Le système de gouvernement le plus répandu dans le monde libre est depuis longtemps le type parlementaire. S’il peut incontestablement revêtir diverses variantes, il n’en procède pas moins d’une profonde logique institutionnelle cohérente, née pragmatiquement en Grande-Bretagne. En ce sens, tous les systèmes parlementaires sont des épigones du modèle de Westminster et font, comme lui, dans les faits, du gouvernement la partie dirigeante du Parlement. Pourtant, les constitutions écrites modernes qui ont prétendu institutionnaliser le principe du gouvernement parlementaire ont rarement adopté, sur le plan de la technique juridique, les implications du modèle anglais telles que les avait dégagées Walter Bagehot en 1867. Qu’il s’agisse de la première fonction du Parlement, qui est de désigner le cabinet ou au moins son chef (la « fonction élective »), de la définition même du Parlement, de la place reconnue par le droit écrit aux membres du gouvernement au sein des assemblées, ou des instruments de direction du travail parlementaire, on constate que rares sont, en Europe, les constitutions écrites qui transposent au plus près les traits du modèle de Westminster. Cette confrontation entre les formules du droit écrit et les principes du système parlementaire de gouvernement fait apparaître le fossé qui, bien souvent, sépare les représentations et l’écrit en matière constitutionnelle. Ce décalage provient de malentendus sur l’analyse théorique des gouvernements parlementaires et, en même temps, il contribue à renforcer ces malentendus.