La Cour constitutionnelle italienne a censuré, le 17 janvier 2014, plusieurs dispositions de la loi électorale de 2005, qui régit les élections législatives des deux Chambres du Parlement. Dans cet arrêt, la Cour se penche pour la première fois sur une question qui relève traditionnellement d’une des « zones franches » du contrôle de constitutionnalité ; par conséquent, l’immixtion du juge constitutionnel dans un domaine aussi fortement politique a suscité un grand émoi dans la doctrine. Hésitant entre la préoccupation pour une intervention de nature politique par le juge dans les modalités d’accès au pouvoir législatif, et la pression pour que la justice réussisse là  où la politique semblait avoir échoué, le débat doctrinal sur la question est très vif. Mais la Cour n’est pas la seule instance à  mélanger des considérations juridiques et politiques dans cette affaire, car la doctrine risque d’attribuer des intentions à  la Cour qui vont bien au-delà  du dispositif et des motifs de l’arrêt.

The Judge and the (re)Definition of Democracy: the Italian Constitutional Court Decision n°1/2014On 17 January 2014, the Italian Constitutional Court struck down several provisions of the 2005 electoral law governing the election of the two Chambers of Parliament. In this decision, the Court looked for the first time into a question that falls traditionally within the “free zones” of constitutional review. The Court’s dealing with such a political question gave rise to a heated debate among legal scholars whose reactions were wavering between concerns about the judge’s intervention in matters of access to an elected office and encouraging comments about the judiciary’s role in succeeding in matters where politics fail. It appears therefore that the Court is not the only one meddling with political considerations: legal scholars may as well ascribe to the Court’s decision motives and considerations that go well beyond the grounds of the ruling itself.

Malgré le caractère profondément constitutionnel de la matière électorale, étroitement liée aux fondements mêmes du fonctionnement concret d’une démocratie à  travers le contenu de la représentation politique, peu de constitutions dans le monde optent directement pour un « système électoral » en particulier. Ce n’est pas le cas de la Constitution française de 1958, bien que le souhait de Michel Debré fût allé en ce sens, à  cause de l’opposition de Charles de Gaulle. Ce n’est pas non plus le cas de l’Italie, même si l’élection de l’Assemblée constituante à  la représentation proportionnelle a pu influencer le système électoral choisi par la suite par le législateur ordinaire, au point qu’on en trouve quelques traces dans le texte constitutionnel. Malgré le lien existant entre le mode de scrutin et l’identité constitutionnelle d’un pays, il semble y avoir un accord concernant le caractère nécessairement politicisé de cette question, avec la part de contingence que celui-ci comporte. La place du juge constitutionnel sur une question relevant si clairement du domaine politique n’est pas évidente. Même si la Constitution italienne a explicitement limité la souveraineté du peuple par l’obligation de respecter les limites constitutionnelles, et que le juge constitutionnel ne s’est jamais dessaisi de la possibilité de contrôler la volonté du peuple souverain, même dans son expression directe, la Cour constitutionnelle italienne n’a pas échappé aux critiques adressées à  la politicité de son rôle. Non seulement en regardant la difficulté de sa mise en place au moment des débats constituants, mais également lors de développements beaucoup plus récents, il est possible de voir la Consulta au cœur d’un intense débat de politique constitutionnelle à  propos de l’étendue de son contrôle. L’intervention de la Cour par l’arrêt du 13 janvier 2014 dans le débat sur la loi électorale italienne a cristallisé le conflit doctrinal autour de la relation entre cette dernière et le Parlement. Le très grand intérêt de cet arrêt réside donc essentiellement dans son objet, la loi n° 270 de 2005 qui régit les élections législatives nationales. Les lois électorales appartiennent à  la catégorie des lois « constitutionnellement nécessaires », dont l’existence et la validité sont indispensables pour assurer le fonctionnement et la continuité des organes constitutionnels de la République. D’une manière cohérente avec ce principe général, la Cour constitutionnelle a souligné dans sa jurisprudence « les caractéristiques propres de la matière électorale, au regard notamment de l’exigence de pouvoir disposer, en tout temps, d’une norme opératoire » : cela implique qu’il ne peut y avoir de « vide juridique » ne serait-ce que temporaire sur cette matière à  cause d’une éventuelle déclaration d’inconstitutionnalité.

En Italie, le système électoral est prévu par le décret législatif du 30 mars 1957 qui a subi diverses modifications successives par voie législative. Une des plus importantes a été celle de la loi de 2005 ; proposée par le sénateur du parti de la Ligue du Nord Roberto Calderoli, elle avait été fortement voulue par l’alors président du Conseil des ministres Silvio Berlusconi, qui avait menacé une crise du gouvernement si le passage d’un système mixte essentiellement majoritaire à  un système proportionnel n’avait pas lieu. Approuvée quelque mois avant les élections de 2006 sans l’accord de l’opposition, cette loi prévoyait notamment la représentation proportionnelle pour l’élection des députés et des sénateurs, à  scrutin de liste bloquée et avec la possibilité pour les candidats de se présenter dans plusieurs circonscriptions. Pour pallier aux effets pervers liés à  la possible fragmentation de la majorité politique due à  la représentation proportionnelle, une prime majoritaire était attribuée à  la liste ayant obtenu la majorité relative des sièges, si aucune liste n’avait atteint 55% des sièges à  la fois à  la Chambre et au Sénat. Ce système de prime majoritaire, qui devait à  la fois permettre d’atteindre l’objectif de la stabilité politique et donner une place importante aux principaux partis politiques italiens, a été fortement critiqué dès ses débuts pour ne pas avoir atteint l’objectif de gouvernabilité : la cause en était notamment la difficulté d’obtenir une même majorité dans les deux Chambres du Parlement dans une situation de bicaméralisme parfait. Cette polémique s’est terminée avec la déclaration d’inconstitutionnalité d’une grande partie de la loi de 2005 par la Cour constitutionnelle italienne.

Du fait de la présence de considérations politiques dans les jugements constitutionnels, les juridictions constitutionnelles ont pu être accusées de s’adonner à  une surinterprétation de la Constitution. Nous reprendrons à  notre compte ce dernier concept pour caractériser non seulement l’arrêt n° 1/2014 de la Cour italienne, qui a probablement surinterprété certaines de ses compétences, mais également la réaction de la doctrine constitutionnaliste italienne, qui a largement surinterprété ce qu’a dit la Cour dans son arrêt. L’enjeu démocratique de la question posée amène à  la fois la Cour et la doctrine à  mélanger considérations de forme et de fond dans l’analyse de l’admissibilité de la question renvoyée par la Cour de cassation et du fond de la décision elle-même.

Les controverses doctrinales suscitées par cet arrêt sont innombrables et montrent bien, à  notre sens, la tension entre contrôle juridictionnel des lois et des domaines politiques par excellence tels que le droit électoral. C’est la raison pour laquelle cet arrêt était très attendu, au point que la Cour a diffusé un communiqué de presse en indiquant le « résultat » quelques semaines plus tôt, dans l’objectif de faire taire les rumeurs.

Deux éléments sont à  retenir de cet arrêt : premièrement, la saisine de la part de la Cour de cassation qui a porté au traitement de la question de conformité constitutionnelle à  propos de la loi électorale de 2005, dont la recevabilité n’allait pas de soi, et qui a porté à  un dialogue constructif entre la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle (1). Deuxièmement, le dispositif de la décision constitutionnelle qui déclare l’inconstitutionnalité de deux dispositions de cette loi, provoquant différentes interprétations du dialogue manqué entre la Cour constitutionnelle et le législateur (2). Parallèlement à  l’analyse des réactions de la doctrine constitutionnaliste italienne, qui constituent notre principal objet d’étude, ces deux éléments permettent de parcourir à  la fois les vicissitudes judiciaires qui ont conduit à  l’arrêt commenté et ses principales conséquences juridiques et politiques.

I. La recevabilité de la question de constitutionnalité : un dialogue constructif entre les deux cours suprêmes

L’ordonnance de renvoi de la Cour de cassation et le raisonnement de la Cour constitutionnelle concernant la recevabilité de la question dont elle était saisie peuvent faire l’objet d’une seule et même analyse, non seulement parce que la réponse favorable de la Cour constitutionnelle clôt en quelque sorte le débat sur le renvoi qui précède l’arrêt, mais aussi parce que les arguments de la Cour de cassation sont en grande partie retenus et repris tels quels par le juge constitutionnel. En effet, un doute planait sur la recevabilité de la question renvoyée par la Cour de cassation, celui de la fictio litis, ce qui rend la question de la recevabilité particulièrement essentielle dans l’étude de cet arrêt.

Il convient de rappeler que dans la procédure du contrôle de constitutionnalité des lois en Italie, sauf pour la possibilité de saisir la Cour par voie directe ou d’action de la part de l’État ou des régions, la saisine passe nécessairement par le renvoi du juge ordinaire. La législation constitutionnelle (article 1.1 de la loi constitutionnelle n° 1 de 1948 et article 23 de la loi constitutionnelle n° 87 de 1953) prévoit le mode de saisine de la Cour constitutionnelle, par transmission d’une question incidente de la part des juges ordinaires lors d’un procès sur le fond (a quo). Ce contrôle par voie incidente est demandé par les parties ou soulevé d’office par le juge, et doit satisfaire les deux conditions cumulatives de la pertinence (pertinenza) et du caractère non manifestement infondé (non manifesta infondatezza) — c’est-à -dire le caractère sérieux — de la question posée. Ce travail de « filtrage » est effectué par tous les juges ordinaires des rangs inférieurs jusqu’aux juridictions suprêmes ; la deuxième condition de recevabilité de la question a d’ailleurs pris une importance particulière depuis l’arrêt n° 356 de 1996, où la Cour a affirmé qu’une question ne peut être déclarée non manifestement infondée que s’il est impossible d’en donner une interprétation conforme à  la Constitution.

En l’espèce, l’instance au cours de laquelle la question de la constitutionnalité de la loi électorale a été soulevée a commencé en novembre 2009, lorsqu’un avocat, Aldo Bozzi, en tant que « citoyen-électeur », a attaqué en justice la Présidence du Conseil des ministres et le Ministère de l’Intérieur en affirmant que son droit de vote n’avait pu être exercé conformément à  la Constitution, en raison de la loi électorale de 2005. Dans le cadre de ce litige, il avait demandé que le juge ordinaire renvoie une question de constitutionnalité à  la Cour constitutionnelle. Le requérant invoquait notamment les principes du vote libre, personnel et égal (articles 48, 56 et 58 de la Constitution), et dénonçait l’impossibilité d’exprimer des préférences et l’attribution d’une prime majoritaire à  la liste ayant obtenu la majorité relative, sans exigence d’un nombre minimum de voix pour l’obtenir. Le Tribunal de Milan et la Cour d’appel de la même ville avaient déclaré la question de constitutionnalité manifestement infondée et rejeté le recours. La Cour de cassation, comme on le sait, a renversé cette solution et a transmis la question au juge constitutionnel. Le débat qui a suivi l’ordonnance de la Cour de cassation d’abord, puis l’arrêt de la Cour constitutionnelle, a pointé la « créativité » des deux cours suprêmes dans l’admission d’une question de constitutionnalité pour le moins atypique. Les positions qui ressortent de ce débat semblent se cristalliser autour d’une simple question : la fin justifie-t-elle les moyens ?

L’absence d’un recours constitutionnel direct pour le citoyen ainsi que le passage obligé par une instance en cours indépendante de la question de constitutionnalité représentent concrètement un « goulot d’étranglement » (strettoia) dans le contrôle de la constitutionnalité des lois électorales, qui peuvent difficilement faire l’objet d’un jugement autre que constitutionnel. La fonction du juge a quo, susceptible de renvoyer une question constitutionnelle, n’est en Italie nullement celle d’un simple filtre, qui se limiterait à  vérifier la présence des critères formels pour ensuite transmettre la question. Le procès en cours lors du renvoi à  la Cour constitutionnelle reste autonome par rapport au jugement du contrôle de la constitutionnalité et ne peut avoir comme unique raison d’être l’annulation d’une disposition jugée inconstitutionnelle. Par conséquent, d’après un certain nombre d’auteurs, la finalité, pour honorable qu’elle soit, de passer au crible de la constitutionnalité une loi de si grande importance dans un régime démocratique ne justifiait pas la mise en place par voie prétorienne d’un recours constitutionnel « quasi-direct », dans lequel les parties, bien qu’elles ne puissent éviter de passer par le juge du fond, dirigent en réalité leur recours directement contre la loi. Pour ces auteurs, ce recours n’est inscrit dans aucune règle constitutionnelle précisant la saisine de la Cour et est tout simplement illégal ; sa création est donc « politique », car elle dépend de la volonté d’élargir le « goulot d’étranglement » limitant le contrôle du juge constitutionnel et de réduire les zones d’ombre, ou « zones franches », du droit constitutionnel.

Avant que la Cour constitutionnelle ne se prononce sur la recevabilité de la question, une partie de la doctrine affirmait qu’il serait certes positif de contrôler cette loi, mais que la Cour constitutionnelle ne le pouvait pas, ayant « les mains liées », et devait reconnaître l’irrecevabilité de la question. Selon la Cour de cassation, le mécanisme du caractère incident de la question constitutionnelle pouvait constituer un obstacle indépassable dans l’élimination des violations de la part de la Cour constitutionnelle ; or, face à  des violations directes par le législateur de « valeurs constitutionnelles primaires », comme le droit de vote, cette situation était inacceptable. La fin — la possibilité de contrôler la loi électorale, sur laquelle pèsent des forts soupçons d’inconstitutionnalité, et ce depuis des années — justifie les moyens — l’admission d’un prétexte, d’une fictio litis en principe interdite par la réglementation de l’activité de la Cour constitutionnelle.

Selon la partie de la doctrine favorable à  l’admission de la question, le juge constitutionnel a ainsi manifesté sa volonté d’étendre le contrôle de constitutionnalité à  celle qui était considérée depuis longtemps comme une « zone franche » (expression employée par la Cour elle-même) dans le système de justice constitutionnelle. L’injusticiabilité des lois électorales n’est pas une nouveauté italienne et avait déjà  été mise en avant par la Cour suprême américaine, dans l’arrêt de 1946 Colegrove v. Green (ensuite renversé par Baker v. Carr de 1962), qui affirme qu’« il est contraire à  un système démocratique de faire intervenir le judiciaire dans la politique du peuple. Et cela n’est pas moins pernicieux si une telle intervention judiciaire, dans un contexte essentiellement politique, est déguisée avec les termes abstraits du droit ». La Cour italienne semble avoir dépassé, par l’arrêt n° 1 de 2014, la séparation proposée par le juge américain entre la politique comme sphère du concret et monopole du peuple (et de ses représentants) et le droit comme sphère de l’abstrait et du fait des juges. En effet, en soulignant le caractère fictif du procès qui a suscité la question de constitutionnalité, la doctrine italienne semble affirmer que la Cour constitutionnelle a agi pour « remédier » à  la défaite de la classe politique, incapable de réagir par elle-même à  une loi jugée fortement problématique. Cette intervention active de la Cour, soulignée dans l’arrêt par l’évocation à  plusieurs reprises de « l’inertie du législateur », est encore plus visible, selon la doctrine italienne, quand on aborde le fond de la décision.

II. L’inconstitutionnalité déclarée de la loi électorale de 2005 : le dernier acte d’un dialogue « de sourds » entre la Cour constitutionnelle et le législateur

Les deux déclarations d’inconstitutionnalité concernent les deux dispositions attaquées par le requérant : la prime majoritaire, d’une part, et l’absence de la possibilité d’indiquer une préférence lors du vote, d’autre part.

Tout d’abord, l’attribution de la prime majoritaire est différente à  la Chambre des députés, où elle est octroyée au niveau national à  la coalition qui a obtenu le plus grand nombre de voix (fût-ce une de plus seulement que les autres), et au Sénat, où la prime est allouée dans chaque région à  la coalition qui obtient le plus grand nombre de voix dans la circonscription régionale, et ensuite tous les résultats sont additionnés pour calculer le nombre total de sièges attribués à  chaque liste. Or, les deux primes posent deux problèmes constitutionnels différents : la première, en l’absence d’un seuil minimum de votes obtenus, comporte une distorsion trop importante de la représentation proportionnelle, car une coalition arrivée en tête, mais avec très peu de différence dans le nombre des suffrages par rapport aux autres, pourrait se retrouver avec un nombre extrêmement important et disproportionné de sièges à  la Chambre. La seconde prime, régionale, pose un problème de stabilité gouvernementale et d’égalité du vote : non seulement, étant donné la grande différence de taille entre les régions, le vote d’un électeur d’une région plus peuplée peut avoir un poids différent de celui d’un autre électeur d’une plus petite région/circonscription ; mais encore, l’addition des résultats régionaux, prime incluse, peut conduire à  renverser le résultat électoral obtenu au niveau national, et même conduire à  une majorité différente dans les deux Chambres du Parlement. Cette dernière conséquence est considérée par la Cour constitutionnelle comme une grave atteinte à  la stabilité politique : en présence d’un bicaméralisme égalitaire comme c’est le cas en Italie, cela peut conduire à  un ralentissement de la procédure législative, déjà  fortement perturbée ces derniers temps.

La seconde disposition jugée inconstitutionnelle concerne l’impossibilité pour l’électeur d’exprimer une préférence à  l’intérieur de la liste qu’il choisit ; cela donne, selon la Cour, un trop grand rôle aux partis politiques et limite le caractère personnel et libre du vote. Or, étrangement, alors que tous les commentaires évoquent l’absence de fondement constitutionnel des listes bloquées, ce n’est pas directement sur l’absence de la préférence que se concentre la Cour. L’atteinte au droit de vote n’est pas constituée par l’impossibilité de choisir le candidat désiré, mais par la difficulté de pouvoir le « connaître » : la pratique des listes longues, ou des « listes-draps » (liste lenzuolo), dues à  l’ampleur des circonscriptions et à  la possibilité pour les candidats de se présenter sur plusieurs circonscriptions en même temps et de choisir par la suite leur siège, empêche l’électeur de véritablement connaître tous les candidats (dont les noms n’apparaissent d’ailleurs pas sur les bulletins mais seulement sur des affiches à  l’entrée du bureau de vote). Le rapport entre la possibilité de connaître les candidats et le vote de préférence n’est pas particulièrement clair dans l’arrêt. Mais la Cour ne pouvait, par intervention prétorienne, ni diminuer la taille des circonscriptions, ni interdire la pratique des candidatures multiples ; elle a donc opéré dans les limites de sa compétence pour inciter le législateur à  rééquilibrer le rapport entre la sélection des candidats par les partis politiques et le vote du citoyen en passant par l’idée de la connaissabilité des candidats.

Pour ce qui concerne les deux dispositions litigieuses, c’est l’équilibre entre les intérêts en jeu qui est au cœur de l’arrêt, qui se livre à  un contrôle de la proportionnalité et du caractère raisonnable de celles-ci, réuni dans un seul et même test. La référence explicite faite par la Cour constitutionnelle à  cette modalité de contrôle n’est pas anodine ni fréquente dans la justice constitutionnelle italienne ; le fait qu’il s’agisse d’un test effectué sur la base du critère des droits fondamentaux le rend d’autant plus important. Dans cet arrêt, en effet, le droit de vote (article 48 de la Constitution) est consacré comme droit fondamental protégé par la Constitution, un caractère réservé aux principes présents dans la partie « Principes fondamentaux » de la Constitution (articles 1-12) et dans la première partie « Droits et devoirs des citoyens » (articles 13-54). Ces droits fondamentaux, inaliénables et attribués à  la « personne » qui en est le titulaire, caractérisent en profondeur l’ordre constitutionnel italien au point que la Cour constitutionnelle leur a attribué un caractère supra-constitutionnel. La supra-constitutionnalité et le caractère fondamental sont notamment attribués aux principes fondamentaux, et le lien avec le droit de vote est effectué par la Cour dans l’arrêt commenté par l’interprétation de ce droit à  la lumière du second alinéa de l’article 1er de la Constitution. Faisant référence à  la souveraineté du peuple et à  son exercice dans les limites constitutionnelles, cet article permet d’intégrer le droit de vote — et ses deux caractères, la liberté et l’égalité du vote — parmi les principes fondateurs du caractère démocratique de la représentation parlementaire.

En l’espèce, l’attente légitime du citoyen électeur est de voir sa voix influer sur la répartition des sièges ; cette attente est liée au droit fondamental de l’égalité appliqué au suffrage. Tout aussi légitime est l’objectif de stabilité et de gouvernabilité de l’État qui nécessite une certaine distorsion du mode de scrutin proportionnel, par l’octroi d’une prime, distorsion jugée ici excessive. La prime majoritaire, telle qu’elle existe (sans seuil), est censurée. Concernant le vote de préférence, la conciliation doit être faite entre le caractère direct du suffrage (dans l’attente légitime des citoyens d’influer sur le choix des élus) et le rôle nécessaire des partis politiques dans une démocratie représentative : la Cour considère que la place prise par la sélection des partis est disproportionnée, et la disposition qui prévoit des listes bloquées sans possibilité d’émettre une préférence est censurée.

Suite au prononcé de l’inconstitutionnalité des dispositions litigieuses, la doctrine s’est penchée sur la nature de cette décision. En effet, bien que la Cour italienne n’ait en principe que deux possibilités dans ses arrêts — l’accueil ou le rejet de la question de constitutionnalité posée —, elle a développé dans sa jurisprudence une typologie d’arrêts très diversifiée sur laquelle la doctrine constitutionnaliste a travaillé et qui permet de classer les différents arrêts de la Cour constitutionnelle. Le classement de l’arrêt commenté ne relève pas uniquement d’une querelle heuristique entre experts, mais contient des enjeux relatifs au débat sur l’intervention politique de la Cour dans cette question. L’arrêt est généralement classé parmi les arrêts « additifs de principe », en ce qu’il sanctionne la loi pour « ce qu’elle ne prévoit pas », et au lieu de préciser la règle qui doit être appliquée à  la place (comme dans les arrêts dits « additifs » tout court), il énonce un principe, qu’il reviendra au législateur d’appliquer à  sa guise. En l’espèce, la Cour n’oblige pas à  créer un système de préférences dans le scrutin de liste, ni n’annonce le seuil qu’il faudra mettre en place pour l’accès à  la prime majoritaire.

Une question relative au niveau d’intervention(nisme) attribué par la doctrine à  la Cour constitutionnelle concerne l’effet direct de l’arrêt (sentenza autoapplicativa). De deux choses l’une : ou bien le législateur est obligé de refaire la loi électorale pour qu’il y ait une loi valide en cas d’élection législatives, ou bien la loi peut rester telle quelle, à  l’exception des dispositions annulées. Une autre question apparaît : le Parlement actuel, élu avec une loi déclarée inconstitutionnelle, a-t-il la légitimité de faire une réforme électorale ? Les deux questions sont liées dans la position de la doctrine : pour certains constitutionnalistes (peu nombreux), l’arrêt a un effet direct, et le Parlement est en effet délégitimé. Il faudrait donc organiser rapidement des élections avec la loi électorale en vigueur pour élire un Parlement qui sera en mesure de procéder à  une véritable réforme du système électoral. Pour d’autres, malgré une apparence d’effet direct, celui-ci n’est pas réaliste dans le contexte politique actuel, puisque le système proportionnel pur laissé en vigueur ne permettra pas d’obtenir la stabilité gouvernementale que la Cour elle-même considère comme un objectif conforme à  la Constitution (costituzionalmente legittimo ou di rilievo costituzionale) ; le paysage politique italien ne semble pas permettre d’envisager une telle solution. Le caractère direct de l’arrêt peut montrer la volonté de la Cour d’engager un dialogue avec le législateur ; mais la position de la Cour semble ambiguë. Elle insiste d’une part sur l’applicabilité de l’arrêt tel quel, en sachant de plus que les arrêts additifs de principe peuvent être considérés comme « l’expression d’une absence de dialogue entre les institutions eu égard de questions de conformité constitutionnelle », ce qui est dans le cas d’espèce plausible puisque les premiers avertissements de la Cour sur les problèmes de constitutionnalité de la loi de 2005 avaient été laissés sans suite. Les invitations à  l’action adressées au législateur sont, d’autre part, présentes partout dans l’arrêt. Cette dernière interprétation, fondée sur des considérations davantage liées au contexte politique qu’à  la discipline constitutionnelle, a été admise par le Président de la République, qui a incité les partis politiques à  réformer la loi électorale de manière à  limiter les effets pervers d’une représentation proportionnelle sans correctifs majoritaires. L’invitation a été reçue, car une nouvelle loi électorale est actuellement en cours d’examen par le Sénat.

Depuis des années, la question de la réforme électorale faisait la une des programmes politiques, sans que celle-ci puisse aboutir à  cause de l’absence d’une majorité assez forte pour réunir le consensus nécessaire. Le juge constitutionnel avait de son côté incité plusieurs fois le législateur à  agir pour modifier la loi électorale ; il devient ainsi le suppléant du législateur dans une période de grande incertitude, due à  l’instabilité du contexte politique et à  l’absence d’une majorité claire issue des élections démocratiques (il suffit notamment de rappeler la mise en place de deux gouvernements techniques ou de « larges ententes » en 2011 et en 2013) — situation pour laquelle on blâme d’ailleurs souvent la loi électorale censurée. S’il est difficile de soutenir, en dépit de certaines positions « extrêmes » issues de la doctrine au moment de la publication du communiqué de presse, que la Cour constitutionnelle a réécrit la loi électorale, il est indéniable que la Cour a pris en compte des considérations d’opportunité politique. Cela est visible notamment dans le raisonnement sur l’admissibilité de la question, qui tourne autour de l’importance de la matière traitée, et dans le raisonnement final à  propos de la légitimité des chambres actuellement en place — s’agirait-il d’une réponse aux unes des journaux criant au « Parlement inconstitutionnel », après la publication préalable du communiqué de presse en décembre 2013 ? Jusqu’à  quel point une cour constitutionnelle peut-elle, ou doit-elle, adapter ses compétences en fonction du contexte politique qui l’entoure ? Sans rendre possible une réponse définitive à  ces questions, l’intervention de la Cour italienne dans cette « zone franche » du contrôle juridictionnel des lois a pu être considérée à  la fois comme politiquement satisfaisante (la loi électorale de 2005 est régulièrement surnommée « vacherie », y compris par son auteur, d’où le surnom « Porcellum », inventé par le politologue Giovanni Sartori) et juridiquement inacceptable.

Le contrôle incident de constitutionnalité des lois est unanimement considéré comme la clef de voûte du système constitutionnel italien ; les débuts difficiles de sa mise en place justifient la fierté de la doctrine italienne pour un système perçu désormais comme totalement légitime. Il semble toutefois que les nombreuses critiques envers l’intervention de la Cour dans un domaine traditionnellement politique visent une manifestation contestable de l’extension des pouvoirs du juge qui, au nom de la garantie de la démocratie, serait en mesure de fixer les conditions d’accès au pouvoir à  travers les lois électorales. Il nous semble donc que cet arrêt peut se prêter plus que d’autres à  des interprétations et notamment des retombées politiques, du moment que, de plus, la Cour s’attache à  expliquer les effets de l’arrêt, ce qui est assez inusité. Dès le communiqué de presse de décembre 2013, le juge constitutionnel insiste sur les pouvoirs toujours intacts du Parlement, pour éviter que celui-ci soit délégitimé, ce qui est répété dans les motivations de l’arrêt.

Les réactions de la doctrine à  cet arrêt se placent à  deux niveaux de discours. À un niveau théorique, il s’agit de montrer que la Cour constitutionnelle se serait substituée au moins en partie au législateur : au législateur constituant en ce qui concerne l’ouverture de la recevabilité à  un mode de saisine pour le moins atypique ; au législateur ordinaire, pour ce qui a trait à  la réforme électorale. À un niveau métathéorique, il semble que la doctrine se soit substituée à  la Cour constitutionnelle, en lui faisant dire des choses qu’elle n’a pas dit, afin d’applaudir ou regretter la « décision politique » de la Cour. Pour illustrer les brèves considérations ici présentées, nous proposons ci-dessous une traduction de certains passages de l’arrêt n° 1 de 2014, que nous avons considérés comme les plus intéressants pour le lecteur français.

Arrêt N° 1

Année 2014

République italienne

Au nom du peuple italien

La Cour constitutionnelle

Composée de MM. Gaetano SILVESTRI, Président, Luigi MAZZELLA, Sabino CASSESE, Giuseppe TESAURO, Paolo Maria NAPOLITANO, Giuseppe FRIGO, Alessandro CRISCUOLO, Paolo GROSSI, Giorgio LATTANZI, Aldo CAROSI, Mme Marta CARTABIA, MM. Sergio MATTARELLA, Mario Rosario MORELLI, Giancarlo CORAGGIO, Giuliano AMATO, Juges,

a prononcé

ARRÊT

dans le jugement de la constitutionnalité des articles 4, alinéa 2, 59 et 83, alinéa 1, n° 5 et alinéa 2 du décret présidentiel du 30 mars 1957, n° 361 (Approbation du texte unique portant dispositions régissant l’élection de la Chambre des députés), tel que modifié par la loi du 21 décembre 2005, n° 270 (Modifications apportées aux règles relatives à  l’élection de la Chambre des députés et du Sénat) ; articles 14, alinéa 1, et 17, alinéas 2 et 4, du décret législatif du 20 décembre 1993, n° 533 (Texte unique portant dispositions pour l’élection du Sénat), tel que modifié par la loi n° 270 de 2005, à  la suite du renvoi par la Cour de cassation à  l’occasion du litige civil en cours entre Aldo Bozzi et autres, d’une part, et la Présidence du Conseil des ministres et autre, d’autre part, par l’ordonnance du 17 mai 2013 enregistrée sous le n° 144 du registre des ordonnances de 2013 et publiée dans le Journal Officiel de la République n° 25, première série spéciale de 2013.

Vu l’acte de constitution de partie d’Aldo Bozzi et autres ;

Entendu au cours de l’audience publique du 3 décembre 2013, le juge rapporteur Giuseppe Tesauro ;

Entendus les avocats Claudio Tani, Aldo Bozzi et Carlo Felice Besostri pour Aldo Bozzi et autres.

En fait

[…] [Rappel des dispositions attaquées]

1.1. [Par l’ordonnance du 17 mai 2013] Le juge du fond [Cour de cassation] affirme avoir été appelé à  se prononcer sur le recours contre l’arrêt de la Cour d’appel de Milan, rendu le 24 avril 2012, par lequel cette dernière, confirmant l’arrêt de première instance, avait rejeté la demande par laquelle un citoyen électeur avait demandé que soit déclaré que son droit de vote n’avait pu et ne pouvait être exercé en conformité avec les principes constitutionnels.

En particulier, la Cour de cassation précise que le citoyen électeur a poursuivi, devant le Tribunal de Milan, la Présidence du Conseil des ministres et le Ministère de l’Intérieur, affirmant que lors des élections pour la Chambre des députés et le Sénat de la République qui ont eu lieu après l’entrée en vigueur de la loi n° 270 de 2005, et, en particulier, lors des scrutins de 2006 et 2008, il n’a été en mesure d’exercer son droit de vote, conformément aux règles édictées par ladite loi, qu’en opposition avec les principes constitutionnels du vote « personnel et égal, libre et secret » (art. 48, deuxième alinéa, de la Constitution) et du « suffrage universel et direct » (art. 56, premier alinéa, et art. 58, premier alinéa, de la Constitution). Par conséquent, il demandait la déclaration que son droit de vote n’avait pu et ne pouvait être exercé de façon libre et directe, de la manière prescrite et garantie par la Constitution et par le Protocole 1 de la CESDH, et demandait par conséquent que ce droit soit restauré selon des modalités conformes à  la légalité constitutionnelle.

[…] [Considérations préliminaires de l’ordonnance de renvoi de la Cour de cassation]

1.6. Sur le fond, la Cour de cassation, contrairement à  la position adoptée par les juridictions inférieures, affirme que l’absence d’une base juridique expresse en matière électorale dans la Constitution ne suffit pas à  conclure que la réglementation relative ne doive pas être compatible avec les principes énoncés dans la Constitution, en particulier avec le principe d’égalité fondement du principe de ragionevolezza (caractère raisonnable), en vertu de l’article 3 de la Constitution, ou avec la contrainte du vote personnel, égal, libre et direct (articles 48, 56 et 58 de la Constitution), conformément d’ailleurs à  une tradition constitutionnelle bien établie et commune à  de nombreux États.

[…] [Rappel des griefs soulevés par les requérants]

2. Notamment, concernant les règles relatives à  la prime majoritaire, les requérants en font valoir l’irrationalité, à  la suite de ce qui a déjà  été mis en évidence par la doctrine et confirmée par la jurisprudence constitutionnelle, à  l’occasion du contrôle de l’admissibilité du référendum abrogatif (arrêts n° 15 et n° 16 de 2008, et n° 13 de 2012), notamment en ce qui concerne le fait que les lois électorales en vigueur attribuent une prime majoritaire énorme à  la liste qui aurait obtenu ne serait-ce qu’une voix de plus que les autres, sans exiger de seuil minimum de votes.

Concernant les préférences, les demandeurs allèguent que l’exercice de ce droit a été illégalement supprimé par le législateur en 2005, en contraste avec la Constitution, qui, à  l’article 48, deuxième alinéa, établit que le vote est « personnel et égal, libre et secret » et qui, aux articles 56, premier alinéa, et 58, premier alinéa, prévoit que le vote doit avoir lieu au « suffrage direct et universel », ce qui assure ainsi que le vote est exprimé par la personne qui vote (l’électorat actif [elettorato attivo]) et reçu directement par la personne candidate (l’électorat passif [elettorato passivo]). Attachant une importance exclusive à  l’ordre d’insertion des candidats dans la liste, tel qu’il est déterminé préalablement par les organes du parti politique, et éliminant tout pouvoir direct de l’électeur d’affecter la composition de l’Assemblée, la loi aurait transformé les élections en un simple processus de ratification de l’ordre de la liste tel que déterminé par les organes du parti, en conférant ainsi aux élections un pouvoir exclusif, non plus de désignation d’une série de noms soumis individuellement au choix direct des électeurs, mais de simple nomination.

En droit

[…] [Rappel des principaux éléments de l’ordonnance de renvoi de la Cour de cassation]

2. Quant à  la recevabilité des questions de constitutionnalité renvoyées, il convient de souligner que, selon la jurisprudence constante de cette Cour, un tel contrôle, conformément à  l’article 23 de la loi du 11 mars 1953, n° 87 (Normes sur la mise en place et le fonctionnement de la Cour constitutionnelle), « doit se limiter à  vérifier le caractère suffisant des motifs qui doivent satisfaire les conditions dans lesquelles la procédure principale (a quo) peut être dite concrètement et efficacement mise en place, avec son propre objet, c’est-à -dire un petitum séparé et distinct de la question de constitutionnalité, sur lequel le juge du fond est appelé à  se prononcer » (parmi tant d’autres, arrêt n° 263 de 1994). L’identification d’un intérêt à  agir et la vérification de la capacité à  agir des parties, ainsi que de la compétence de la juridiction de renvoi, en vue de l’appréciation de la pertinence (rilevanza) de la question de constitutionnalité, sont soumises à  l’évaluation du juge du fond et ne font pas l’objet d’un examen de la part de cette Cour, s’ils sont étayés par une motivation plausible (parmi les arrêts les plus récents, n° 91 de 2013, n° 280 de 2012, n° 279 de 2012, n° 61 de 2012, n° 270 de 2010).

En l’espèce, la Cour de cassation, avec une motivation amplement justifiée, structurée et complète, a fait valoir de manière plausible à  la fois le caractère préjudiciel des questions de constitutionnalité par rapport à  la définition de la procédure principale et la pertinence de celles-ci.

[…] [Rappel de la procédure devant le Tribunal et la Cour d’appel de Milan]

À cet égard, afin de satisfaire aux conditions de pertinence de la question de constitutionnalité, il faut rappeler que, selon un principe énoncé par cette Cour depuis ses premières décisions, « le fait que l’inconstitutionnalité alléguée d’une ou plusieurs lois soit la seule motivation du recours devant la juridiction de renvoi n’empêche pas de considérer comme rempli le critère de la pertinence, à  chaque fois qu’on peut identifier dans le jugement principal une demande (petitum) séparée et distincte de la question (ou des questions) de constitutionnalité, sur laquelle la juridiction de renvoi est appelée à  se prononcer » (arrêt n° 4 de 2000, mais une déclaration similaire figurait déjà  dans l’arrêt n° 59 de 1957), cela afin d’éviter également « l’exclusion de toute garantie et de tout contrôle » de certains actes législatifs […].

En l’espèce, cette condition est satisfaite, parce que la demande faisant l’objet du jugement principal est constituée par la reconnaissance du droit invoqué, qui sera par hypothèse affectée par la décision concernant les questions de constitutionnalité soulevées ; le contrôle demandé au juge du fond n’apparaît pas totalement absorbé par l’arrêt de cette Cour, dans la mesure où resterait ouverte la question du contrôle des autres conditions dont dépend, aux termes de la loi, la reconnaissance du droit de vote. En outre, dans le cas d’espèce, la question porte sur un droit fondamental protégé par la Constitution, le droit de vote, qui a pour caractéristique essentielle le lien avec un intérêt du corps social dans son ensemble, et elle a été posée dans le but de mettre un terme à  une situation d’incertitude sur la portée réelle de ce droit, provoquée précisément par « une modification (ayant déjà  eu lieu) de la réalité juridique », qui est, par hypothèse, une conséquence des dispositions attaquées.

La recevabilité des questions de constitutionnalité soulevées dans le cadre de ce jugement se déduit précisément de la particularité et de l’importance constitutionnelle, d’une part, du droit objet du contrôle, et, d’autre part, de la loi qui, en raison du soupçon d’inconstitutionnalité, rend la portée de ce droit incertaine Cette recevabilité est également le corollaire inévitable du principe qui impose d’assurer la protection du droit inviolable de vote, affecté – d’après l’ordonnance de la juridiction de renvoi — par une législation électorale non conforme aux principes constitutionnels, indépendamment de l’application de celle-ci, car l’incertitude quant à  la portée du droit représente déjà  une violation juridiquement considérable. La nécessité de garantir le principe de constitutionnalité rend donc essentielle l’affirmation de la compétence de la Cour pour un contrôle — qui « doit couvrir le plus largement possible le système juridique » (arrêt n° 387 de 1996) – s’appliquant également aux lois, telles celles relatives aux élections à  la Chambre et au Sénat, « qu’il serait plus difficile de lui soumettre autrement » (arrêts n° 384 de 1991 et n° 226 de 1976).

Dans le cadre de ces principes, les questions de constitutionnalité soulevées sont recevables, conformément également à  l’exigence que des lois, telles que celles relatives à  l’élection de la Chambre et du Sénat, ne soient pas soustraites au contrôle de constitutionnalité, en ce qu’elles définissent les règles de composition des organes constitutionnels essentiels au fonctionnement d’un système démocratique représentatif et ne peuvent donc être à  l’abri de ce contrôle. On finirait sinon par créer une zone franche dans le système de justice constitutionnelle, dans un domaine étroitement lié à  la structure même de la démocratie, puisqu’il porte atteinte au droit fondamental de voter ; pour cette raison, cela conduirait à  une blessure (vulnus) intolérable pour l’ordre constitutionnel dans son ensemble.

3. Sur le fond, la première question concerne la prime majoritaire allouée pour l’élection de la Chambre des députés. […]

3.1. La question est fondée.

Cette Cour a depuis longtemps rappelé que l’Assemblée constituante, « tout en exprimant, avec l’approbation de l’ordre du jour, son soutien à  un système de représentation proportionnelle dans l’élection des membres de la Chambre des députés, n’a pas souhaité figer cette question au niveau normatif, par la constitutionnalisation du choix proportionnel ou en adoptant des dispositions concernant les systèmes électoraux, dont la configuration est laissée à  la loi ordinaire » (arrêt n° 429 de 1995). Par conséquent, la « détermination des formules et des systèmes électoraux est un domaine dans lequel s’exprime avec grande clarté la nature politique du choix législatif » (arrêt n° 242 de 2012 ; ordonnance n° 260 de 2002 ; arrêt n° 107 de 1996).

[…] [Rappel de la jurisprudence constitutionnelle à  propos du principe d’égalité du vote]

La Constitution, en d’autres termes, n’impose pas de modèle de système électoral, dans la mesure où elle laisse à  l’appréciation du législateur le choix du système qu’il juge le plus approprié et le plus efficace en tenant compte du contexte historique.

Le système électoral, toutefois, même s’il est l’expression d’une ample marge d’appréciation législative, n’est pas exempt de contrôle et est toujours susceptible de sanction lors du jugement de constitutionnalité, s’il apparaît manifestement déraisonnable (affaire n° 242 de 2012 et n° 107 de 1996, ordonnance n° 260 de 2002). En l’espèce, précisément en ce qui concerne les règles pour les élections de la Chambre, concernant la répartition de la prime majoritaire à  défaut de l’exigence d’un nombre minimum de votes ou de sièges, la Cour, tout en niant la recevabilité de la question de la constitutionnalité du référendum abrogatif, en particulier concernant le caractère raisonnable de ces règles, a déjà  souligné la nécessité pour le Parlement d’examiner attentivement certains aspects d’un mécanisme similaire.

Certains aspects problématiques ont été identifiés dans le fait que le mécanisme de prime majoritaire est porteur d’une surreprésentation excessive de la liste qui obtient la majorité relative, car il permet à  une liste qui a obtenu un nombre de voix même relativement faible l’attribution de la majorité absolue des sièges. De cette façon, une distorsion concrète entre les voix et la répartition des sièges peut se produire, qui, bien que présente dans tout système électoral, prend dans ce cas une telle ampleur qu’elle pourra mettre à  mal la compatibilité avec le principe d’égalité des voix (arrêt n° 15 et n° 16 de 2008). Par la suite, la Cour, compte tenu de l’inertie du législateur, a renouvelé l’invitation faite au Parlement d’examiner attentivement les points problématiques de la question […]. [Rappel de la jurisprudence constitutionnelle pertinente en la matière]

Les mêmes considérations, face à  l’inertie persistante du législateur ordinaire, ne peuvent qu’être répétées et, par conséquent, les griefs relatifs à  l’art. 83, alinéa 1, no. 5, et à  l’alinéa 2 du décret présidentiel n° 361 de 1957 doivent être considérées comme fondés. Ces dispositions, en effet, ne satisfont pas l’examen de la proportionnalité et du caractère raisonnable, auquel sont soumises également les règles relatives aux systèmes de vote.

Dans les domaines caractérisés par un large pouvoir d’appréciation législative, comme en l’espèce, un tel contrôle impose à  cette Cour de déterminer si l’équilibre des intérêts constitutionnellement pertinents n’a pas été réalisé de manière à  déterminer le sacrifice ou la réduction de l’un d’eux de manière disproportionnée et donc incompatible avec la Constitution. Ce contrôle doit s’effectuer « à  travers des considérations relatives à  la proportionnalité des moyens choisis par le législateur dans sa discrétionnalité totale par rapport aux exigences objectives qui doivent être satisfaites ou aux finalités qu’il entend poursuivre, en prenant en considération les circonstances et les limites concrètes » (arrêt n° 1130 de 1988). Le test de proportionnalité employé par cette Cour ainsi que par beaucoup d’autres juridictions constitutionnelles européennes, souvent utilisé avec le test du caractère raisonnable, […] exige d’évaluer si la norme objet du contrôle, dans ses modalités d’application, est nécessaire et apte à  atteindre les objectifs légitimement poursuivis, du moment que parmi plusieurs mesures adaptées elle prescrit celle qui est le moins restrictive par rapport aux droits en question et établit des devoirs non disproportionnés par rapport à  la poursuite des dits objectifs. Dans ce cas, les conditions ci-dessus ne sont pas remplies.

Les dispositions contestées visent à  faciliter la formation d’une majorité parlementaire adéquate, afin d’assurer la stabilité du gouvernement du pays et d’accélérer le processus de prise de décision, ce qui constitue en soi un objectif conforme à  la Constitution (costituzionalmente legittimo). Cet objectif est poursuivi par un mécanisme de prime destiné à  être activé à  chaque fois que le vote à  la représentation proportionnelle n’assure à  aucune liste ou coalition de listes un nombre de voix correspondant à  une majorité supérieure à  la majorité absolue des sièges (prime de 340 sièges sur 630). Le cas échéant, le mécanisme de la prime attribue des sièges supplémentaires (jusqu’au seuil de 340 sièges) à  la liste ou à  la coalition de listes qui a obtenu ne fût-ce qu’un vote en plus des autres listes, et cela même dans le cas où le nombre de votes exprimé en valeur absolue est particulièrement petit, en l’absence d’une disposition prévoyant un seuil minimum de votes ou de sièges […].

Ce faisant, ces règles produisent un écart excessif entre la composition de l’organe de représentation politique, qui est au centre du système de démocratie représentative et de la forme parlementaire de gouvernement prévus par la Constitution, et la volonté du peuple exprimée à  travers les urnes, qui est le principal instrument de l’expression de la souveraineté populaire, conformément à  l’article premier, deuxième alinéa, de la Constitution. […] [Rappel de la jurisprudence constitutionnelle pertinente]

Le mécanisme d’attribution de la prime majoritaire prévu par les dispositions attaquées, incluses dans le système proportionnel introduit par la loi n° 270 de 2005, combiné à  l’absence d’un seuil minimum raisonnable de voix pour pouvoir concourir pour la prime est donc de nature à  provoquer une altération du système démocratique établi par la Constitution, sur la base du principe fondamental d’égalité des voix (art. 48, deuxième alinéa, de la Constitution). Ce dernier, en effet, même s’il n’oblige pas le législateur au choix d’un système particulier, exige cependant que chaque voix contribue potentiellement avec la même efficacité à  la formation des organes élus (arrêt n° 43 de 1961) et prend différentes nuances selon le système électoral choisi. Dans des ordres constitutionnels similaires à  l’ordre italien, dans lesquels ce principe est également envisagé sans que la forme électorale ne soit constitutionnalisée, le juge constitutionnel a expressément reconnu, dans le temps, que si le législateur adopte le système proportionnel, fût-ce seulement partiellement, il crée chez l’électeur l’attente légitime qu’il ne se produise pas un déséquilibre sur les effets du vote, c’est-à -dire une évaluation inégale du « poids » du vote « en sortie », au moment de la répartition des sièges, qui ne soit strictement indispensable pour éviter un risque pour la fonctionnalité de l’organe parlementaire (BVerfGE, arrêt 3/11 du 25 juillet 2012, mais v. déjà  l’arrêt n° 197 du 22 mai 1979 et l’arrêt n° 1 du 5 avril 1952). […]

En fin de compte, cette législation n’est pas proportionnée à  l’objectif poursuivi, étant donné qu’elle provoque une réduction de la fonction représentative de l’assemblée et du droit à  l’égal accès au vote, qui est excessive et susceptible de produire une profonde modification de la composition de la représentation démocratique sur laquelle se fonde toute l’architecture de l’ordre constitutionnel en vigueur.

L’article 83, alinéa 1, no. 5, et alinéa 2 du décret présidentiel n° 361 de 1957, doit donc être déclaré inconstitutionnel.

4. Les mêmes arguments doivent être mobilisés en ce qui concerne les griefs, soulevés au regard des mêmes principes constitutionnels, contre l’article 17, alinéas 2 et 4, du décret législatif n° 533 de 1993, qui régit l’attribution d’une prime majoritaire aux élections du Sénat, qui prévoit que le bureau électoral régional, si les listes de la coalition ou la liste unique, ayant obtenu le plus grand nombre de votes validement exprimés dans la circonscription, n’ont pas atteint au moins 55% des sièges alloués à  la région, leur assigne le nombre de sièges nécessaires pour atteindre 55% des sièges attribués à  la région. […]

En l’espèce, le test de proportionnalité met en lumière, outre le manque de proportionnalité au sens strict de la législation contestée, l’incapacité de celle-ci à  atteindre l’objectif poursuivi, encore plus clairement que les règles applicables à  l’élection de la Chambre des députés. En effet, en établissant que la prime majoritaire s’applique à  l’échelle régionale, elle a pour effet que la majorité du Sénat est le résultat d’une somme aléatoire des primes régionales, qui peut finir par renverser le résultat obtenu à  partir des listes ou des coalitions sur la base nationale, favorisant la formation de majorités parlementaires qui ne coïncident pas dans les deux chambres du Parlement, malgré la distribution essentiellement homogène du scrutin dans son ensemble. Cela risque d’affecter à  la fois le fonctionnement de la forme de gouvernement parlementaire envisagée par la Constitution républicaine, dans laquelle le gouvernement doit obtenir la confiance des deux Chambres (art. 94, premier alinéa, de la Constitution), et l’exercice de la fonction législative, que l’article 70 de la Constitution attribue collectivement à  la Chambre et au Sénat. […]

L’inconstitutionnalité de l’art. 17, alinéas 2 et 4, du décret législatif n° 533 de 1993 doit donc être déclarée.

5. Enfin, il convient d’examiner les griefs relatifs à  l’art. 4, alinéa 2 du décret présidentiel n. 361 de 1957 et, par conséquent, de l’article 59, alinéa 1, du même décret, ainsi que de l’article 14, alinéa 1, du décret législatif n° 533 de 1993, dans la mesure où, respectivement, ils prévoient : l’article 4, alinéa 2 du décret présidentiel n° 361 de 1957, que « Chaque électeur dispose d’une voix pour le choix de la liste pour la répartition des sièges sur une base proportionnelle, qui doit être exprimée sur un bulletin unique portant le symbole de chaque liste » ; l’article 59 du décret présidentiel n° 361, qu’« un bulletin valide pour le choix de la liste représente une voix pour la liste » ; et l’article 14, alinéa 1, du décret législatif n° 533 de 1993, que « Le vote est exprimé par le dessin avec un crayon sur le bulletin avec un seul signe apposé sur le rectangle contenant le symbole de la liste choisie ». […]

5.1. La question est fondée dans les termes indiqués ci-après.

[…] [Rappel de la législation pertinente selon les régions]

Dans ce contexte, les dispositions contestées, en prévoyant que le vote exprimé par l’électeur destiné à  déterminer la composition complète de la Chambre et du Sénat, est un vote pour choisir une liste, excluent toute possibilité que l’électeur ait un impact sur l’élection de ses représentants, qui, en plus, évidemment, du nombre de sièges obtenus par la liste, dépend de l’ordre de présentation des candidats de celle-ci, ordre de présentation qui est essentiellement déterminé par les partis. Le choix de l’électeur, en d’autres termes, se traduit par un vote de préférence exclusivement adressé à  la liste, qui — en ce qu’elle est présentée dans de très grandes circonscriptions, comme cela a été dit — contient un très grand nombre de candidats, qui peut correspondre au nombre de la totalité des sièges attribués à  la circonscription, et rend, par conséquent, leur connaissance difficile pour l’électeur lui-même.

Une telle législation prive l’électeur de toute latitude dans le choix de ses représentants, ce choix étant laissée totalement aux partis.

[…] [Comparaison avec la jurisprudence constitutionnelle concernant les communes de moins de 5 000 habitants]

En l’espèce, la liberté [de vote] apparaît compromise, étant donné que le citoyen est appelé à  déterminer l’élection de tous les députés et de tous les sénateurs en votant souvent pour une très longue liste de candidats (dans les circonscriptions les plus peuplées), qu’il peut difficilement connaître. Ceux-ci, en effet, sont identifiés sur la base des choix faits par les partis, qui se reflètent dans l’ordre de présentation, de sorte que les attentes de l’électeur quant à  l’élection peuvent être déçues au regard même de l’ordre de la liste, compte tenu des candidatures multiples et de la possibilité pour l’élu d’opter pour d’autres circonscriptions, sur la base des indications de son parti.

En fin de compte, la circonstance même qu’aucun parlementaire élu, sans exception, ne reçoive aucune indication personnelle des citoyens, met à  mal la logique de la représentation prévue dans la Constitution. De telles conditions de vote, qui imposent au citoyen par la présence d’une liste de choisir l’ensemble des nombreux candidats qui en font partie alors qu’il n’a pas eu la possibilité de les connaître et de les évaluer et qui sont automatiquement destinés, en raison de leur position dans la liste, à  devenir députés ou sénateurs, rendent la matière examinée incomparable avec d’autres systèmes de listes bloquées seulement pour une partie des sièges, ni avec d’autres systèmes caractérisés par des circonscriptions électorales ayant des dimensions géographiquement réduites, dans lesquelles le nombre de candidats qui doivent être élus est tellement exigu qu’il permet la connaissabilité des ceux-ci et avec elle l’effectivité du choix et la liberté du vote (de la même manière que ce qui a lieu dans un collège uninominal). Les conditions établies par les normes censurées sont, au contraire, telles qu’elles modifient entièrement pour l’ensemble des parlementaires le rapport de représentativité entre électeurs et élus. Au point qu’en empêchant que ce rapport se construise correctement et directement, elles limitent la liberté de choix des électeurs dans l’élection de leurs représentants au Parlement, qui constitue l’une des principales expressions de la souveraineté populaire, et contredisent ainsi le principe démocratique, en limitant la liberté du vote prévue à  l’article 48 de la Constitution (arrêt n° 16 de 1978).

Par conséquent, il convient de déclarer l’inconstitutionnalité des articles 4, alinéa 2, et 59 du décret présidentiel n° 361 de 1957, ainsi que de l’article 14, alinéa 1, du décret législatif n° 533 de 1993, dans la partie où ils ne permettent pas à  l’électeur d’exprimer une préférence pour les candidats, afin d’en déterminer l’élection.

[…] [Exclusion de la pertinence en l’espèce de l’arrêt de la CEDH du 13 mars 2012, Saccomanno et autres c. Italie]

6. La réglementation qui reste en vigueur en raison de l’inconstitutionnalité déclarée des dispositions visées par les questions posées par la Cour de cassation est « globalement apte à  garantir le renouvellement, à  tout moment, de l’organe constitutionnel électif », comme l’exige la jurisprudence constante de cette Cour (en dernier, arrêt n° 13 de 2012). […]

En particulier, la réglementation qui reste en vigueur établit un mécanisme de transformation des voix en sièges qui permet l’attribution de tous les sièges, selon les circonscriptions électorales qui demeurent inchangées, à  la fois pour la Chambre et pour le Sénat. Reste en effet, précisément, le mécanisme proportionnel prévu à  l’article 1 du décret présidentiel n° 361 de 1957 et à  l’article 1 du décret législatif n° 533 de 1993, privé de l’attribution de la prime majoritaire ; et les dispositions sanctionnées concernant l’exercice du vote sont intégrées pour permettre un vote de préférence. Il ne relève pas du ressort de cette Cour d’évaluer l’opportunité ou l’efficacité de ce mécanisme ; seul rentre dans ses compétences le contrôle de la conformité à  la Constitution des dispositions spécifiques censurées et la possibilité de procéder immédiatement à  des élections avec la réglementation qui reste en vigueur, cette condition étant liée à  la nature de la loi électorale, une « loi constitutionnellement nécessaire » (arrêt n° 32 de 1993).

[…] [Annonce de la possibilité d’utiliser l’interprétation de la loi ordinaire pour résoudre les éventuels problèmes soulevés par la présente déclaration d’inconstitutionnalité]

7. Il est clair, enfin, que la décision prise d’annuler les dispositions attaquées, ayant modifié la partie pertinente de la législation régissant les élections de la Chambre et du Sénat, ne prendra effet qu’à  l’occasion de nouvelles élections, qui doivent être entreprises soit selon les règles contenues dans la réglementation qui reste en vigueur à  la suite de cette décision, soit en vertu de la nouvelle loi électorale qui pourrait être adoptée par les Chambres. […]

Les élections qui ont eu lieu dans le cadre, entre autres, des règles électorales déclarées inconstitutionnelle représentent, en fin de compte, et de toute évidence, une situation acquise, étant donné que le processus de composition des chambres est accompli avec la proclamation des élus.

De même, les actes que les Chambres auront adoptés avant les nouvelles élections ne sont pas concernés.

Le principe fondamental de la continuité de l’État est pertinent dans le cas d’espèce ; ce principe n’est pas une abstraction et se réalise concrètement en particulier à  travers la continuité de ses organes constitutionnels ; et de tous les organes constitutionnels, à  commencer par le Parlement.

[…] [Dispositif et signatures]

Eleonora Bottini est doctorante en droit public à  l’Université Paris Ouest Nanterre-la Défense, et elle est rattachée au Centre de théorie et analyse du droit (UMR 7074). Elle travaille actuellement comme collaboratrice du Servizio Studi de la Cour constitutionnelle italienne, dans le secteur de droit comparé (droit français). Elle est également chargée de travaux dirigés à  l’Université Paris Ouest.

Pour citer cet article :

Eleonora Bottini « Le juge et la (re)définition de la démocratie : l’arrêt n°1/2014 de la Cour constitutionnelle italienne », Jus Politicum, n°13 [https://juspoliticum.com/articles/le-juge-et-la-(re)definition-de-la-democratie-:-l'arret-n12014-de-la-cour-constitutionnelle-italienne-915]