La notion de reconnaissance peut apparaître comme centrale pour le droit politique. D’un point de vue collectif, pour qu’une constitution ait une réelle existence, il ne suffit pas chaque individu obéisse aux commandements de l’Etat : il faut aussi que les organes constitutionnels soient collectivement reconnus par les sujets. Dans ce premier article, on explore les principaux caractères de la reconnaissance en droit : à l’inverse de l’annulation, véritable acte de déni juridique, la reconnaissance (de l’enfant naturel par son père, d’un Etat par un autre, etc.) revient à faire advenir ce qui est dans l’ordre de ce qui doit être. Aussi, dans la reconnaissance et le déni juridiques, l’être et le devoir-être, loin d’être entièrement séparés l’un de l’autre, sont au contraire étroitement interdépendants : le fait ne peut être reconnu que dans la mesure où il se conforme au droit. Dans le cas contraire, il fait l’objet d’un déni qui conduit à répudier ce qui est au nom de ce qui doit être. Au-delà de la question de l’obéissance, propre à la sphère normative, la reconnaissance pose donc, en termes de droit politique, la question de la légitimité, définie ici comme conformité de ce qui est avec ce qui doit être.