Dans plusieurs décisions datées de 1962, 1992 et 2003, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent pour contrôler la constitutionnalité des révisions à la constitution. Nous montrerons dans cet article que cette solution emporte l’approbation d’une partie importante de la doctrine, et ne se comprend qu’au regard de la conception de la constitution et du pouvoir constituant défendue par cette doctrine. Pourtant, le refus du Conseil constitutionnel de se prononcer sur la constitutionnalité des révisions constitutionnelles ne signifie en rien que cette juridiction se soit tenue à l’écart des importantes mutations qu’a connues la Constitution dans la période récente. De même, alors que la quasi-totalité des analyses doctrinales insiste sur l’absence de limites matérielles à la révision constitutionnelle et de règles « supra-constitutionnelles », il ressort du langage utilisé par le Conseil dans ces décisions qu’il y a lieu de se démarquer de ce point de vue. En effet, si le Conseil a refusé de contrôler des révisions constitutionnelles, il l’a fait en des termes qui se rapprochent du langage utilisé par les juridictions qui ont reconnu leur justiciabilité. Loin de faire preuve de neutralité et d’autolimitation, le Conseil constitutionnel parle un langage spécifique, empreint d’essentialisme, qui mérite un examen approfondi.