La responsabilité civile dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
La présente contribution analyse la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au droit de la responsabilité civile. Cette jurisprudence se découpe en deux temps : le Conseil a d’abord établi certaines protections en faveur des victimes de dommages. Puis, par un complet bouleversement de son interprétation des textes constitutionnels, il a imposé de nouvelles exigences en faveur des auteurs de dommages. Il convient donc d’étudier ces deux facettes de la jurisprudence constitutionnelle, pour définir les contours des principes constitutionnels et en apprécier la pertinence en droit de la responsabilité civile.
L
e phénomène de « constitutionnalisation des branches du droit » n’avait aucune raison d’épargner le droit de la responsabilité civile. De fait, à partir des années 1980, le Conseil constitutionnel a rendu une vingtaine de décisions intéressant cette matière, construisant progressivement ce que l’on nomme parfois le « droit constitutionnel de la responsabilité ».
Dans ses premières décisions, le Conseil a choisi de répondre aux questions qui lui étaient posées sur le droit de la responsabilité civile en utilisant le principe constitutionnel d’égalité. Son raisonnement était le suivant : lorsque le législateur essayait de déroger à une règle existante de responsabilité civile, le Conseil censurait parfois la disposition en ce qu’elle instituait une rupture d’égalité entre les victimes ou entre les auteurs de dommages. Le principe d’égalité fournissait ainsi une protection constitutionnelle « indirecte » à certaines règles de responsabilité civile. La première décision en ce sens fut la célèbre décision du 22 octobre 1982 relative au droit de grève. Le législateur souhaitait réduire considérablement la responsabilité civile des grévistes. Le Conseil s’opposa à cette initiative, au motif qu’elle rompait l’égalité entre les victimes d’actes fautifs. Par le biais du principe d’égalité, une protection constitutionnelle « indirecte » fut donc accordée à la règle de responsabilité pour faute. Cette démarche du Conseil constitutionnel avait le mérite de la prudence. Profitant de l’extraordinaire souplesse du principe d’égalité, le Conseil parvenait au résultat qu’il souhaitait sans s’exposer aux critiques qu’aurait pu susciter la création, ex nihilo, de règles constitutionnelles de responsabilité civile. On pouvait toutefois lui reprocher d’instrumentaliser le principe d’égalité au lieu d’exprimer directement et clairement ses exigences en matière de responsabilité.
À partir de 1999, le Conseil a, de manière beaucoup plus audacieuse, consacré un véritable principe constitutionnel de responsabilité qu’il a déduit de l’article 4 de la Déclaration de 1789. On trouve désormais ce principe dans les tables analytiques du Conseil constitutionnel sous le nom de « principe de responsabilité ». L’article 4 de la Déclaration de 1789 énonce, on le sait, que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Vu le lien classique depuis longtemps tissé entre liberté et responsabilité, il n’était pas incongru de déduire de ce texte des enseignements en matière de responsabilité civile. Mais cet article 4, qui affirme à la fois le principe et les limites de la liberté, est formulé en termes si généraux que l’on peut lui faire dire, en matière de responsabilité, à peu près tout et son contraire. De fait, le Conseil en a déduit successivement deux préceptes qui vont dans des directions contradictoires. Dans un premier temps, le Conseil a institué un seuil minimal de responsabilité. Il a affirmé que celui qui cause un dommage par sa faute doit être déclaré responsable. Puis, dans un second temps qui s’est ouvert en 2015, le Conseil a posé des limites à la responsabilité. Il a exigé que les règles de responsabilité ne soient pas excessivement sévères pour les auteurs de dommages. Désormais, le principe de responsabilité présente donc, comme Janus, deux visages : le premier visage sourit aux victimes, en garantissant un seuil minimal de responsabilité. Le second observe avec bienveillance les auteurs de dommages, en s’opposant à l’excès de responsabilité. Afin d’apprécier la jurisprudence du Conseil relative à la responsabilité civile, il convient donc d’analyser ces deux facettes du principe de responsabilité, en essayant à chaque fois de définir les contours des exigences constitutionnelles et d’en apprécier la pertinence. Nous verrons donc, en premier lieu, l’affirmation du principe de responsabilité en faveur des victimes, puis, en second lieu, le retournement du principe de responsabilité en faveur des auteurs de dommages.
I. L’affirmation du principe de responsabilité en faveur des victimes de dommages
Le principe de responsabilité est apparu pour la première fois dans la décision du 19 novembre 1999 relative au PACS. Le Conseil y proclame « l’exigence constitutionnelle posée par l’article 4 de la Déclaration de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Ce principe a souvent été présenté comme la « constitutionnalisation de l’article 1382 du Code civil » dont il reprenait les termes. Il s’avère toutefois qu’en dépit d’une formulation identique, le principe constitutionnel se distingue de la règle civiliste (qui figure désormais à l’article 1240) tant au regard des conditions que des effets de la responsabilité.
S’agissant des conditions de la responsabilité, le principe de responsabilité est un principe de responsabilité pour faute. Mais contrairement à l’article 1240 du Code civil qui énonce une véritable règle, le principe de responsabilité constitue une norme beaucoup plus souple. Le législateur peut apporter à la responsabilité pour faute d’importantes limitations, à condition que ces dernières soient justifiées et proportionnées. À cet égard, deux grands critères sont utilisés par le Conseil constitutionnel : l’étendue de la limitation de responsabilité et la gravité de la faute considérée. En d’autres termes, si en principe toute personne doit répondre de ses fautes, le législateur peut déroger à ce principe à condition qu’il n’exonère pas trop largement les auteurs de dommages, et que les fautes couvertes par l’exonération ne soient pas trop graves. Ces deux critères se retrouvent dans toutes les décisions du Conseil.
La jurisprudence constitutionnelle est en revanche plus confuse s’agissant des effets de la responsabilité. Le Conseil constitutionnel n’a jamais reconnu de valeur constitutionnelle au principe civiliste de réparation intégrale. La formule consacrée du principe constitutionnel de responsabilité ne mentionne pas la mesure de la réparation, et aucun principe autonome sur les effets de la responsabilité n’a été expressément affirmé. Le commentaire de la décision Vivianne L. déclare d’ailleurs qu’« il résulte de cette jurisprudence sur le principe de responsabilité qu’il n’existe pas de principe constitutionnel de réparation intégrale de tout préjudice », et que « ce principe ne revêt aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’une valeur législative ». Dans ces conditions, on ne saurait affirmer que le principe de réparation intégrale est constitutionnellement protégé. Toutefois, le Conseil constitutionnel exerce un contrôle ponctuel sur l’étendue de la réparation, et il est parfois allé jusqu’à exiger, sans le dire très clairement, une réparation intégrale du préjudice. L’exemple le plus significatif à cet égard est la série de décisions rendues en matière d’accidents du travail : dans ces décisions, le Conseil constitutionnel a imposé, sur le fondement du principe de responsabilité, que le salarié bénéficie d’une réparation intégrale de son préjudice en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Deux remarques peuvent être faites après ce rapide examen du contour des exigences constitutionnelles. La première concerne la grande constance des solutions. Sur le fondement du principe d’égalité, puis sur le fondement du principe de responsabilité, le Conseil a toujours protégé la responsabilité pour faute, et n’a protégé qu’elle. Cette protection spécifiquement accordée à la responsabilité pour faute n’est pas due au texte constitutionnel : ni le principe d’égalité, ni l’article 4 de la Déclaration de 1789 ne l’imposait. Cela révèle la politique jurisprudentielle du Conseil qui, manifestement attaché à certaines solutions en matière de responsabilité, parvient à les consacrer quel que soit le fondement de sa décision.
La seconde remarque concerne le phénomène de « constitutionnalisation du droit ». L’influence du droit privé sur le droit constitutionnel est ici évidente, puisque le principe de responsabilité reprend mot pour mot les termes de l’article 1240 du Code civil. Mais l’étude de la jurisprudence aboutit également à constater l’indépendance du droit constitutionnel à l’égard du droit privé. Au-delà de l’identité des termes employés, le principe de responsabilité s’éloigne de la règle civiliste en ce qu’il n’est pas indifférent à la gravité de la faute et n’impose pas la réparation intégrale du préjudice subi. Ces observations montrent les failles d’une vision simpliste du phénomène de constitutionnalisation du droit. La constitutionnalisation du droit privé n’est pas la promotion pure et simple de certaines règles privatistes au rang supra-législatif. Malgré un incontestable jeu d’influence, un principe n’est consacré par le Conseil que dans la mesure où il est rattaché à un fondement constitutionnel, qui lui attribue une signification indépendante. Il faut donc être prudent lorsque le Conseil emploie des notions ou expressions connues du droit privé, car il n’y a aucune nécessité à ce que celles-ci revêtent alors le sens que leur attribue le civiliste. Comme l’a résumé Pierre-Yves Chérot, la constitutionnalisation consiste simplement à « vérifier si la solution à laquelle le civiliste aboutit par les chemins qu’il voudra bien prendre est conforme au droit constitutionnel dans son ordre propre ».
Après avoir délimité les contours des exigences constitutionnelles, il convient d’en mener l’analyse critique. Une telle analyse conduit à se poser deux questions : la protection constitutionnelle de la responsabilité pour faute est-elle justifiée d’un point de vue théorique ? Est-elle, par ailleurs, opportune d’un point de vue de politique juridique ?
D’un point de vue théorique, la consécration du principe de responsabilité n’allait pas de soi, parce qu’elle met en avant la notion de devoir individuel en droit constitutionnel. En effet, le Conseil conçoit la responsabilité comme un corollaire de la liberté, et plus particulièrement comme un corollaire de la liberté de l’auteur du dommage : l’homme est responsable parce qu’il est libre, au sens où il agit conformément à sa volonté propre. On est responsable parce qu’en agissant de manière volontairement illicite, sans prendre garde à ne pas nuire à autrui, on a fait un mauvais usage de sa liberté. La liberté n’est alors pas envisagée comme un droit mais comme une charge, qui comprend le devoir d’agir en s’efforçant de ne causer de tort à personne. C’est ce devoir, cette norme de comportement, que le Conseil lit dans l’article 4 de la Déclaration de 1789, qui justifie la responsabilité pour faute et lui confère sa valeur constitutionnelle.
Le fait de fonder la responsabilité sur la violation d’un devoir de ne pas nuire à autrui ne pose guère de difficulté au privatiste. Comme l’affirmait Jean Domat,
c’est une suite naturelle de toutes espèces d’engagements particuliers et de l’engagement général de ne faire de tort à personne que ceux qui causent quelque dommage, soit pour avoir contrevenu à quelque engagement ou pour y avoir manqué, sont obligés de réparer le tort qu’ils ont fait[.]
Mais le rattachement du principe de responsabilité au devoir de ne pas nuire à autrui soulève certaines interrogations d’un point de vue constitutionnaliste : il pose la délicate question de la place des devoirs individuels dans les déclarations de droits fondamentaux. La tradition française a été jusqu’à présent réticente à l’idée de reconnaître des devoirs fondamentaux dont elle redoute qu’ils viennent concurrencer les droits. Or, l’apparition du principe de responsabilité va dans le sens inverse de cette tradition. La proclamation de la Charte de l’environnement, qui contient plusieurs devoirs et obligations, témoigne au demeurant d’un mouvement plus large d’exaltation de la responsabilité individuelle en droit constitutionnel. Ce passionnant sujet dépasse évidemment le cadre de notre contribution. Dans les limites de notre propos, nous pouvons simplement dire qu’il est à notre sens possible et souhaitable de reconnaître certains devoirs fondamentaux, parmi lesquels mérite de figurer le devoir fondamental de ne pas nuire à autrui.
S’agissant ensuite d’apprécier l’opportunité de la jurisprudence constitutionnelle en termes de politique juridique, on peut considérer que les effets sur le droit de la responsabilité civile sont plutôt positifs. Elle a permis des modifications ponctuelles et bénéfiques, comme en témoigne l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail. Mais son influence reste mesurée : la grande majorité des dispositions soumises au contrôle de constitutionnalité ont été jusqu’à présent validées. L’évolution de la jurisprudence du Conseil à partir de 2015, qui a consisté en un retournement du principe de responsabilité en faveur des victimes de dommages, appelle une appréciation plus nuancée.
II. Le retournement du principe de responsabilité en faveur des auteurs de dommages
Dans trois décisions relatives à la responsabilité dans les chaînes de sous-traitance et les groupes de sociétés, le Conseil a déduit du principe de responsabilité une nouvelle exigence, selon laquelle les règles de responsabilité ne doivent pas être excessivement sévères pour les auteurs de dommages. Ces décisions transforment donc le principe de responsabilité en un instrument à double tranchant : ce principe impose désormais que la responsabilité ne soit ni trop limitée, ni trop étendue. Le Conseil se montre plus précisément hostile envers deux types de règles de responsabilité : celles instituant une responsabilité solidaire et celles instituant une responsabilité pour autrui. Désormais, la responsabilité solidaire et la responsabilité pour autrui sont considérées comme des atteintes au principe de responsabilité. Elles ne sont admises qu’à la condition d’être justifiées et proportionnées. Ces trois décisions rompent donc clairement avec la jurisprudence antérieure. Et cette rupture résulte de la seule volonté du Conseil qui a, dans les deux premières décisions, soulevé d’office le grief tiré du principe de responsabilité.
Il est en outre envisageable que le Conseil étende à l’avenir son contrôle à d’autres types de règles que celles qui instituent des responsabilités solidaire et pour autrui. Certes, les décisions considérées ne contiennent aucune observation en ce sens. Mais le fil rouge de la nouvelle jurisprudence semble bien être de censurer les règles de responsabilité excessivement sévères pour les auteurs de dommages, le seul point commun entre la solidarité de paiement et la responsabilité étant l’accroissement de responsabilité auquel elles conduisent. Dès lors, il ne serait guère étonnant que d’autres règles de responsabilité soient considérées comme des atteintes au principe de responsabilité. Dans l’attente de savoir ce que fera le Conseil, on peut d’ores et déjà mettre en lumière les dangers que fait naître cette nouvelle interprétation du principe de responsabilité.
L’analyse critique de la jurisprudence conduit à nouveau à se poser la question de sa justification théorique et celle de son opportunité en termes de politique juridique. Sur le premier point, il apparaît que le Conseil constitutionnel contrôle la responsabilité en ce qu’elle crée une charge pour le justiciable. Or, on peut estimer qu’un tel contrôle est théoriquement justifiable, car il peut être rationnellement rattaché à l’article 4 de la Déclaration de 1789. Ce texte, qui proclame la liberté comme principe, et les bornes qui lui sont posées comme des exceptions, peut constituer le fondement d’un contrôle de l’excès de responsabilité.
D’un point de vue politique, en revanche, la nouvelle interprétation du principe de responsabilité présente certains risques. Il faut concéder que le droit de la responsabilité civile, après s’être essentiellement construit autour de la figure de l’auteur du dommage, a progressivement évolué pour s’intéresser de plus en plus à la figure de la victime. Or, cette évolution du droit de la responsabilité civile peut aboutir à de nouvelles injustices : après avoir injustement privé certaines victimes d’indemnisation, on risque aujourd’hui de condamner injustement certains auteurs de dommages à réparation. Le nouveau principe de responsabilité peut donc avoir une utilité certaine, en permettant de veiller à ce que le législateur préserve l’équilibre entre les auteurs et les victimes de dommages. Mais on peut aussi se montrer inquiet face à l’usage que le Conseil a fait du principe de responsabilité jusqu’à présent. Dans les trois décisions, le législateur s’efforçait d’apporter des réponses aux dommages aujourd’hui causés dans le cadre des chaînes de production. Or, ces initiatives font l’objet d’un contrôle rigoureux de la part du Conseil, alors qu’elles n’étaient aucunement révolutionnaires. Dans la décision du 31 juillet 2015, la disposition contestée se contente de rendre solidairement responsable le donneur d’ordre qui a commis une faute et profite ainsi de la réalisation d’un travail dissimulé. Elle est sévèrement examinée par le Conseil, bien qu’il s’agisse d’une règle de responsabilité peu audacieuse, fondée sur la très classique notion de faute. Et dans la décision du 22 janvier 2015, la disposition critiquée impose simplement au donneur d’ordre de prendre en charge l’hébergement des salariés lorsque, averti que les salariés sont hébergés dans des conditions contraires à la dignité humaine, il fait cependant le choix de poursuivre l’exécution du contrat. Il s’agit donc d’une application très prudente de la théorie du risque-profit, qui fait pourtant l’objet d’une réserve d’interprétation de la part du Conseil afin que les sommes dues soient limitées.
Plus largement, on peut redouter que la nouvelle interprétation du principe de responsabilité conduise à promouvoir une vision anachronique de la responsabilité civile. Prise au pied de la lettre, la formule du Conseil exprimant sa défiance envers « l’engagement de la responsabilité d’une personne autre que celle par la faute de laquelle le dommage est arrivé » peut nourrir certaines craintes. Elle fait irrésistiblement penser aux propos de Marcel Planiol qui déclarait, au début du siècle dernier, qu’« on aura beau écrire des milliers de pages sur la responsabilité objective, jamais on n’en démontrera l’utilité ni l’équité, car elle consiste à faire supporter à un homme les conséquences de la faute d’un autre ». Or, à la même époque, Louis Josserand démontrait déjà les limites de la responsabilité pour faute face aux nouveaux risques. La créativité de la doctrine et l’audace du juge ont permis l’avènement de la responsabilité sans faute. L’arrêt Jand’heur a été le point de départ d’une formidable évolution qui, si elle a donné lieu à quelques errements, a été un incontestable facteur de progrès. Aujourd’hui, le droit de la responsabilité est confronté à des situations dommageables inédites face auxquels les juristes doivent une nouvelle fois faire preuve d’inventivité. Le Conseil constitutionnel devra prendre garde à ne pas étouffer les initiatives qui devront être prises pour répondre aux défis du droit contemporain de la responsabilité.
Bénédicte Girard
Professeur de droit privé et de sciences criminelles à l’Université de Strasbourg
Pour citer cet article :
Bénédicte Girard « La responsabilité civile dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Jus Politicum, n°21 [https://juspoliticum.com/articles/La-responsabilite-civile-dans-la-jurisprudence-du-Conseil-constitutionnel]