvoirs, le pouvoir exécutif, le premier car d’action, le pouvoir législatif réduit à n’être que de délibération et celui de suffrage, c’est-à -dire celui du peuple cantonné en principe au rôle passif du consentement. Mais son souci de lutter contre la souveraineté parlementaire le conduisit cependant à proposer que l’exécutif pût faire appel au peuple pour trancher ses conflits avec le Parlement. Ainsi, le parlementarisme de Hauriou était doublement limité par la primauté de l’exécutif et le pouvoir du peuple.
1. Un parlementarisme dominé par l’exécutif
Le pouvoir minoritaire étant le premier des pouvoirs et celui revenant à l’exécutif, il coulait de source pour Hauriou que « l’oligarchie parlementaire » était irrecevable. Certes, le parlementarisme appelait une collaboration des pouvoirs, mais elle impliquait selon lui la supériorité de l’exécutif sur le législatif.
L’histoire confirmait la primauté de l’exécutif car à défaut de séparation des pouvoirs, c’était le pouvoir exécutif qui les concentrait, affirmait Hauriou. D’où « deux conséquences importantes :1° dans la fonction de gouvernement, l’initiative, la direction et la responsabilité doivent toujours appartenir au pouvoir exécutif ; 2° en outre, le pouvoir exécutif doit assumer la fonction de chef de l’Etat, c’est-à -dire représenter l’unité de l’Etat ».
Conséquemment à sa conception organiciste de l’Etat, Hauriou assénait que l’Etat devait comme tout corps être doté d’une tête unique et il ne pouvait s’agir que de l’exécutif car ce n’était pas la raison qui importait, comme le prétendaient les républicains radicaux, mais l’action.
Dès lors, écrivait Hauriou, la « place du pouvoir délibérant dans l’Etat… est à la fois éminente et secondaire. Elle est éminente… à raison de la qualité de ce qui est délibéré ; [mais poursuivait Hauriou] elle est secondaire parce que l’opération de délibération est un médiocre procédé de gouvernement » car « gouverner c’est agir, et non pas délibérer » et peu importait du point de vue du gouvernement que le droit produit par le pouvoir délibérant fût de meilleure qualité, notamment démocratique. Cette volonté de renforcer l’Exécutif explique que Hauriou ne s’arrêta pas à la lettre des lois constitutionnelles de 1875. En effet, selon le doyen de la Faculté de droit de Toulouse, « Le pouvoir exécutif est détenu en commun par le président de la République et le conseil des ministres, le président de la République possédant au point de vue juridique les attributions exécutives, et ces attributions étant exercées, dans la réalité du pouvoir, par les ministres, le conseil des ministres et le président du conseil ». Hauriou n’hésitait pas à aller plus loin en affirmant que le « chef de l’Etat, ce n’[était] pas le président de la République seul, c’est le président complété et, pourrait-on dire, contresigné par ses ministres ».
Ce renforcement du pouvoir exécutif visait à dévaloriser le Parlement et à briser sa revendication à la souveraineté. Pour cela, Hauriou en venait non seulement à contester la fonction du Parlement de représentant de la Nation, mais aussi il refusait de définir le pouvoir législatif par sa fonction, à savoir adopter la loi. Certes, il affirmait qu’une telle définition eût subordonné le Parlement à sa fonction. En réalité, il entendait par là en saper l’autorité puisqu’il lui déniait le rôle fondamental d’être l’expression de la volonté générale. La réduction du pouvoir législatif au statut de pouvoir délibérant faisait du Parlement un lieu de bavardages, parfois utiles, jamais indispensables et où la Raison faisait souvent défaut. Dès lors, le Parlement ne pouvait plus prétendre être le centre de la vie politique et il fallait en « rationaliser » le fonctionnement, c’est-à -dire limiter les contraintes qu’il pouvait faire peser sur l’exécutif.
Toujours à la recherche de l’équilibre, source d’unité, Hauriou n’oubliait pas que dans le régime parlementaire, « le pouvoir exécutif ne [devait] cependant gouverner qu’avec la confiance du pouvoir législatif, maintenue d’une façon formelle par le jeu de la responsabilité politique ». Dans le même esprit, il ne faisait pas de doute que sauf circonstances exceptionnelles, le pouvoir exécutif devait appliquer la loi. De ce point de vue, par un jeu de balancement, l’exécutif pouvait paraître dominé par le législateur. Mais, précisait Hauriou, c’était là un point de vue strictement juridique et non politique. Autrement dit, si le principe de la légalité conférait une certaine autorité du Parlement sur l’exécutif, il fallait surtout y voir la marque de la collaboration des pouvoirs et cette autorité ne valait que sur le plan du droit positif. Dès lors qu’il en allait de la représentation de l’Etat, de son unité et de l’initiative dans l’œuvre politique, l’exécutif reprenait le dessus car, selon Hauriou, « la place des pouvoirs dans l’Etat se règle dans le plan politique et non dans le plan juridique ». Ainsi, le régime parlementaire reposait pour le doyen de Toulouse sur un « équilibre par la domination » de l’exécutif. Il ne pouvait être question de souveraineté parlementaire.
2. Un parlementarisme corrigé par le pouvoir du peuple
Que Hauriou proposa de corriger le parlementarisme par l’appel au peuple peut surprendre tant il se montrait méfiant vis-à -vis du suffrage universel. Mais il s’agissait pour lui d’un des moyens d’empêcher la souveraineté parlementaire de s’affermir. C’est pourquoi, avec prudence (par peur de l’incompétence du peuple), il proposait l’introduction du référendum en France. Contre les tenants du régime exclusivement représentatif et parlementaire, Hauriou y voyait un perfectionnement du régime vers le gouvernement semi-direct et une avancée vers un système plus démocratique. Mais surtout, c’est l’usage de la dissolution qu’il souhaitait voir restauré, car le « pouvoir redoutable » du Parlement de renverser les ministères devait « être accompagné d’une responsabilité ». Hauriou ne semblait pas se faire beaucoup d’illusions quant à une restauration de cette prérogative gouvernementale. Mais il ne cessa de défendre le droit de dissolution car il le considérait comme un gage d’équilibre et de bonne santé du parlementarisme.
Cependant, Hauriou ne contrebalançait pas le parlementarisme par le seul appel au peuple. En effet, non seulement, comme nous l’avons vu, il faisait du pouvoir électoral un pouvoir de gouvernement en puissance, mais surtout il plaçait le pouvoir de suffrage du côté du pouvoir exécutif. Celui-ci « nou[ait] avec le pouvoir de suffrage une alliance directe qui fai[sait] équilibre au pouvoir du Parlement ». Dans de telles conditions, la majorité parlementaire devenait des plus illégitimes à revendiquer une quelconque primauté dans les institutions. Pas nécessairement représentatif de la Nation, concurrencé par l’exécutif dans ses alliances avec le peuple, le Parlement ne pouvait plus être l’organe principal de la République, ni sa loi une norme que l’exécutif devait révérer constamment. Dès lors, la voie s’ouvrait pour reconstruire l’Etat autour du binôme exécutif-juge.
B.Un régime sous la tutelle du juge
A la différence de Montesquieu, Hauriou ne comprenait pas le pouvoir juridictionnel dans la trilogie des pouvoirs. Conscient de l’autorité de Montesquieu parmi ses confrères et la classe politique, le doyen de Toulouse devait justifier une telle rupture. Selon lui, la sacralisation, depuis 1789, de la trilogie du baron de la Brède occultait un fait historique essentiel : cette classification n’avait rien d’absolu, elle n’était que le reflet du contexte de l’Ancien régime pendant lequel le juge exerçait un véritable pouvoir politique. La sociologie et l’histoire enseignaient qu’il fallait adapter l’idée de séparation des pouvoirs à la situation du XXe siècle au cours duquel le juge était censé ne plus disposer d’aucune prérogative politique.
Mais bien loin de dévaloriser le pouvoir juridictionnel, Hauriou entendait ainsi lui assurer une plus grande autonomie. Ainsi visait-il à légitimer le contrôle de constitutionnalité des lois par les juges ordinaires, tout en échappant aux questions de la compatibilité de ce contrôle avec la démocratie, le système représentatif et la souveraineté nationale. Et c’est parce que le juge civil – le juge administratif empruntait la même voie, mais restait marqué par sa fonction politique – était avant tout le garant de la constitution sociale et non pas de la constitution politique qu’il était étranger à la séparation des pouvoirs, telle que Hauriou l’entendait.
Selon l’auteur des Principes de droit public, « le pouvoir juridictionnel [était] en dehors des luttes politiques ». « Le pouvoir de juridiction n’[était donc] pas un pouvoir politique » ; il constituait « le type essentiel d’un pouvoir purement juridique, il [était] exclusivement pour la déclaration de ce qui est conforme au droit positif ». En effet, aux dires de notre auteur, « Un pouvoir politique n’est pas seulement un pouvoir de domination sur les sujets, c’est un pouvoir engagé dans la lutte qui s’établit entre les pouvoirs publics pour la suprématie finale ». Dès lors, l’eût-il voulu que le juge ne pouvait pas participer à la joute politique car « il n’a pas, selon le critérium de Montesquieu, ‘‘le pouvoir d’empêcher’’ (livre XI, chap. VI, Esprit des lois) ; le pouvoir législatif peut arrêter l’exécutif dans sa marche, l’exécutif a des moyens d’arrêter le législatif, le Sénat peut arrêter la Chambre ou la Chambre le Sénat, le juge ne peut arrêter le mouvement ni de l’exécutif, ni du Parlement, ni d’aucun rouage du Gouvernement ». N’étant pas titulaire du pouvoir normatif, incapable de toute initiative : « ni par ses interventions, ni par ses abstentions, [le juge] n’a prise sur [les pouvoirs politiques] ».
Il est vrai que Hauriou faisait participer le juge à l’exercice de la souveraineté. C’était même un des titres de légitimité des juridictions. Mais s’il participait de la souveraineté, il ne s’agissait pas de la souveraineté politique, mais de la « souveraineté juridique », c’est-à -dire « du règne de la loi établie » et non de la loi à établir qui relevait, selon Hauriou, de la souveraineté politique. Autrement dit, Hauriou grandissait la fonction juridictionnelle en la dépolitisant, comme il avait dépolitisé la Constitution sociale et la liberté individuelle. Les deux allaient de pair et servaient la figure du juge. Celui-ci se trouvait du côté de la société, de la vie privée, du droit commun et non de la politique. Et parce qu’il formait un élément de la « société civile » et de son mouvement de vie naturelle, il pouvait en faire prévaloir les règles de fond sur les actes politiques, toujours un peu politiciens. Juge de la nature des choses, il pouvait contrôler la constitutionnalité de la loi et de tous les actes de volonté politique. C’est pourquoi Hauriou insistait sur le fait que le contrôle de constitutionnalité des lois ne devait pas se faire seulement au regard de la Constitution politique (à savoir des lois constitutionnelles de 1875), mais aussi de la Constitution sociale.
C’est en cela que ce mécanisme offrait une garantie de la vie privée des citoyens puisque cette Constitution sociale renfermait la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. De plus, par ce contrôle, Hauriou espérait redonner à la coutume toute la place qui lui revenait, partie méconnue par le légicentrisme, mais fondamentale du droit positif, bénéficiant sur la loi ordinaire de l’assentiment de la population. Et d’une certaine façon, parce que le juge, cet organe de la société civile, se faisait le garant de la coutume, de cet acte « naturellement démocratique », sa légitimité à contrôler les lois parlementaires n’en pouvait être que plus assurée, quitte ce faisant, à quasiment « épurer » la démocratie de toute participation active des citoyens à la détermination des règles de droit.
C’est peut-être pourquoi le doyen de Toulouse insista tant sur la compatibilité de sa conception de la juridiction et de la démocratie. C’était là le moyen de mieux l’asseoir, de la rendre plus légitime face au suffrage universel et surtout de reconstituer l’unité de la société qu’il avait altérée par sa distinction de la constitution politique et de la constitution sociale. En effet, selon notre auteur, « La juridiction est une forme de la Souveraineté du peuple et non pas un pouvoir de gouvernement ». Plusieurs preuves le confirmaient : depuis l’abandon de la justice « retenue » entre les mains du chef de l’Etat, celle-ci était rendue « au nom du peuple français », l’existence du jury criminel en étant une illustration très forte. Enfin, Hauriou invoquait l’inamovibilité des juges et leur défaut de pouvoir réglementaire. Par nature, le juge ne pouvait pas gouverner, car gouverner consistait à agir spontanément pour préserver l’unité politique de l’Etat.
Par cette présentation de la fonction juridictionnelle, Hauriou pouvait surprendre tant il s’écartait de sa démarche sociologique. Il faisait alors étonnamment confiance aux vertus de l’inamovibilité des juges et aux textes écrits, comme l’article 5 du Code civil bien qu’il connût le pouvoir normatif du juge administratif et l’audace de la Cour de cassation qui avait créé en 1896 de toutes pièces la responsabilité sans faute du fait des choses par une extrapolation de premier alinéa de l’article 1384.
En réalité, toutes ces concessions à sa démarche habituelle n’avaient d’autre but que de justifier l’autorité du juge sur le pouvoir politique et en particulier le pouvoir législatif. En effet, l’inamovibilité du juge était, selon Hauriou, « le détail d’organisation intérieure de l’Etat qui, objectivement et automatiquement, assure la soumission du pouvoir politique au droit positif : c’est la séparation de la souveraineté politique, laquelle crée le droit, et de la souveraineté juridique, laquelle, avec l’aide du juge, assujettit au droit créé, c’est-à -dire au droit positif, le pouvoir politique en même temps que les sujets. Et, dans les Etats constitutionnels où l’état (sic) de droit est complètement réalisé, le pouvoir législatif lui-même est soumis au droit positif, par le mécanisme des constitutions écrites et de l’inconstitutionnalité des lois ordinaires que le juge déclare être contraires à la constitution ». « On comprend maintenant, poursuivait Hauriou, l’importance constitutionnelle d’une bonne et forte organisation du pouvoir juridictionnel. Il ne s’agit pas d’équiper un pouvoir de plus pour le lancer dans les luttes politiques, il s’agit au contraire d’asseoir un pouvoir dans l’Etat qui soit en dehors des luttes politiques et dont la grande autorité fasse contrepoids à la politique. Il s’agit de signifier qu’il y a dans la Souveraineté de l’Etat un élément placé au-dessus des luttes politiques, un élément qui puisse assumer la fonction de justice, cette fonction primordiale des sociétés ». Le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois participait ainsi à la pondération nécessaire à la vie sociale : Hauriou l’érigeait en « un mécanisme indispensable à la souveraineté nationale ».
On retrouve là le souci du professeur de Toulouse de la conservation de l’ordre social et celui de l’appréhension de ses transformations subites. En effet, les prérogatives du juge n’étaient que la conséquence « de la suprématie du droit établi sur le droit à établir [car] le droit établi est plus parfait que celui que le gouvernement est en voie d’établir, pour plusieurs raisons dont l’une est qu’il a bénéficié de l’adhésion des sujets. Le droit établi a profité d’un phénomène d’adaptation et de bonification, qui est à proprement parler le phénomène de l’institution qui lui confère une sorte de consécration ». Jouant sur les mots Etat de droit et état du droit pour mieux défendre la dimension conservatrice de la notion de Rechtsstaat, Hauriou concluait en affirmant que « Cette suprématie du droit établi est un des éléments de l’état de droit (sic) ». Ce contrôle de constitutionnalité des lois apparaissait alors comme la pierre de touche de tout un système visant à subordonner le parlement à l’ordre social et à assurer le couronnement du juge comme gardien de l’autorité et de la liberté individuelle, les deux piliers de toute société libérale et paisible, selon Hauriou, contre les soubresauts politiques démultipliés par le suffrage universel et les revendications des parlementaires imbus d’idéologie révolutionnaire et de leur soi-disant représentativité du peuple.
Ainsi, par des glissements, voire des révolutions sémantiques, Maurice Hauriou avait rendu sans objet bien des questions qui troublent aujourd’hui encore les doctrines politiste et constitutionnaliste. Certes, on peut ne pas adhérer à sa conception du Droit, de la Justice et de l’Etat. Certes, bien des points de ses développements ne deviennent convaincants qu’à la condition d’adopter sa Weltsauffassung. Mais Hauriou était parvenu à présenter une conception cohérente et globale du droit constitutionnel, face à d’autres projets tout aussi ambitieux et réussis que ceux d’Adhémar Esmein ou Ferdinand Larnaude. Le tour de force était prodigieux.
Norbert Foulquier est Professeur de droit public à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Pour citer cet article :
Norbert Foulquier « Maurice Hauriou, constitutionnaliste (1856-1929) », Jus Politicum, n°2 [https://juspoliticum.com/articles/maurice-hauriou-constitutionnaliste-(1856-1929)-75]