Une théorie non constitutionnaliste de la Constitution internationale
Une théorie non constitutionnaliste de la Constitution part du constat qu’il y a toujours eu une Constitution en droit international, et cela depuis qu’il existe une société internationale comme milieu intersocial. Une telle théorie dissocie la notion de « constitution » de la signification qu’elle a acquise au cours des siècles en tant que concept doublement lié à l’existence de l’État et à une communauté humaine de base (un « peuple »). Même si Georges Scelle pose les bases d’une théorie non constitutionnaliste de la Constitution internationale, sa théorie présente une triple difficulté qu’il est nécessaire de surmonter.
A Non-Constitutionalist Theory of the International Constitution A non-constitutionalist theory of the Constitution is based on the observation that there has always been a Constitution in international law, since there is an international society as an intersocial milieu. Such a theory dissociates the notion of "constitution" from the meaning it has acquired over the centuries as a concept linked both to the existence of the state and to a human community (a "people"). Although Georges Scelle lays the foundation for a non-constitutionalist theory of the International Constitution, his theory presents a triple difficulty that should be overcome.
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ans un colloque consacré au constitutionnalisme global et dans un panel comprenant deux éminents représentants des théories du constitutionnalisme global, mon intervention peut paraître un peu en décalage – et c’est sans doute parce qu’elle pressentait à juste titre ce risque de décalage que l’organisatrice de ce colloque a proposé pour moi ce titre : « Une théorie non constitutionnaliste de la Constitution internationale ».
J’ai trouvé que c’était un excellent titre et je l’ai adopté. En effet, je ne vais pas traiter, dans cette intervention, du « constitutionnalisme global » mais de la « Constitution internationale ».
Quelle distinction entre ces deux termes ? Je vais y revenir plus en détail, mais grosso modo, j’entends par « constitutionnalisme » un projet, une doctrine, un discours, tandis que la « constitution » dont je parle est une réalité du droit positif.
La théorie que je défends part en effet du constat qu’il y a toujours eu une Constitution en droit international, et cela depuis qu’il existe une société internationale comme milieu intersocial. C’est donc bien une théorie « non constitutionnaliste », parce qu’elle ne prône pas la réalisation d’une idée mais se donne comme une grille de lecture de la réalité du droit international. En tant que telle, elle dissocie très clairement la notion de « constitution » de la signification qu’elle a acquise au cours des siècles en tant que concept doublement lié à l’existence de l’État et à une communauté humaine de base (un « peuple »).
La base de la théorie de la Constitution internationale que je soutiens se trouve dans les travaux de Georges Scelle et en particulier dans le deuxième tome de son Précis de droit des gens, intitulé, faut-il le rappeler, « Droit constitutionnel international ».
J’aimerais, dans l’espace limité de cette intervention, faire valoir trois différences entre le courant constitutionnaliste et la pensée de Georges Scelle qui expliquent qu’on puisse qualifier sa théorie de « non constitutionnaliste ».
1. La Constitution comme technique juridique et non comme émanation d’une communauté
Première différence, Georges Scelle pense la constitution comme technique juridique et non comme émanation d’une communauté.
Il y a un point de départ commun entre Scelle et les constitutionnalistes. C’est d’une part la distinction entre solidarité par « similitudes », ou organique, et solidarité par « division du travail », que Scelle reprend à Émile Durkheim et qui recoupe d’ailleurs en partie la distinction entre Communauté et Société (Gemeinschaft und Gesellschaft) de Ferdinand Tönnies. Et c’est, d’autre part, l’interprétation du sens donné à l’évolution du milieu social international, allant de la Société à la Communauté et non de la Communauté à la Société, comme c’est le cas pour les sociétés nationales.
Chez Tönnies, la communauté précède la société, en ce sens où tout groupe, au départ uni par des croyances et des souvenirs communs, tend à se diversifier, à s’individualiser et à bâtir ses relations sur des intérêts, plutôt que sur l’intériorisation de valeurs communes. Cela ne veut pas dire que les valeurs communes disparaissent, mais au-delà d’un noyau dur de valeurs, la société s’organise essentiellement sur la base du principe de la division du travail social.
Dans la société internationale, l’évolution se fait en sens inverse : le milieu intersocial des États est avant tout une Société composée d’une juxtaposition d’acteurs aux intérêts divergents, mais qui sont forcés de coexister et peuvent même être amenés à coopérer pour poursuivre certains buts d’intérêts communs. Et ça n’est qu’au terme d’un processus évolutif que se créent, à partir du début du xxe siècle et surtout après la Seconde Guerre mondiale, des institutions fondées sur des valeurs communes, valeurs qui s’expriment notamment dans les Préambules des organisations, comme la Charte de l’Organisation Internationale du Travail ou la Charte de l’ONU.
Sur ce point, sur ce sens de l’évolution de la Société à la Communauté, les « constitutionnalistes » et Scelle sont d’accord.
Mais la différence entre les deux est que, pour les constitutionnalistes, une Constitution est conditionnée par l’existence d’une Communauté – donc d’une certaine intégration et d’une certaine homogénéité sur le plan des valeurs ; tandis que pour Georges Scelle, la Constitution est avant tout une technique juridique qui est inhérente à l’ordre juridique. À partir du moment où il y a société (donc milieu intersocial, fondé sur une solidarité par division du travail), alors il y a ordre juridique et il y a Constitution : Ubi societas, Ibi constitutio.
Pourquoi une Constitution accompagnerait-elle nécessairement la naissance d’un ordre juridique ? Parce que tout milieu intersocial pose la question du pouvoir.
La question de l’allocation du pouvoir vient avec la division du travail social. Elle ne se pose pas – ou pas dans les mêmes termes – dans une Communauté (un milieu social organique homogène), mais elle se pose dès que des individus s’assemblent non plus simplement par ressemblance mais par intérêt.
Or la Constitution, c’est l’instrument juridique par excellence de la structuration du pouvoir dans une société.
Je cite Scelle, dans un des passages les plus significatifs :
Toute collectivité intersociale, y compris la communauté universelle du Droit des gens repose, comme les collectivités mieux intégrées et notamment les collectivités étatiques, sur un ensemble de règles constitutives essentielles à leur existence, à leur durée, à leur progrès. Là même où ces collectivités paraissent avoir l’organisation la plus rudimentaire, où les normes fondamentales semblent les plus indécises et où les institutions paraissent inexistantes, une constitution au sens large, mais au sens juridique, ne s’en révèle par moins.
Quel est le rôle de la Constitution ? C’est la canalisation du pouvoir par la réglementation de l’exercice des trois fonctions sociales qui doivent être accomplies dans toute société : législative, juridictionnelle et exécutive :
Tout ordre juridique implique en effet l’accomplissement de trois fonctions sociales sans lesquelles le phénomène de solidarité qui lui sert de base disparaîtrait et la collectivité avec lui. […] [La vie sociale] ne pourrait continuer, en effet, sans une élaboration au moins rudimentaire des normes positives essentielles ; sans un jugement de valeur des activités individuelles et des volontés émises par les individus dans l’utilisation des compétences que la coutume leur reconnaît ; sans une garantie sociale des situations jugées conformes aux nécessités publiques, sans l’organisation d’une réaction ou d’une sanction contre les actes qui lui sont contraires. Cette triple activité où les membres du corps social participent à la fois individuellement et collectivement, constitue, dès lors qu’elle obéit à certaines normes, l’essentiel d’un Droit constitutionnel et nulle société interétatique, extra-étatique ou superétatique ne subsisterait sans elle.
Notons d’emblée une originalité de Scelle, mais qui est à mon avis absolument centrale dans la conception que l’on se fait de la société internationale et déterminante pour toute la suite : Scelle admet qu’un ordre juridique puisse naître au sein d’un milieu social hétérogène, c’est à dire intersocial, ou autrement dit établi sur la base d’une interaction entre divers milieux sociaux eux-mêmes homogènes.
Scelle ne conçoit pas l’homogénéité des populations – la Communauté de Tönnies – comme une condition de départ pour la formation des sociétés. Il souligne au contraire la diversité originaire des individus qui compose toute société, la variété de leurs croyances et de leurs allégeances. Et la technique pour concilier cette diversité avec une nécessaire unité de l’ordre juridique, c’est la technique du fédéralisme, qui se retrouve à tous les niveaux de la société.
C’est important car cela permet d’opposer radicalement la conception scellienne d’une conception « communautaire » de l’État et de la Constitution. C’est aussi important au regard de la théorie de la Fédération. Contrairement à Carl Schmitt, Scelle conçoit tout à fait qu’il puisse y avoir une Fédération à partir d’un milieu aussi hétérogène que la société des États après la Première Guerre mondiale et donc que la Société des Nations puisse être rangée sous le phénomène fédératif. Schmitt refuse cette qualification pour des raisons stratégiques parfaitement expliquées par Olivier Beaud. Mais au-delà de ce calcul stratégique, son argument central est que l’homogénéité des composantes de la Fédération est une garantie contre un conflit extrême au sein de la Fédération.
2. La Constitution comme phénomène et non comme idée
La deuxième différence fondamentale entre Scelle et la pensée constitutionnaliste est que Scelle pense la Constitution internationale comme phénomène observable dans l’ordre juridique et non comme un projet ou comme une idée régulatrice.
Pour illustrer ce point, je reprends à la distinction utilisée notamment par Samantha Besson entre un concept « fin » (thin) de Constitution et un concept « renforcé » (thick) de Constitution.
La Constitution des constitutionnalistes relève d’un concept thick – renforcé – parce qu’elle vient avec tout un bagage complexe qui est celui de la technique constitutionnelle de la démocratie et de l’État de droit : séparation des pouvoirs, répartition des fonctions entre organes, rigidité de la Constitution, éventuellement contrôle de constitutionnalité, etc. Le constitutionnalisme charge la Constitution d’un projet politique, elle relève davantage de ce qu’on pourrait appeler une technologie du politique que d’une technique juridique.
Dans ce contexte, puisque la Constitution est un but à atteindre, un idéal, elle est considérée par cette approche comme un étalon de mesure (benchmark) : elle permet d’évaluer le degré d’évolution d’un ordre juridique en rapprochant un certain nombre de phénomènes de l’idée régulatrice de la Constitution. Le plus souvent, la démarche des auteurs consiste d’ailleurs à examiner le droit international positif et à rapprocher ce droit positif du modèle de la Constitution, pour voir dans quelle mesure il y a concordance entre les deux.
Tout le discours récent sur la constitutionnalisation du droit international relève de la même démarche. Ainsi, dans son introduction à l’ouvrage collectif The Constitutionalization of International Law, Jan Klabbers définit l’objectif des auteurs de la manière suivante : « our aim is to see what a constitutional international legal order could look like ». Leur approche se situe donc « somewhere in between the strictly normative […] and the strictly descriptive […] ».
Une théorie de la Constitution non constitutionnaliste considèrera la Constitution non comme un modèle, comme un but à atteindre, mais comme une réalité, comme un phénomène qu’il est possible de connaître par l’analyse du droit positif – et cela depuis que le droit international existe.
Autrement dit, et contrairement à l’approche précédente, il est question d’un concept inhérent au Droit lui-même et par conséquent immanent et non transcendant. Contrairement à la première, une telle conception ne peut reposer que sur un concept « thin », peu exigeant et assez rudimentaire, de la Constitution.
C’est bien entendu la conception de Georges Scelle, comme on l’a vu : Scelle retient une définition peu exigeante de la notion de Constitution, mais ce faisant il peut l’appliquer à tout milieu intersocial, y compris le milieu international. La Constitution n’est plus un étalon, mais comme on l’a dit, une technique juridique qui revêt une réalité en droit positif. Partant, le concept de Constitution perd en grande partie le contenu philosophique et programmatique dont il était porteur : la Constitution ne contient plus les notions de démocratie, de séparation des pouvoirs, d’État de droit – autrement dit, la Constitution n’est plus constitutionaliste.
3. La Constitution comme processus et non comme acte
La troisième différence fondamentale entre l’approche scellienne et l’approche constitutionnaliste réside dans le fait que Georges Scelle conçoit la Constitution comme un processus continu et non comme un moment dans l’Histoire. Par conséquent, dans la conception de Scelle, la Constitution est avant tout non écrite ou coutumière, tandis que chez les constitutionnalistes, elle se concentre dans un texte écrit, en l’occurrence la Charte des Nations Unies.
Les constitutionnalistes soutiennent en effet généralement que la « vraie » Constitution internationale est écrite : elle s’identifie à la Charte des Nations Unies.
Les auteurs qui vont dans ce sens perçoivent donc un « moment constitutionnel » dans l’Histoire de l’humanité. Non qu’il n’y ait eu auparavant des « principes constitutionnels » : mais grosso modo, le rapport qui est établi entre ces principes constitutionnels et la Constitution est celui qui est établi par les révolutionnaires français entre les lois d’Ancien Régime et la Constitution de 1791. L’Ancien Régime avait certes des lois constitutionnelles mais pas de Constitution, parce que ces lois étaient issues de la Nature et non de l’Histoire, parce que ces lois étaient un héritage et non une novation.
Selon cette position, la Constitution, une fois adoptée et décidée, intègre les lois non écrites : c’est-à-dire que ce qui était constitutionnel et qui existait en dehors du texte est codifié par le texte. L’essentiel de la Constitution se trouve donc dans la Charte des Nations Unies et dans quelques textes annexes, ce que Christian Tomuschat appelle les « world order treaties » (Pactes sur les droits, etc.) ou Bardo Fassbender les « constitutional by-laws ».
On peut en conclure deux choses :
– Selon cette position, la Constitution est le produit d’un acte de volonté, et non le produit d’un processus spontané et continu. La Constitution légale exprime sans doute les valeurs d’une Communauté, mais elle n’en est pas moins une rupture dans l’Histoire, un nouveau départ.
– Par ailleurs, la Constitution a nécessairement une dimension constructive ou institutionnelle et non pas seulement normative. La Constitution, c’est la création d’organes internationaux ou supranationaux et la répartition volontaire des compétences entre eux pour créer un équilibre des pouvoirs.
À l’inverse, Scelle considère que la Constitution est avant tout non écrite – ce qui n’exclut pas que certains principes constitutionnels et certaines institutions constitutionnelles soient créés par traité. Mais la « base », la substance du droit constitutionnel international, reste non écrite, de nature coutumière :
De la sorte, si certaines constitutions sont exclusivement coutumières, il n’en est point, croyons-nous, dont on puisse dire qu’elles soient exclusivement écrites.
Cette position met en valeur deux éléments importants :
– Premièrement, la Constitution est le produit d’un processus et non d’une décision. Il peut bien y avoir un texte adopté à un moment t, mais au moment même où ce texte est adopté, il est déjà dépassé, même s’il sert à fixer un cadre particulier à partir duquel l’évolution s’opère.
Philip Allott exprime une idée semblable en écrivant que la Constitution recouvre en réalité trois Constitutions : une constitution légale, une constitution réelle et une constitution idéale. La Constitution légale réglemente les actes de volonté qui ont pour objet la formation et l’exercice du pouvoir. La Constitution réelle est la Constitution telle qu’actualisée dans un processus social continu. La Constitution idéale est la Constitution comme projet possible dans le cadre de la Constitution légale et qui s’actualise dans la Constitution réelle.
– Deuxièmement, la Constitution n’inclut pas forcément une dimension constructive ou institutionnelle : il peut y avoir une Constitution qui n’institue pas d’organes, il suffit qu’elle répartisse des compétences entre des sujets qui lui préexistent. La question de la séparation des pouvoirs, de l’équilibre entre les organes « de manière à ce que le pouvoir arrête le pouvoir » n’est pas inhérente au concept de Constitution.
Autrement dit, une société anarchique est dotée d’une Constitution à partir du moment où il y a répartition des compétences – même sur une base strictement horizontale d’égalité – entre les individus qui composent cette société. C’est typiquement le cas de la Constitution du droit international classique dont l’une des normes principales est l’égalité souveraine des États avec pour corollaire l’exclusivité des compétences de l’État sur son territoire.
Mais alors, s’il n’y a pas d’organes, comment s’effectuent les fonctions sociales ? On connaît la réponse de Scelle (c’est la partie la mieux connue de sa doctrine, celle qui a le plus de succès) : la règle du dédoublement fonctionnel.
Ainsi Georges Scelle montre-t-il qu’un ordre juridique peut se développer sans création d’organe : c’est un ordre purement normatif, sans institutions, donc anarchique. Les fonctions sont pourtant assurées, le pouvoir organisé parce que réparti entre des organes préexistants – en l’occurrence, pour le droit international, les États. La société inorganique internationale emprunte aux sociétés organiques, et surtout aux États, leur personnel gouvernant :
L’ordre juridique international emprunte pour sa réalisation le concours des sujets de droit et des institutions politiques des ordres juridiques nationaux, mais il se réalise. On n’a jamais nié, il est impossible de nier, qu’il y ait une élaboration du droit positif, un contrôle juridictionnel des situations juridiques, une sanction exécutive allant jusqu’à l’emploi de la force – de la guerre, – dans les rapports interétatiques. Il y a donc législation, juridiction, gouvernement, au sens large et au sens restreint ou matériel du mot, activité constitutionnelle complète, aussi bien dans les sociétés du Droit des gens que dans celles du droit interne. Ce ne sont que les procédés de réalisation qui diffèrent.
On voit donc que Georges Scelle pose les bases d’une théorie non constitutionnaliste de la Constitution. Cette théorie de Georges Scelle présente toutefois une triple difficulté, qu’il est nécessaire de surmonter :
i. elle demeure normative/prescriptive et non purement descriptive, dans la mesure où elle prétend bâtir le concept d’une Constitution qui met en concordance la factualité du pouvoir d’une part, et la légitimité et la validité de la norme d’autre part, donc finalement une constitution de type démocratique. Or il est clair qu’il existe beaucoup d’exemples dans la réalité où cette concordance n’a pas lieu.
ii. Et justement cette théorie étant normative/prescriptive, elle est aussi contradictoire, car tout en prétendant assurer cette concordance (entre factualité, légitimité et validité), elle affirme la primauté de la factualité sur la validité et sur la légitimité :
Les gouvernants qui exercent ou contrôlent l’exercice des fonctions publiques, sont en fait les individus qui détiennent les forces matérielles : les armes, la richesse, ou le nombre.
Or si le gouvernement revient à la plus grande force, on ne voit pas ce qui garantit pratiquement ou juridiquement la concordance entre factualité, légitimité et validité.
iii. Elle est incomplète, parce qu’elle ne formule pas explicitement ce qui fait la spécificité d’une Constitution internationale, par opposition à une Constitution étatique. Or, il y a une spécificité, parce que la Constitution internationale ne peut justement pas se concevoir comme identique à celle des États nationaux, ni même par analogie avec elle.
Le projet que j’ai développé par ailleurs consiste donc à dépasser ces difficultés de la théorie scellienne :
– d’une part, en construisant une théorie non prescriptive, qui soit en mesure décrire toutes les expériences constitutionnelles et non seulement les expériences « démocratiques » dans lesquelles il est admis qu’il y a concordance entre la factualité du pouvoir et la légitimité et la validité de la norme ;
– d’autre part, en construisant une théorie propre à l’expérience constitutionnelle du milieu intersocial international et, au-delà, global.
Il me semble que sous ce double aspect, une théorie non constitutionnaliste de la Constitution présente le grand avantage de nous aider à mieux comprendre le droit international contemporain tel qu’il est, plutôt que de se focaliser sur ce qu’il devrait être, qui plus est en opérant des analogies toujours risquées avec le modèle étatique.
Olivier de Frouville
Olivier de Frouville est professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas, membre de l’Institut Universitaire de France et directeur du Centre de Recherche sur les Droits de l’Homme et le Droit Humanitaire (C.R.D.H.)/Paris Human Rights Center.
Pour citer cet article :
Olivier de Frouville « Une théorie non constitutionnaliste de la Constitution internationale », Jus Politicum, n°19 [https://juspoliticum.com/articles/Une-theorie-non-constitutionnaliste-de-la-Constitution-internationale]