La science du droit constitutionnel tend à peu s’intéresser à la réalité du pouvoir dans les régimes autoritaires ou en s’exceptionnalisant, c’est-à-dire en considérant son objet d’étude, le droit constitutionnel, comme un instrument absorbé par les intérêts des élites. Après avoir montré et esquissé des explications à cet état de la littérature, l’article défend la valeur heuristique d’une approche normative du droit constitutionnel dans les régimes autoritaires analogue à celle employée pour analyser les régimes démocratiques. Il justifie cela par le postulat d’un degré d’irréductibilité des liens entre droit et pouvoir étatique qui résisterait à la notion de régime politique et renverrait à certaines fonctions générales de pouvoir du droit constitutionnel. La démonstration repose sur les notions de séparation des fonctions juridictionnelles et politiques ainsi que de décentralisation, et leur emploi pour faire émerger des configurations étatiques de régimes autoritaires en Afrique et en Asie. Les formes qu’ y revêtent ces notions sont ensuite réinvesties pour apporter un nouvel éclairage sur le fonctionnement de régimes démocratiques, particulièrement en s’appuyant sur le cas français de la Vème République. L’article n’équivaut surtout pas moralement et politiquement régimes autoritaires et démocratiques, et, à ce titre, s’inscrit dans une conception de la science du droit constitutionnel visant la description plutôt que la qualification des régimes politiques. Dans ce cadre, l’approche proposée peut, d’une part, enrichir les outils de la science du droit constitutionnel en l’ouvrant à d’autres espaces, phénomènes et comparaisons, et, d’autre part, permettre de saisir plus finement comment le droit constitutionnel positif peut accompagner contextuellement des inflexions démocratiques et autoritaires dans le fonctionnement des régimes politiques.