Faire du droit constitutionnel un droit politique : La thèse de Jean Rossetto
Cet article vise à présenter la thèse de Jean Rossetto, Recherches sur la notion de constitution et l’évolution des régimes constitutionnels, datant de 1982 et qui vient d’être éditée en hommage posthume. Ce travail peut être considéré comme un modèle pour toute personne convaincue que le droit constitutionnel doit être interprété comme du droit politique, l’auteur montrant à la fois la complexité des normes constitutionnelles qui forment le tissu de la constitution et la dynamique des régimes constitutionnels qui résulte de l’interprétation de ces normes.
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uand les trois organisatrices de ce colloque sur le droit constitutionnel comme droit politique m’ont invité à y participer, j’ai songé, après un temps de réflexion, à évoquer la thèse de Jean Rossetto pour illustrer cette manière de faire du droit constitutionnel. Le hasard avait fait que, presque au même moment, Sébastien Roland et Pierre Mouzet, mes collègues de l’Université de Tours, m’avaient sollicité pour rédiger un avant-Propos à l’ouvrage à paraître, tiré de la thèse de doctorat de leur ancien directeur de thèse, restée jusqu’ici inédite et dont le titre signale à lui seul l’ambition : « Recherche sur la notion de constitution et l’évolution des régimes constitutionnels ». Il m’a semblé que ces deux propositions formaient une heureuse coïncidence de laquelle pourrait résulter tant l’avant-propos du livre tiré de la thèse de Jean Rossetto que cet article tiré de la communication prononcée dans le cadre de ce colloque. En toute hypothèse, l’œuvre étudiée me paraissait idoine pour éprouver la pertinence du droit politique comme manière de mieux comprendre le droit constitutionnel.
Il me reste à expliquer le choix de cette œuvre et de cet auteur. De Jean Rossetto, un collègue trop tôt disparu (1947–2018), je connaissais surtout sa thèse. Sa lecture m’avait d’ailleurs conduit à l’inviter à Lille lorsque nous avions – Jean-Michel Blanquer et moi – organisé les 25 et les 26 mai 1998, un colloque sur « la responsabilité des gouvernants ». Ce fut l’occasion de notre première rencontre personnelle. Depuis lors, nous nous sommes un peu perdus de vue comme il arrive dans la vie académique. Cet éloignement fut moins le fait de la distance géographique – Tours n’est pas finalement si loin de Paris – que de l’évolution scientifique de Jean Rossetto qui a progressivement abandonné sa discipline d’origine, le droit constitutionnel, pour le droit européen, écrivant même à quatre mains un manuel intitulé Droit de de l’Union européenne.
On nous permettra de rappeler dans cette introduction les circonstances particulières qui ont fait que, jeune doctorant, il m’a a été possible de lire cette thèse de Jean Rossetto. À une époque où internet n’existait pas, il était fort difficile d’accéder à une thèse soutenue en province (à Poitiers précisément) et non publiée. Le hasard a joué son rôle et a pris la forme d’une commande faite par Stéphane Rials, qui était non seulement mon directeur de thèse mais aussi le co-directeur de la revue Droits qui venait d’être créée l’année précédente. Il m’avait demandé de rédiger pour la revue un article sur « les conventions de la constitution », une institution dont j’ignorais alors tout, oserais-je avouer (je débutais en droit constitutionnel…). Pour ce faire, je devais rendre compte de deux thèses récemment soutenues : celle de M. Uwanno, un étudiant thaïlandais qui avait travaillé sous la direction de Michel Troper à Nanterre, et celle de Jean Rossetto. Jean Combacau, qui était à l’époque co-directeur de la revue Droits, avait signalé l’importance de la thèse de ce dernier à Stéphane Rials. Rapporteur des travaux de Jean Rossetto au concours d’agrégation 1984–1985, il avait été séduit par cette thèse, comme le confirment les propos qu’il a eu l’obligeance de m’adresser par courriel :
C’était vraiment une très bonne thèse, selon mon jugement de cette époque, la meilleure de celles sur lesquelles j’avais rapporté, et sans doute la seule que j’aie lue avec excitation.
Ainsi fut publié dans le troisième numéro de la revue Droits, portant sur la coutume, un article où je tentais, un peu péniblement, de décrire et d’analyser cette institution bizarre et typiquement « anglaise », sauf d’ailleurs pour Jean Rossetto, que sont les conventions de la constitution. La rédaction de cette communication et de cet avant-propos m’a donc conduit à faire une expérience originale et plutôt rare, à savoir la relecture, à trente ans de distance, d’un travail savant. L’impression positive que j’avais éprouvée en lisant la thèse de J. Rossetto étant novice et jeune doctorant a non seulement été confirmée, mais, plus encore, renforcée. Cette relecture m’a convaincu qu’il s’agissait d’une thèse vraiment brillante, dont je pense avoir manqué en partie la portée dans le compte-rendu rédigé pour Droits, ce qu’il me faut concéder aujourd’hui, sans éprouver cependant trop de honte.
L’objet de notre propos sera de tenter de relever les points saillants de ce travail, qui en sont également les points positifs. Il va de soi que cette thèse, comme tout travail de ce type, peut faire l’objet de critiques et d’objections, mais ici n’est pas le lieu pour celles-ci, l’objectif du présent article étant plutôt de montrer l’intérêt considérable qu’elle représente pour ceux qui entendent comprendre le droit constitutionnel comme un droit politique et ainsi mieux comprendre la Ve République. Puisque ce texte est inconnu, il faut d’abord, commencer par exposer le plus brièvement possible son contenu pour, ensuite, tenter de dégager sa portée.
I. L’introduction de cette thèse : un modèle à imiter
Il me plaît de relever d’emblée la grande originalité de l’introduction. Elle est très hétérodoxe, parce qu’elle a un autre titre que celui, formel, d’introduction : « Réflexions sur le décalage existant en droit constitutionnel entre le texte écrit et sa pratique ultérieure » (p. 2-17). Elle l’est aussi et surtout en raison de la densité du propos : ce sont des pages qu’on peut considérer comme le modèle de ce que devrait être une introduction à une thèse, en ce qu’elles posent le problème auquel s’affronte l’auteur et auquel il tente d’apporter une solution. Le point de départ est le constat commun et courant « de l’écart existant entre le textes écrit et leur pratique subséquente » (p. 2). Toutefois, Rossetto observe non sans étonnement que la doctrine a faiblement, pour ne pas dire pas du tout, théorisé ce phénomène. Selon elle, cette discordance serait due au « contexte politique », qui serait « le principal responsable de ce divorce » (p. 2) de sorte que les juristes se seraient tournés vers la science politique pour avoir une explication dudit phénomène. Au rebours de cette explication Jean Rossetto entend inverser le regard en proposant une explication de juriste, de « constitutionnaliste » (p. 2) parce que, selon lui, l’explication par le politique, c’est-à-dire par les faits politiques (le nombre des partis politiques, la possibilité ou non de constituer des majorités parlementaires cohérentes et durables, etc.) n’est pas satisfaisante ; en effet, elle passe à côté des « causes strictement juridiques pour lesquelles un texte constitutionnel peut donner lieu à des applications lointaines de sa signification originelle » (p. 2). On pressent alors ce qui sera l’hypothèse de cette thèse – une véritable problématique, susceptible de nous changer des problématique « formatées » que beaucoup d’Écoles doctorales tendent à imposer de nos jours à leurs pauvres doctorants !. Elle consiste à rechercher s’il existe une « corrélation possible entre la composition normative particulière des textes constitutionnels et les types d’altération qu’ils sont appelés à subir dans la pratique » (p. 3). Ce changement de perspective, qui revient à s’intéresser à la norme constitutionnelle écrite, devrait permettre de mieux rendre compte de la discordance fondatrice entre norme et pratique, la norme éclairant la pratique et non l’inverse.
Ainsi, presque au moment où l’École d’Aix perçoit dans le contentieux constitutionnel la solution pour faire du « vrai » droit constitutionnel, il y a, à Poitiers, une « mini-école » composée de deux francs-tireurs, Pierre Avril, le directeur de thèse, et Jean Rossetto, son élève docteur, qui entend réagir différemment au malencontreux tournant politiste de la doctrine constitutionnelle illustré, on ne le sait que trop, par le nom de Maurice Duverger. Toutefois cette « revanche du droit constitutionnel » prend une direction diamétralement opposée à celle que proposent les thuriféraires de la jurisprudence constitutionnelle. Il s’agit de s’intéresser au droit politique, de laisser libre cours à des développements de théorie constitutionnelle et d’histoire constitutionnelle, en donnant une place de premier choix à l’interprétation de la constitution par les acteurs politiques, par les « autorités constituées » pour utiliser une expression chère à Rossetto. Le projet de ce dernier est parfaitement exposé dans les deux paragraphes fondamentaux des propos liminaires de sa thèse :
Si l’on veut bien admettre qu’une analyse ainsi conduite serait susceptible de faire apparaître les données réelles du droit positif, il resterait alors dans un deuxième temps, à tenter de caractériser aussi précisément que possible les modalités concrètes d’évolution des systèmes constitutionnels.
Telle est l’ambition dont s’autorise la présente recherche. Son objectif consiste à mettre en lumière la logique normative spécifique des dispositions constitutionnelles, pour ensuite proposer une typologie des processus de transformation des régimes politiques (p. 3).
La suite de l’introduction est consacrée à une exposition et une réfutation des deux solutions proposées par la doctrine constitutionnelle pour rendre compte d’une telle discordance originelle. La première consiste à envisager le droit constitutionnel comme un droit imparfait, en ce qu’il serait non sanctionné. Idée courante que Rossetto réfute en mobilisant notamment des auteurs comme Paul Amselek ou Michel Virally, qui ont prouvé l’étroitesse de ce point de vue. De même, est tout aussi vigoureusement rejetée la seconde solution, à savoir la notion de coutume constitutionnelle censée combler cette béance entre texte et pratique.
C’est seulement après cette démolition en règle que l’auteur peut entreprendre son travail de reconstruction doctrinale. Comme on l’a vu plus haut, cette « Recherche sur la notion de constitution » est d’abord et avant tout une recherche sur les normes constitutionnelles. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur une telle assimilation et remettre en cause la pertinence du titre même de la thèse qui aurait dû, plus logiquement, commencer par la formule – « Recherche sur la notion de normes constitutionnelles », afin d’être plus fidèle au contenu de l’étude. En tout cas, selon son auteur, seule une élucidation correcte de ces normes peut expliquer les curieuses variations du droit constitutionnel positif, c’est-à-dire le fait que la pratique institutionnelle peut sembler si éloignée du texte écrit, des « dispositions constitutionnelles ». Cette introduction, par sa qualité, augurait bien de la suite, ce que nous allons montrer.
II. Une recherche sur l’originalité du « texte » constitutionnel
La première partie de la thèse s’intitule « La nature des normes constitutionnelles ». Il s’agit d’une recherche de grande envergure sur la spécificité des normes constitutionnelles, au cours de laquelle l’auteur s’étonne de l’absence d’intérêt de la doctrine pour la question de l’ordre constitutionnel perçu comme un ordre juridique particulier et au sein de laquelle il établit patiemment, chapitre par chapitre, sa démonstration.
Le premier chapitre, « Les caractères fondamentaux de l’ordre juridique », est une recherche de théorie et d’histoire constitutionnelles dont l’objectif est d’éprouver la validité de l’idée d’une suprématie matérielle de l’ordre constitutionnel. Rossetto cherche ici une voie autre que celle de la hiérarchie formelle des normes et du contrôle judicaire de constitutionnalité pour assurer la sanction des normes constitutionnelles. L’affaire devient alors bigrement intéressante, comme on le constate vite en abordant le deuxième chapitre sur « Les spécificités normatives des dispositions constitutionnelles » le chapitre le plus important et le plus novateur de cet ouvrage (v. infra). Après avoir procédé à une vigoureuse réfutation de l’édifice kelsénien, Jean Rossetto étudie d’abord le contenu de la norme, ce qu’il appelle la « structure normative de la constitution ». Il établit une double typologie des normes constitutionnelles grâce à laquelle on peut désormais mieux comprendre la nature de ces normes et surtout leur spécificité par rapport aux normes propres à d’autres disciplines du droit (notamment le droit pénal).
Le lecteur pourrait légitimement se demander si une telle présentation de dogmatique juridique n’a pas pour inconvénient de donner une présentation bien statique du droit constitutionnel, présentation qui serait d’ailleurs aux antipodes de ce qui était annoncé dans l’introduction programmatique et du titre même de la thèse relatif à « l’évolution des régimes constitutionnels ». On comprend alors pourquoi la première partie de cette thèse se clôt par un chapitre sur « l’interprétation des normes constitutionnelles », qui est d’une importance décisive pour la compréhension globale de cette étude en ce qu’il prépare et justifie le passage à la seconde partie de la thèse qui porte sur l’évolution des régimes politiques.
La première leçon de cet exposé sur l’interprétation des normes constitutionnelles est que, dans tout régime constitutionnel, coexistent deux types d’interprétation, une interprétation décentralisée et l’autre centralisée. Une telle conception va, comme on l’a compris, à l’encontre de la doxa actuelle qui veut faire du juge constitutionnel l’alpha et l’oméga de toute description de l’interprétation de la constitution.
La seconde leçon, plus théorique et qui résulte de la réflexion sur le travail de l’interprétation, porte sur ce qu’on appelle en droit une pratique ou si l’on veut une pratique institutionnelle. En effet, la théorie de l’interprétation révèle que, l’interprétation de la norme du texte supposant une recréation de la norme, elle aboutit à un processus continu de création et de re-création dont l’effet est d’anéantir la distinction trop rigide entre « le texte écrit et la pratique ». Il faut ici citer l’auteur qui transpose d’ailleurs les leçons formulées par Serge Sur dans sa thèse portant sur l’interprétation en droit international public :
Contrairement à une opinion répandue, le droit écrit et sa pratique ultérieure ne constituent pas deux sphères étanches et séparées. Il existe, en revanche, une unité fonctionnelle entre la règle posée et sa pratique du fait de la médiation qu’instaure obligatoirement entre elles l’activité interprétative. Dès lors, constater un divorce entre les dispositions écrites et leurs applications postérieures, comme on en est parfois tenté de le faire n’a guère de sens si l’on souscrit à cette analyse. Il ne s’agit que d’un faux problème dans les termes où il est couramment envisagé (p. 108).
L’effort théorique d’élucidation de ce qu’est le travail d’interprétation conduit à modifier la problématique ordinaire de la discordance entre le droit écrit et la pratique, et cela pour une raison bien simple : « ce que l’on décrit ordinairement sous le terme de pratique n’est, en vérité, pas autre chose que le résultat du processus d’interprétation des dispositions constitutionnelles » (p. 107).
Une fois qu’on a lu cette première partie sur les normes constitutionnelles, on devine aisément comment cette reconfiguration des normes constitutionnelles aide à mieux comprendre la seconde partie sur l’évolution des régimes constitutionnels. Mais l’auteur nous prend littéralement par la main dans la conclusion de cette première partie où il explique parfaitement sa démarche :
Les raisons pour lesquelles une même constitution peut être à l’origine d’un fonctionnement différent des institutions sont aisément perceptibles si l’on considère la nature des normes qu’on y rencontre et les facultés d’interprétation que détiennent les pouvoirs publics (p. 137).
En effet, d’un côté, les normes statuant une obligation peuvent ne pas être respectées par les pouvoirs publics (manque d’effectivité), tandis que les normes statuant une faculté donnent aux autorités constituées le choix de les utiliser ou de ne pas les utiliser,. Telle est la première cause d’incertitude qui tient « aux caractères particuliers des disposition normatives » des constitutions. La seconde cause provient, comme on l’a compris, de « l’autonomie dont jouissent les organes constitués lorsqu’ils procèdent à l’interprétation de leurs compétences » (p. 138). Il faut alors méditer la conclusion générale que Jean Rossetto tire de la première partie de sa thèse :
L’étude juridique des textes constitutionnels invite donc à une leçon de relativisme institutionnel. Chacun d’eux présente une structure normative originale capable de donner lieu à plusieurs virtualités d’application. L’essentiel était de mettre en évidence les raisons juridiques précises pour lesquelles tous sont affecté de cette sorte de « transformisme ». Elles permettent de mieux comprendre pourquoi le fameux décalage entre les règles écrites et le régime observé est en vérité inscrit dans la nature juridique des textes. Quelle que soit son ampleur, cette distorsion est inévitablement contenue en germe dans les caractéristiques juridiques particulières que comportent les constitutions (p. 138).
Une fois démontrée cette incontestable plasticité du texte des constitutions, l’auteur va tenter de comprendre « pourquoi les régimes constitutionnels s’orientent vers telle modalité d’application plutôt que vers telle autre » (p. 138). Ce sera l’objet de la seconde partie de la thèse qu’on examinera plus loin. Avant de l’aborder, il convient de souligner la portée théorique de cette première partie qu’on peut lire comme un plaidoyer en faveur d’une autre façon de faire du droit constitutionnel.
Dans son introduction, Jean Rossetto écrit qu’il veut, par son étude, contribuer à « l’intelligence du droit constitutionnel » (p. 3). Son pari est réussi. La relecture de cette thèse, plus de trente ans après sa première lecture, m’a fait découvrir, dans cette première partie, une réflexion de grande ampleur sur la nature du droit constitutionnel, qui s’inscrit dans une certaine tradition du droit public français rétive à la conception dite « formelle » du droit constitutionnel et, pour tout dire, plutôt hostile à la réduction du droit constitutionnel à l’idée de hiérarchie formelle des normes. D’une certaine manière, Rossetto envisage certes ici le droit constitutionnel comme un droit politique de part en part, mais il est surtout soucieux de revaloriser ce qu’il y a de juridique dans le droit constitutionnel. Celui-ci est un droit politique certes, mais il est d’abord du droit.
Une telle revalorisation du droit passe, on l’a compris, par le rejet du tournant politistes de la science constitutionnelle. Tel est, on l’a vu, le sens de la superbe introduction de l’étude de Rossetto, dans laquelle il entend montrer que la meilleure façon de comprendre le décalage – ou le prétendu décalage – entre le texte écrit et la pratique politique consiste à se tourner vers le droit et à approfondir ce qu’on pourrait appeler la texture de la constitution, la nature des normes constitutionnelles. Ainsi, après relecture, la première partie m’a semblé la plus forte, au sens où elle est celle qui porte plus loin, de cette thèse, dans la mesure où elle s’attaque à une question névralgique qui est celle de la « structure normative d’une constitution » ou, si l’on veut, la « logique normative » propre aux « dispositions constitutionnelles ». Il ne s’agit pas seulement d’étudier le contenu de la constitution – c’est souvent fait –, mais de tenter de comprendre la nature des normes qui disposent de ce contenu en fonction d’une interrogation juridique : que statuent vraiment ces normes ? Avec son concept de « structure normative de la constitution », Jean Rossetto propose une analyse typologique des normes constitutionnelles fondée sur leur contenu. Il s’agit pour lui de reconstruire une théorie réaliste et fidèle de normes constitutionnelles. Il y a « trois grandes catégories de normes » (en droit constitutionnel). « Certaines instituent des autorités, d’autres leur confèrent des compétences, d’autres, enfin, leur attribuent des moyens d’action » (p. 75).
Voyons en détail quel est ce triptyque des normes constitutionnelles. Il y a d’abord : les normes dites « constitutives » (p. 76), celles qui établissent les institutions politiques ou les pouvoirs publics (et leurs rapports entre eux, dont Rossetto revalorise considérablement le rôle). Viennent ensuite les normes habilitatrices qui sont les plus importante en matière de droit constitutionnel, car elles « ont pour objet de répartir les prérogatives entre les divers pouvoirs publics » (p. 78). Enfin, les « normes permissives » jouent un rôle important dans la technique du droit constitutionnel, car elles ont principalement « pour fonction de régler leurs relations mutuelles (entre les divers pouvoirs publics ) » (p. 78). Mais une fois cette typologie dressée, qui permet d’établir la cartographie matérielle de la constitution, Jean Rossetto se livre à une analyse juridique plus formelle qui lui permet d’enjamber la distinction entre les normes habilitatrices et les normes permissives. Celles-ci ont en effet en commun, du point de vue juridique, de contenir deux types de normes différentes utiles : d’une part, les « normes statuant une faculté », ce qui correspond à l’idée d’un droit-pouvoir et, d’autre part, « les normes statuant une obligation » (p. 76-77). En mettant l’accent sur les premières, Rossetto entend, sciemment, réagir contre l’idée dominante en doctrine selon laquelle il faudrait privilégier l’obligation dans la description des normes, alors qu’il lui paraît plutôt que, en droit constitutionnel, ce seraient les droits-pouvoirs qu’il conviendrait d’étudier en priorité. Ainsi, l’auteur procède-t-il à un double raffinement qui consiste, d’un côté, à décrire une typologie formelle du contenu des normes constitutionnelles (constitutives, habilitatrices et permissives) tout en les évaluant et en les mesurant les unes par rapport aux autres – les deux derniers types de normes étant les plus importants – et, d’un autre côté, à distinguer entre les normes statuant une obligation et celles qui statuent une faculté, avec ici aussi une revalorisation des normes fixant des droits-pouvoirs.
Pour comprendre l’importance du thème abordé ici par l’auteur, je pose la question suivante : dans quel manuel ou traité de droit constitutionnel voit-on une analyse de la nature des normes constitutionnelles de ce type-là ? On insiste ad nauseam sur l’idée que la constitution est la loi suprême et donc que les normes constitutionnelles sont les normes suprêmes. C’est là poser la question de la valeur de la norme, mais, ce faisant, on ignore superbement ce que font ces normes, ce qu’elles disent vraiment, ce qu’elles édictent ou ce qu’elles statuent. Même dans la conception matérielle de la constitution, les auteurs sont curieusement muets sur ces normes dès lorsqu’ils se bornent à dire que la constitution porte sur « l’organisation et la limitation des pouvoirs publics », et qu’ils présupposent implicitement que de telles normes peuvent se situer en dehors du texte constitutionnel, dans une loi électorale ou dans un règlement intérieur d’une Assemblée. Or, Jean Rossetto prend au sérieux le texte constitutionnel, sa texture et il tente de lui faire dire tout ce qu’il recèle.
Il sait aussi relever la complexité des normes constitutionnelles. On le perçoit à travers sa critique de Kelsen, dont il ne partage pas l’idée, finalement simpliste, selon laquelle la norme constitutionnelle se réduirait à une norme prévoyant une obligation, qui sera sanctionnée en cas de violation par son adressataire. À la fin du chapitre sur la spécificité des normes constitutionnelles, Jean Rossetto consacre un paragraphe fort intéressant au fait que la « sanction ne s’identifie pas toujours à une norme statuant une sanction ». Une telle simplification du droit a bien été perçue par Santi Romano (p. 87), qui est cité et utilisé afin de démontrer que, dans l’ordre constitutionnel, « l’articulation des normes juridiques peut, à raison de leur variété substantielle, avoir pour résultat de faire naître de véritables mécanismes sanctionnateurs » (p. 88). La sanction résulte de l’action de plusieurs normes – habilitatrices et permissives –, c’est-à-dire de cette « interdépendance fonctionnelle qui caractérise les normes constitutionnelles » (p. 89). Rossetto donne comme exemple la crise de 1962 où le Parlement a utilisé l’arme de la motion de censure pour sanctionner indirectement le général de Gaulle qui avait recouru à l’article 11 pour réviser la constitution. Dans ce cas, cette « disposition permissive ayant normalement pour fonction de réglementer les relations entre le gouvernement et le Parlement, a été utilisée pour sanctionner la violation d’une obligation » (p. 88). Il évoque aussi la réaction du général de Gaulle qui en a appelé au peuple pour trancher son conflit avec les parlementaires. Il faut noter ici la conclusion qu’en tire Rossetto et qui éclaire parfaitement son projet :
On voit donc que la dynamique d’un système constitutionnel est susceptible d’engendrer des procédés endogènes de sanction qui sont fort différents de ceux que l’on envisage ordinairement pour assurer le respect de la supériorité formelle des dispositions constitutionnelles (p. 89, nous soulignons).
Les expressions d’« interdépendance fonctionnelle » et de « procédés endogènes de sanction » indiquent bien comment la revalorisation des normes habilitatrices et permissives dans le texte constitutionnel apporte un gain de compréhension à la façon dont vit une constitution, dont elle est interprétée. Elles éclairent aussi comment, combinée avec « l’interprétation décentralisée » de la constitution par des acteurs politiques, la constitution vivante peut être assez éloignée du « texte constitutionnel », sans que l’on tombe dans l’explication « politiste » de l’écart. Tel me paraît l’apport essentiel de cette première partie de la thèse d’un auteur qui a su remonter aux principes pour penser cette question éminemment délicate de la spécificité des normes constitutionnelles. À ce seul titre, cette thèse méritait très largement d’être enfin publiée. Mais la seconde partie de la thèse n’est pas moins intéressante.
III. Une exposition convaincante de la dynamique constitutionnelle
Dans la seconde partie de ce travail, Rossetto étudie « la typologie de l’évolution des régimes constitutionnels » (p. 140 sqq.) à la lumière des découvertes relatives à la nature des normes constitutionnelles et de leur interprétation. Cette histoire des régimes constitutionnels est appréhendée d’une manière formelle puisque la summa divisio qu’il utilise ici est celle qui oppose « les transformations de type unilatéral » aux « évolutions à caractère conventionnel ». Selon cette typologie binaire, les régimes constitutionnels sont modifiés soit de façon unilatérale, au sens où une autorité constituée impose son interprétation de la constitution aux autres autorités et imprime une nouvelle signification au régime ou à une partie de ce régime, soit de façon conventionnelle lorsque cette évolution est le fruit d’un accord entre les autorités constituées (p. 140). Il faut donc coupler cette idée de modification unilatérale avec celle de « la hiérarchie institutionnelle » (p. 142). Par contraste, une évolution conventionnelle des régimes se produit lorsqu’il y a un accord des autorités constituées pour prévenir tout antagonisme en optant pour une interprétation restrictive de leurs attributions ou bien cas plus singulier lorsqu’il y a un consensus qui résulte « d’une “victoire” d’une des autorités constituées » (p. 142).
Dans le premier chapitre, ce sont « les transformations de type unilatéral » qui se subdivisent selon l’objet de ces transformations. Il y a, d’une part, celles qui « affectent l’équilibre général d’un régime », qu’on pourrait appeler des transformations systémiques, et, d’autre part, des transformations qui affectent seulement « un organe constitutionnel » ou si l’on veut un pouvoir public. On comprend bien que le plus important réside dans ces premières transformations qui sont des conflits constitutionnels majeurs et fondateurs d’une nouvelle inflexion décisive du régime. Le second chapitre sur l’évolution conventionnelle des régimes constitutionnels a pour principal intérêt d’appliquer la notion de convention de la constitution au droit constitutionnel français. Il y a ici une charge polémique dans cette proposition hétérodoxe dans la mesure où cette solution est préférée à la solution plus courante, en France, de la coutume constitutionnelle. Rossetto a réfuté celle-ci dès l’introduction et il la critique, de nouveau, dans cette seconde partie. Il lui substitue la notion de « convention de la constitution » qu’il emprunte au droit constitutionnel anglais. Celle-ci lui paraît bien plus judicieuse et il relève en passant que des auteurs à la fois anglais et français ont déjà proposé d’y recourir pour expliquer comment, de manière informelle, la « constitution » écrite comme la constitution française pouvait être modifiée par ces usages concertés.
Pour parvenir à cette substitution, Jean Rossetto doit présenter dans une longue section préliminaire la notion anglaise de « constitutional conventions », ce qui le conduit à la seule incursion dans le droit étranger qu’est son recours au droit anglais. Il s’agit d’une présentation très claire de cette institution anglaise, qui fait coexister dans la description de la constitution les règles légales et l’élément non légal, ces « conventions de la constitution » que le manuel de droit constitutionnel d’Albert Dicey a fait connaître au monde entier. Une des thèses défendues par Jean Rossetto consiste justement à prétendre qu’il est possible de parler à propos du droit français de conventions de la constitution, que ce concept est donc transposable dans des systèmes de droit constitutionnel écrit. C’est ce qu’il démontre dans les deux sections suivantes où il distingue de façon matérielle ces conventions selon qu’elles ont des « conséquences politiques » ou qu’elles affectent la répartition des « compétences normatives ». Pour le juriste constitutionnaliste intéressé par les institutions, le passage le plus novateur est évidemment celui où Rossetto examine les conventions de la constitution politique. Ainsi en est-il des conventions qui transcendent les régimes et qui se perpétuent de république en république. Ce sont, par exemple, d’un côté, la convention dite de « l’expédition des affaires courantes », qui vaut aussi bien sous les IIIe et IVe Républiques que sous la Ve République et, d’un autre côté, la convention selon laquelle le chef du gouvernement doit démissionner avant chaque élection d’un nouveau président de la République et après les élections législatives. Mais il existe des conventions qui sont spécifiques à chaque régime. Elles sont intéressantes en ce qu’elles traduisent l’orientation dominante d’un régime. Sous la IIIe et la IVe Républiques, elles servent clairement la cause « parlementariste », c’est-à-dire de la prépondérance du Parlement, alors que sous la Ve République, elles servent sans conteste « la cause présidentialiste » et donc la prépondérance du président de la République. Jean Rossetto les appelle « les conventions consacrant l’orientation présidentialiste du régime ». De ce point de vue, la convention fondatrice de l’inflexion présidentialiste est celle selon laquelle le Premier ministre peut être révoqué par le chef de l’État. Tout aussi instructive est la convention du « droit d’évocation » en vertu de laquelle le président de la République peut se saisir de toute affaire politiquement importante, au détriment de son Premier ministre, et avec son assentiment. C’est une autre vision de la Ve République qu’on acquiert en lisant de telles pages.
Enfin, la description des « conventions aménageant les compétences normatives » est également fort précieuse. On y trouve l’ensemble des conventions qui, de la IIIe à la Ve Républiques, ont permis l’extension du pouvoir réglementaire, en particulier avec les décrets-lois et les ordonnances ainsi que le développement des habilitations législatives à côté ou même contre la lettre de la constitution. Parmi les pages les plus intéressantes de celles qui concluent ce livre figure l’exposé de l’interprétation constitutionnelle de la répartition des compétences normatives entre le Parlement et le gouvernement sous la Ve République et au sein de l’Exécutif à propos du pouvoir réglementaire (jurisprudence Sicard du Conseil d’État, relative à la compétence réglementaire entre le président de la République et le Premier ministre).
Passons maintenant à la portée de cette seconde partie de la thèse qui n’est pas moindre. Comme on le comprend, l’apport de la thèse de Jean Rossetto tient à la mise en relation entre l’idée d’une décentralisation des autorités chargées d’interpréter la constitution et celle d’une rivalité entre ces interprétations. Loin de la formule rigide de la concentration de l’interprétation aux mains d’une seule juridiction et de la vision irénique d’une interprétation nécessairement convergente – le fameux consensus –, Jean Rossetto fait droit d’abord, et avant tout à l’hypothèse du dissensus, du conflit d’interprétations. En effet, pour reprendre ses propres mots, « étant donné qu’un texte constitutionnel répartit entre plusieurs organes des prérogatives juridiques qui participent toutes de l’exercice du pouvoir politique, il est quasiment impossible que ne s’instaure pas entre eux un climat de concurrence institutionnelle » (p. 140). Pour illustrer cette idée, il ne cite pas un juriste, mais un historien de la vie et des idées politiques, René Rémond. Cela lui permet de souligner la nature heuristique de « la tendance au conflit » qu’il résume parfaitement : « elle conduit les autorités constituées à adopter les unes vis-à-vis des autres deux sortes de comportements nettement différenciés qui, chacun à leur manière, décide d’une évolution typique des régimes constitutionnels » (p. 140). C’est d’ailleurs de cette rivalité et de cette possibilité de conflit que jaillit dans l’histoire constitutionnelle l’alternative entre la transformation « unilatérale » des régimes et la transformation « conventionnelle » qu’on a étudiée plus haut.
L’histoire constitutionnelle est ici vue et vécue comme une histoire conflictuelle et potentiellement « ouverte ». Dans la seconde partie de l’ouvrage, la notion de conflit est au centre de l’interrogation. De ce point de vue, la Restauration est un laboratoire, car elle a vu s’opposer constamment ceux qui défendaient la prépondérance royale et ceux qui, au contraire, défendaient la prépondérance du Parlement. Plus tard, les deux cas emblématiques sont, sous la IIIe République, la crise du 16 mai et, sous la Ve République, la crise de 1962, « le négatif du 16 mai ». Dans le premier cas, le Parlement l’emporte et sa victoire affecte durablement le système institutionnel, tandis que la crise de 1962 aboutit au résultat inverse puisque la victoire du président de la République signale l’établissement de la primauté présidentielle.
Parmi les passages les plus intéressants de cette thèse figure la réfutation de la thèse de Carré de Malberg qui, s’appuyant sur « la logique des institutions », a prétendu que la souveraineté parlementaire, typique de la IIIe République, était en réalité inscrite dans la lettre de la constitution, c’est-à-dire des lois constitutionnelles de 1875. Une telle interprétation, souvent reprise, est vigoureusement critiquée par Jean Rossetto qui élève de fortes objections. En effet, une telle interprétation, qui semble donner un pouvoir déterminant aux textes et à la « logique des institutions », oublie tout simplement ce qu’on pourrait appeler le poids du « contexte politique ». Cette sorte de déterminisme textuel, propre à Carré de Malberg, fait l’impasse sur la diversité des possibles qu’ouvre la bataille politique. Il aurait suffi d’une majorité politique à Mac Mahon pour qu’il imposât sa lecture dualiste des lois constitutionnelles de 1875. La faiblesse de la position de Carré de Malberg est bien relevée dans la mesure où ses explications « ne conservent leur pleine validité qu’à la condition de tenir pour acquis que les règles édictées en 1875 s’appliqueront toujours dans le même contexte politique » (p. 169). En revanche, selon Rossetto, « on peut légitimement s’interroger sur les conséquences qu’auraient pu entraîner un autre environnement sur la marche du régime », ce qui lui permet de contester par la même occasion la nécessité d’airain qui aurait, selon le Maître de Strasbourg, conduit à l’échec de tout « raffermissement de la fonction présidentielle » (p. 169). Par là même, cette étude revalorise inévitablement les éléments qui sont extérieurs à la constitution, « l’environnement » de la constitution qui est « le contexte politique » dans lequel baigne toute interprétation de la constitution. En l’occurrence, le droit constitutionnel doit nécessairement prendre en compte des données politiques objectives pour décrire fidèlement la situation.
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Comme le lecteur le découvrira en lisant la postface que Pierre Avril a écrite pour la publication de la thèse de son ancien élève, je ne suis pas le seul à penser que cette thèse est impressionnante. Son ancien directeur observe en effet :
Son auteur y a fait preuve d’une sûreté et d’une originalité qui dépassaient ce que j’attendais lorsque nous confrontions nos réflexions en des échanges où le plus redevable à l’autre n’était pas toujours, loin de là, celui qu’on aurait cru dans le genre d’exercice qu’est la préparation d’une thèse (p. 407).
C’est une thèse qui porte en réalité sur la nature du droit constitutionnel et qui, comme l’avait deviné Pierre Avril, rappelle les fortes analogies entre cette discipline et le droit international public dans la mesure où, structurellement, le rôle de l’interprétation des acteurs de ce système est déterminant. Or, en droit constitutionnel, les acteurs sont bien les acteurs politiques, même si l’on sait que l’autre interprète, le juge constitutionnel, entend monopoliser l’interprétation de la constitution. Le travail de Jean Rossetto démontre que cette interprétation de la constitution par les acteurs politiques n’est pas toujours résiduelle et que la doctrine devrait continuer à y prêter la plus vive attention. On pourrait trouver des exemples récents pour le démontrer. La constitution n’est ni le Code civil, ni le Code pénal. Il suffit de mentionner la récente affaire Delevoye, du nom de ce ministre chargé des retraites qui avait oublié de signaler diverses activités extérieures à sa fonction officielle. On s’est aperçu à cette occasion que l’article 23 de la Constitution qui déclare incompatible la fonction ministérielle avec « toute activité professionnelle » n’était pas garanti par d’autres dispositions concrétisant cette règle et obligeant les acteurs à opter en cas d’incompatibilité avérée. Cet exemple prouve que l’incomplétude de la constitution contribue à donner une part encore essentielle à l’interprétation par les acteurs politiques.
Quoi qu’il en soit, la « communauté » des constitutionnalistes – si tant est qu’elle existe – doit se réjouir que cette thèse soit bientôt publiée, trente-sept années après sa soutenance. C’était le meilleur hommage que son Université, celle de Tours, pouvait rendre à Jean Rossetto et auquel je suis heureux d’avoir contribué à ma modeste façon en lui consacrant cet article et cet avant-propos. Espérons que ce livre trouvera son public et que ceux qui le liront sauront désormais ce que « penser le droit constitutionnel » peut signifier quand l’auteur est à la hauteur d’une telle exigence.
Olivier Beaud
Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas. Directeur adjoint de l’Institut Michel Villey.
Pour citer cet article :
Olivier Beaud « Faire du droit constitutionnel un droit politique : La thèse de Jean Rossetto », Jus Politicum, n°24 [https://juspoliticum.com/articles/Faire-du-droit-constitutionnel-un-droit-politique-La-these-de-Jean-Rossetto]